•  

    D'où vient le mot "guérir"?

     

    Etymologie (cf: Dictionnaire étymologique de Jacqueline Picoche)

     

    Le mot "guérir" vient de la racine indo-européenne *swer, variante *sert et *wer "faire attention". En germanique, une base *war "être attentif" apparaît dans le germanique *warnjan (en allemand warnen, en anglais to warren) "pourvoir, munir" et "protéger" (en allemand wahren); *wardon "attendre, soigner" (allemand warten, anglais to ward).

     

    Au Moyen Age

     

    Au XIème siècle, le francique *wardon a donné les mots "garder, garde-fou, gardiennage" etc...Une variante de *wardon se trouve dans le mot garir qu'on trouve en ancien français. Dans le dictionnaire de l'ancien français de Godefroy, on trouve à côté du terme "garir", ses variantes: garrir, guarir, guérir, gauarir, warir.

     

    Les dérivés

     

    guérison, guérissable, inguérissable, guérisseur.

     

    Les proverbes (cf.dictionnaire Littré)

     

    C'est un saint qui ne guérit de rien: se dit d'un homme qui a peu de crédit.

     Médecin, guéris-toi toi-même: c'est-à-dire gardez pour vous-même les avis que vous donnez  aux autres. Lorsque l’on donne des remèdes aux autres, on doit être capable de se les prescrire à soi-même.

     

    Quand on est mort, c'est pour longtemps ;

    On est guéri du mal de dents,

     De la potence et du carcan, Anc. chanson.

     

    Comment est-on passé du sens de "protéger, se défendre" à celui de "soigner"?

     Guérir peut signifier "protéger quelqu'un d'une maladie, d'une attaque extérieure". Cela signifie donc que celui qui est malade n'a pas su ou pu combattre l'envahissement d'un "ennemi". Dans le cas de la maladie psychique, on peut songer qu'il s'agit d'une influence psychique néfaste qui se manifeste sous forme de cauchemar éveillé qu'on appelle "délire" qui vient du latin "delirium" "sortir du sillon". Ces pensées qui nous rongent, nous obsèdent doivent être chassées. La question est de savoir: par quels moyens?

     

    Dans le dictionnaire Littré, on trouve le sens suivant:

     Guérir quelqu'un de quelque chose, lui ôter quelque inclination, quelque habitude qui n'est pas bonne: Le plaisir que je prenais à le relire sans cesse me guérit un peu des romans. [Rousseau, Confess. I]

     

    On retrouve cette même idée dans le mot composé GARDE-FOU:

     

    Il est synonyme de garde-corps. Sorte de talus en terre établi le long des routes qui bordent un précipice. Ce qui empêche de faire des folies, des imprudences. Ex:  La liberté des prix sans garde-fou est impensable.

     Le garde-fou est ce parapet, cette balustrade, cette protection raisonnable et sage qui permet d’éviter de faire des folies et de tomber dans un précipice dont on revient parfois bien meurtri. Mais certains font le choix de sauter ou tombent tout simplement sans le vouloir : espérons alors qu’ils trouvent le chemin pour remonter et comprendre pourquoi aucune barrière n’a été mise.

     C’est aussi à la famille, à la société de veiller à ce qu’un enfant ou un adolescent ne franchissent pas les barrières qui le conduiraient droit au précipice, à la chute vers une douleur immense qu’on appelle « folie » mais qui en cachent bien d’autres. La vraie liberté ne mène pas à la folie, mais à la sagesse. Elle est cette douce harmonie qui nourrit notre être de lumière.

     Pour conclure, si on s’en réfère au sens étymologique et à l’évolution du mot « guérir », le soin passe par une protection contre les mauvaises influences et habitudes. Il est un rempart qu’on se construit non contre la lumière (ce serait le danger de vivre emprisonné et reclus, imperméable à toute influence, même les bonnes) mais contre ce qui nous rend servile, nous vole notre liberté, contre nos illusions les plus tenaces. Quand un homme vous dit : « vous gagnerez beaucoup en vendant ce produit illicite, vous serez riche, puissant rapidement. » Il ne vous dit pas l’essentiel qu’il vous vole votre liberté, valeur pourtant cruciale pour grandir. Il vous cache la vérité, par un énorme mensonge, par une escroquerie mentale, il vous prend l’essence de votre âme et celle de votre bonheur. Accepter de s’asservir, c’est franchir le pas vers un mal dont on connaîtra bientôt la douleur. Donc, apprenons à nous protéger des mauvaises influences pour être en pleine santé, voilà ce que nous enseigne l'histoire du mot « guérir ».
     
     

     

     

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  • Définition de la maladie bipolaire

    Cet article est un résumé commenté de celui de l'encyclopédie universalis, rédigé par Maurice Bazot, psychiatre, professeur agrégé au Val de Grâce. Rappelons que le terme de maladie bipolaire a pris le pas sur celui de psychose maniaco-dépressive.

    La création de cette classification

    La maladie bipolaire est connue depuis l'Antiquité, non sous ce nom, mais elle se manifeste par l'alternance d'état de dépression, suivi d'un état d'excitation. En 1899, E. Kraepelin fait la synthèse des travaux consacrés à ce trouble de l'humeur : la psychose maniaco-dépressive est née. Il l'oppose à la démence précoce (bientôt dénommée schizophrénie), irréversible et chronique, alors que la psychose maniaco-dépressive est essentiellement, dans ses accès, cyclique et réversible.

    Cette affection, considérée comme une véritable « urgence médicale » dans les années 1970 car le risque suicidaire est mille fois supérieur à celui de la population générale, a bénéficié de progrès thérapeutiques décisifs qui ont profondément modifié son visage. Elle a, de plus, le privilège d'être la seule maladie psychique qui puisse être traitée préventivement grâce aux sels de lithium.

     

    Aperçu historique

    Toute maladie est un fait de civilisation et son aspect change avec le contexte historique et les conditions culturelles. Le malade subit son mal, mais en bâtit l'expression clinique avec les « matériaux » qu'il reçoit de son milieu. Le rapport au social peut donc être la cause de ce mal. Le médecin participe du même environnement lorsqu'il dépeint, nomme et traite l'affection en cause, à la lumière des acquis scientifiques de son temps.

    Les termes de maladie bipolaire et psychose maniaco-dépressive sont à rapprocher de ce que l'on a nommé longtemps et ce, depuis l'Antiquité: la mélancolie qui signifie au sens étymologique "bile noire" ("mélan" de melas signifiant "noire" et "khôlê" en grec "bile" élément que l'on retrouve dans "colère").

    Cette terminologie peut être mise en parallèle avec le mot "manie" qui signifie "folie, délire général, obsession".

    Cet état de « noir » chagrin désigné par le terme de "mélancolie" a, de fait, longtemps recouvert un conglomérat hétérogène allant de la tristesse passagère, du spleen (le mot, en anglais, désigne la rate, où les Anciens voyaient l'origine de l'humeur noire...) à la mélancolie proprement dite. À l'heure actuelle, cette expression désigne tout état caractérisé par une inhibition psychomotrice, une douleur morale et une culpabilité intenses, ainsi que par le désir et la recherche de la mort. Elle s'éloigne évidemment du sens courant d'état d'abattement et de tristesse, accompagné de rêverie, qui a été célébré à l'époque romantique.

    La maladie bipolaire aujourd'hui

    Rappelons que dans la construction de l'adjectif "bipolaire" se trouve le préfixe "bi" qui signifie "deux". On observe donc bien chez le patient atteint de cette affection l'alternance entre deux pôles: l'un dépressif, l'autre frénétique.

    Le traitement préventif (lithium) et les neuroleptiques ont modifié le cours actuel de la maladie, raréfiant les accès et atténuant leur fécondité expressive. Le patient, riche d'une expérience antérieure et de l'information reçue (souvent partagée avec l'entourage familial) sait reconnaître à travers un « signal symptôme » – le plus souvent l'installation d'un trouble important du sommeil – l'annonce d'une « rechute » et peut prendre immédiatement contact avec son thérapeute. S'il s'agit d'une première manifestation de la maladie, l'admission dans un service spécialisé et l'instauration d'un traitement ont, là encore, toute chance d'être rapides car, malgré les apparences et malgré la fascination qu'exercent sur elle, par les médias, les comportements originaux ou marginaux, la société actuelle reste peu tolérante à la déviance et l'on hospitalise bien vite la plupart des « agités ».

    L'accès maniaque

    en quelques jours par le traitement est dominé par l'accélération des activités motrices et intellectuelles et par l'exaltation euphorique. Tout peut se voir, depuis la subagitation incessante jusqu'à l'activité effrénée, toujours désordonnée et inefficace, parfois violente et destructrice. La résistance à la fatigue ne manque pas d'étonner, compte tenu des efforts que le malade peut déployer, de jour comme de nuit. La pensée est accélérée, chaotique ; le maniaque ne peut maîtriser l'afflux des images et des associations, alimenté par la perception aiguë, rapide mais superficielle qu'il a de l'entourage. Prolixe dans ses paroles comme dans ses écrits, passant d'un sujet à un autre, il fait preuve d'un brio en fait trompeur. C'est un « faux riche », dont les idées fuient de façon incessante.

    Son comportement et son langage traduisent une modification fondamentale de l'humeur, allant de la simple exubérance à l'exaltation sans frein. Euphorique, il va affirmer de façon péremptoire sa valeur et sa toute-puissance. Libéré de toute contrainte intérieure, il ne se laisse arrêter par aucun obstacle dans son envie de boire, de manger, de satisfaire ses besoins érotiques (aux propos obscènes peuvent parfois s'associer de véritables comportements inadaptés, attentatoires à la pudeur). Il passe brutalement de l'euphorie communicative à l'acrimonie et à l'agression. Il n'a pas son pareil pour percevoir la faille chez l'interlocuteur. Les dons fugaces qu'il a pour la caricature ne vont pas sans perturber la sérénité et la cohésion des équipes thérapeutiques. Fréquemment blessés par la justesse de ses traits, les membres de sa famille éprouvent de profondes difficultés à distinguer « ce qui relève de la maladie » et ce qui peut être « normal », situation qui engendre bien des rancœurs et des conflits.

    L'aspect dépressif

    Tout est ralentissement : prostré, le visage figé, exprimant la tristesse, la crainte ou la terreur, le malade reste assis des heures à regarder le sol. Il exprime avec parcimonie, difficulté et lenteur l'ampleur de sa détresse. Et tout n'est que tristesse : impuissant devant l'annonce de l'inévitable châtiment que mérite son inconduite passée, le sujet rumine, au cours d'insomnies rebelles, les détails et l'ampleur de celle-ci ; il est si pleinement convaincu de sa culpabilité que la solution du suicide s'impose logiquement à lui. Franchissant un degré de plus, il se juge indigne, incurable, damné ; il confesse sa responsabilité dans les malheurs du monde ; il se croit à l'origine des catastrophes contemporaines (tremblements de terre, incendies, etc.), cette conviction étant parfois renforcée par des accusations hallucinatoires. À l'hyperconsommation et à la jouissance font place l'absence totale d'appétit, qui va dans certains cas jusqu'à la dénutrition, et le ralentissement des grandes fonctions physiologiques.

    Pourquoi est-il important de savoir reconnaitre ce trouble pour les médecins?

    Le fait de reconnaître les troubles, de les situer dans le champ de la psychose maniaco-dépressive ne relève pas d'un jeu intellectuel gratuit, mais revêt une portée pratique considérable, les options thérapeutiques qui en découlent pouvant avoir une importance déterminante sur l'avenir du malade. L'influence de l'âge est aujourd'hui mieux connue : il « colore » les troubles de l'humeur d'une palette schizomorphe chez le jeune, paranoïaque chez l'adulte après quarante ans, pseudo-démentielle chez le sujet âgé. On imagine sans peine les conséquences d'une attitude médicale consistant à prendre une coloration, certes souvent accusée, pour l'essentiel, au détriment du trouble basal de l'humeur, qui est privilégié dans des études modernes.

    Quelles seraient les causes de la maladie bipolaire?

    Distinct de l'angoisse, le sentiment dépressif est, selon cette perspective, un affect universel, qui découle habituellement d'un vécu de perte d'amour de l'autre (à l'occasion d'une séparation, d'un deuil) et d'une perte d'estime de soi. La vulnérabilité à la perte d'amour, variable selon les sujets, est liée aux avatars de la première relation objectale : fondamentalement ambivalent, le petit de l'homme craint que ses propres pulsions destructrices n'anéantissent sa mère, dont il dépend entièrement, et qu'il aime. Le sujet s'en voudra de ne pas réussir à obtenir ce dont il a besoin, jaugeant son échec à la mesure de l'image idéale de soi. Ainsi, ambivalence, avidité orale et besoins narcissiques accrus sont les caractéristiques fondamentales d'une « faille », dont les événements ultérieurs vont « réactiver » la béance. Dans cette hypothèse, la mélancolie est une réaction à la perte, réelle ou imaginaire, d'un objet d'amour narcissiquement investi. L'autre (la mère en l'occurrence) suscite des frustrations qui font surgir un sentiment d'ambivalence. La haine qu'il suscite devient alors haine de soi, les accusations, auto-accusations. La frustration se transforme en auto-violence et en destruction de soi et de son environnement.

     

     

    Référence pour la rédaction de l'article

    Maurice BAZOT, « MANIACO-DÉPRESSIVE PSYCHOSE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 21 juillet 2014. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/psychose-maniaco-depressive/


    Sur la mélancolie:

     

    Ce qui ne peut danser au bord des lèvres s'en va hurler au fond de l'âme.

    Christian Bobin- "L'Autre visage"

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  •                                                            Qu'est-ce que l'estime de soi?

    Ce que n'est pas l'estime de soi

    -le narcissisme ou l'autosuffisance: si le narcissisme est parfois nécessaire pour l'image de soi, lorsqu'il est déchaîné, il est le principal moteur de la maladie psychospirituelle. Pour parvenir à changer, à mourir physiquement ou symboliquement, il faut être capable de se détacher d'une forme de narcissisme pour grandir psychiquement: "on ne peut surmonter la peur de la mort que si l'on est capable de vaincre son narcissisme", explique Scott Peck, -célèbre psychiatre américain-. Sur l'échelle des blessures narcissiques, la mort est la blessure ultime.

    "Car plus on réduit son narcissisme, son égoïsme et le sentiment de sa propre importance, moins on craint la mort, mais aussi la vie. Et c'est ainsi que l'on devient plus aimant. Débarrassé du fardeau inutile de se protéger soi-même, on est capable de tourner son regard vers autrui et de le reconnaître vraiment."

    L'estime de soi va à l'encontre de l'égoïsme, de l'orgueil et de la prétention qui nuisent à son développement.

    Cela passe donc par un certain détachement de soi.

    Ce qu'est l'estime de soi

    L'estime de soi, c'est être content de soi, être un bon compagnon pour soi-même, se trouver sympathique et ouvrir un dialogue intérieur agréable et chaleureux. Elle va de pair avec l'harmonie intérieure, l'équanimité -à savoir l'égalité d'humeur- et la sagesse.

    Si l'on accorde de la valeur à sa personne, on n'a pas de mal à saisir que l'on vaut bien tous les efforts que l'on fait pour soi. L'estime de soi se développe avec la construction de soi et les efforts qu'il faut déployer pour y parvenir, pour s'imposer une certaine discipline, essentielle pour grandir. Rappelons que l'intolérance à la frustration ou à la contrainte peuvent conduire les enfants à des comportements destructeurs parce qu'ils n'ont pas appris à gérer leurs émotions. L'estime de soi passe donc par une forme de discipline équilibrée qui permet au cœur et à l'esprit de grandir en bonne harmonie et de faire jaillir la tendresse.

    L'absence d'estime de soi peut venir du regard des parents qui ne nous ont pas appris la valeur que l'on doit accorder à soi-même et tous les efforts qu'il faut faire pour parvenir à son plein épanouissement en respectant un certain nombre de règles, dans un cadre ferme mais chaleureux, propice à l'expression de la tendresse.

    L'estime de soi passe donc par l'apprentissage de la valeur de soi et des efforts nécessaires pour cultiver un être épanoui et en bonne santé, respectant une certaine hygiène de vie et développant de belles pensées. Bien penser est aussi important que bien se nourrir.

    Bibliographie

    Au-delà du chemin le moins fréquenté -Scott Peck

    Citation:

    "La guérison la plus profonde ne passe pas par l'esprit mais par le cœur et l'âme."

    Scott Peck "Au-delà du chemin le moins fréquenté"

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  •                                                                   Qu'est-ce que la dette affective?

    Finalement, en amour, on est parfois confronté à la mauvaise foi de l'autre qui se défile pour éviter d'avoir à assumer ses responsabilités. Le monde est fait de beautés mais aussi d'horreurs et parfois l'autre préfère se laisser tirer vers le bas plutôt que de monter vers le haut et dépasser le stade boueux d'une réalité insupportable.

    Au lieu d'avouer qu'il n'est pas capable d'ouvrir son cœur -mais cela demanderait un minimum d'humilité- et de proposer des solutions, il préfère assassiner verbalement et se dire que NOUS sommes la cause de son mal, que nous ne savons pas faire naître l'amour. Cette attitude ressemble à la fameuse lettre cynique de Valmont à Madame de Tourvel dans "Les Liaisons dangereuses", lorsque ce dernier, en séducteur sans vergogne, affirme sans honte: "Ce n'est pas ma faute" (si je ne t'aime plus!). Alors que le libertin a tout fait pour posséder la Présidente, une fois l'acte accompli, il lui répond qu'il ne l'aime plus et qu'il ne l'a jamais aimé: "ce n'est pas ma faute!", répète-t-il comme une rengaine. Comment se déresponsabiliser, faire souffrir en niant l'évidence?

    Oui, mais voilà nous savons ce que nous avons donné et même si c'était sans espoir de retour, on attend un minimum de respect, on veut au moins n'être pas méprisé, sali par les paroles dégradantes de celui qui se défile et qui nous considère comme un objet qu'on prend et qu'on jette vulgairement: une autre bien meilleure que nous viendra nous remplacer! Cette attitude est vraiment honteuse, mais doit-on en vouloir à l'autre, s'interdire d'aimer, oublier les bons moments, se punir d'avoir fait confiance?

    C'est après une expérience de ce type que j'ai songé à ce mot: dette affective. Il est si facile de refuser de s'ouvrir affectivement afin de ne jamais souffrir de devoir "rembourser" symboliquement. C'est en lisant quelques articles sur le sujet que j'ai mieux saisi le titre du livre" pourquoi on en veut à ceux qui nous font du bien?". On leur fait payer pour n'avoir pas à payer, au moins à court terme. On entre alors dans un processus négatif de destruction et d'autodestruction.

    Comment fonctionne le principe de la dette affective?

    « Tout don engendre une dette, et toute dette doit être apurée. » Ce principe s’applique collectivement comme le montrent les ethnologues. Le don ne peut pas être refusé, il doit être remboursé, le non-remboursement crée le rejet. Le fait de ne pas rembourser la dette peut engendrer des perturbations psychologiques et affectives importantes.

    Pourquoi s'autopunit-on?

    Certaines personnes restent, à l’âge adulte, dans l’illusion qu’elles peuvent recevoir sans donner, ou au contraire que leur dette ne pourra pas être remboursée. Des dettes anciennes non-apurées peuvent ainsi mener à des conduites d’auto-punition.

    Les effets sur le donataire

    Dans le cas de dettes privées, les conséquences sont inégales, pouvant mener le donataire à exiger encore plus, à nier la dette, à la rembourser à d’autres, à agresser le donateur, d’autres personnes, ou lui-même, en particulier par une mésestime de soi.

    Le besoin de rembourser une dette psychique ou affective

    L’universalité du besoin social de rembourser notée par les ethnologues, montre que nous le portons en nous. Une dette acceptée, et son remboursement, renforcent les liens sociaux et affectifs. Marcel Mauss montre ce mécanisme, en général appelé "Potlatch", dans son Essai sur le don. Ce don ritualisé doit être remboursé sous peine de dommages psychiques, et de dévalorisation du donataire et du groupe qu’il représente, sous forme de perte d’autorité, d’honneur, de mana. Le cadeau peut même être réputé détenir une partie de l’essence du donateur, qui doit donc être rendue, sous peine d’agir contre son détenteur abusif. Dans le cas normal, le potlatch, -qui peut prendre de nombreuses formes, matérielles ou dématérialisées-, ajoute au prestige du donateur. Il devient donc l’enjeu d’une lutte d’influence et de prestige. A l’extrême, ce désir de dominer peut pousser à détruire les biens plutôt que les donner, rendant l’infériorisation de l’autre définitive.

    Que peut entraîner le non-respect de la dette affective?

    Là ou le non-respect de la dette collective pouvait entraîner une guerre, le non-respect de la dette individuelle peut entraîner un désordre psychique. Dans tous les cas le non-apurement de la dette crée de la haine envers le donateur, qui peut être retournée contre soi-même. Le masochisme de ces débiteurs peut faire croire qu’ils éprouvent du plaisir dans la situation qu’ils ont participé à créer, alors qu’en fait cette douleur ne sert qu’à soulager le poids de leur dette.

    La délinquance relationnelle

    "Enfin, il y a ce fameux mécanisme psychologique : « Ce prêt m’oblige et je ne veux pas être l’obligé d’un tiers ». Dès lors, ce prêt n’a pas eu lieu – et qui aurait la sottise de rembourser un prêt qui n’a jamais existé ? L’affaire se trouve réglée à moindre frais… Ce prêt devient un don et, en guise de contre don, on fait payer, dans tous les sens du terme, parce qu’on se trouve soudain riche du don de l’autre… Il n’empêche, cette autre logique débouche sur une même conclusion : il y a vol. Dans tous les cas de figure, il n’y a jamais que variation sur le sempiternel thème de la délinquance relationnelle." Michel Onfray

    En prolongement de l'explication de Michel Onfray, je dirai que la délinquance relationnelle naît d'une absence de responsabilité face à ses actes. On n'assume pas ce qu'on a pourtant voulu et on fait porter à l'autre le poids de notre irresponsabilité. Dans ce type de relation toxique, on méprise l'autre et on lui fait croire qu'il n'est pas assez bien pour nous, qu'il y a mieux ailleurs. On ment sur ce qui s'est précédemment passé, on déforme et on se croit sorti d'affaire, mais seulement pour un temps...car le mensonge est une illusion et il ne guérit de rien, il rend malade.

    Quelles solutions peut-on mettre en avant pour rembourser une dette affective?

    • dire pardon lorsqu'on a mal agi
    • reconnaître ses torts et tenter de réparer les dégâts plutôt que de nier les faits
    • donner à son tour
    • arrêter de mentir
    • être juste et ne pas sombrer dans la mauvaise foi ou la déformation des faits, en réinventant "l'histoire"
    • Ne pas se comporter comme un lâche et assumer

    La réparation est toujours un don symbolique ou affectif.

    ..............

    En musique et en vidéo, voilà ce que j'aurais rêvé d'entendre, une chanson que je trouve magnifique sur la capacité de se faire pardonner quand a blessé à coups de couteau verbaux: The Christian-WORDS.

    Liens externes

    • Article de Michel Onfray sur le sujet: http://mo.michelonfray.fr/chroniques/la-chronique-mensuelle-de-michel-onfray-n%C2%B0-92-%E2%80%93-janvier-2013/

    Et pour les curieux, voici la lettre de Valmont à Madame de Tourvel (que je citais en introduction):

    "On s’ennuie de tout, mon Ange, c’est une loi de la Nature ; ce n’est pas ma faute. Si donc je m’ennuie aujourd’hui d’une aventure qui m’a occupé entièrement depuis quatre mortels mois, ce n’est pas ma faute. Si, par exemple, j’ai eu juste autant d’amour que toi de vertu, et c’est sûrement beaucoup dire, il n’est pas étonnant que l’un ait fini en même temps que l’autre. Ce n’est pas ma faute. Il suit de là, que depuis quelque temps je t’ai trompée : mais aussi, ton impitoyable tendresse m’y forçait en quelque sorte ! Ce n’est pas ma faute. Aujourd’hui, une femme que j’aime éperdument exige que je te sacrifie. Ce n’est pas ma faute. Je sens bien que te voilà une belle occasion de crier au parjure : mais si la nature n’a accordé aux hommes que la constance, tandis qu’elle donnait aux femmes l’obstination, ce n’est pas ma faute. Crois-moi, choisis un autre amant, comme j’ai fait une autre maîtresse. Ce conseil est bon, très bon ; si tu le trouves mauvais, ce n’est pas ma faute. Adieu, mon ange, je t’ai prise avec plaisir, je te quitte sans regret : je te reviendrai peut-être. Ainsi va le monde. Ce n’est pas ma faute."

     

    Rappelons que le personnage de Valmont a été inspiré à Laclos par l'observation de véritables libertins de son époque. Le vicomte a sacrifié son cœur, privilégiant l'affreux calcul et la manipulation, préférant l'orgueil et la vanité, à l'humble élan du cœur. Il s'en repentira par la suite, mais bien trop tard et conduira Madame de Tourvel à sa perte.

    Ne te conduis pas comme si tu devais vivre des millions d'années. L'inévitable dette est suspendue sur toi. Pendant que tu vis, pendant que tu le peux encore, deviens homme de bien.

    Marc-Aurèle "Pensées pour moi-même"

    The Christians "Words"

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  • Scott Peck dans "Le Chemin le moins fréquenté" tente de comprendre les origines de la maladie mentale. Les pistes qu'il donne ne doivent pas forcément être considérées comme des vérités indiscutables, mais comme des hypothèses pour mieux comprendre les fondements spirituels des troubles mentaux.

    Les origines de la maladie

    Selon ce célèbre psychiatre américain, la maladie naît d'un conflit entre l'essence de notre être (on pourrait l'appeler notre âme), notre conscience et nos actions. Lorsque ces trois parties de notre être sont en harmonie ou en équilibre, nous sommes en bonne santé, mais lorsque ces trois aspects entrent en conflit, la maladie peut se déclarer.

    Scott Peck explique aussi les origines de la maladie mentale dans le conflit entre le conscient et l'inconscient. Lorsque le conscient refoule certaines émotions, certaines pensées et ne veut ni en parler, ni les résoudre, c'est l'inconscient qui porte ce poids énorme. Par conséquent, l'inconscient est troublé et n'est plus en paix si bien qu'il finit par s'exprimer par la maladie passant parfois par les hallucinations qui sont un besoin naturel d'évacuer des tensions que le conscient refuse de traiter-:

    "Les maladies mentales ne sont pas un produit de l'inconscient -comme le laissait présager Freud- c'est en revanche, un phénomène dû au conscient, ou disons, aux mauvaises relations entre le conscient et l'inconscient. Prenons l'exemple du refoulement. (...)C'est dans ce refus, ce désaveu, que réside le problème. Ce n'est pas que les humains aient ce genre de pensées, mais plutôt que, au niveau conscient, ils ne veulent pas les admettre et supporter la douleur d'y  faire face; alors, ils les balaient sous le tapis."

    Prenons l'exemple d'une âme profondément honnête mais qui s'écarte du fondement de son être en faisant le contraire de ce à quoi son être le destine -en mentant, faisant le mal, ne respectant pas la morale-, ce conflit intérieur peut le conduire à la maladie mentale. Il n'est pas en harmonie avec l'essence de lui-même.

    Deux forces s'opposent dans ce monde: celle de l'évolution spirituelle et celle de l'entropie (désordre de la matière, manque de désir de se dépasser, paresse spirituelle). L'évolution spirituelle demande beaucoup d'efforts car elle lutte contre le désordre naturel, contre une force d'inertie, contre la décrépitude. Lorsque l'être humain refuse cet effort, par paresse (rappelons que celle-ci fait partie des 7 péchés capitaux!) il se désagrège, tombe malade.

    "C'est la force d'entropie qui nous tire vers le bas et freine notre évolution spirituelle," expliquera Scott Peck.

    Les moyens d'y faire face

    Selon Scott Peck, tout être humain est sur terre dans un but d'évolution spirituelle, pour rejoindre un peu plus Dieu chaque jour et tenter de lui ressembler, pour faire le bien. La maladie mentale peut être vue comme un signal de non-évolution. La parabole de l'enfant prodigue rappelle cette transformation d'un fils perdu qui n'a pas respecté son père et qui tout d'un coup est revenu vers le bien. Ce retour sur le droit chemin est vu comme une renaissance. Il était mort psychiquement et il est revenu à la vie. La guérison pourrait être exprimée ainsi: "j'étais perdu et je me suis trouvé, j'étais aveugle et aujourd'hui, je vois."

    L'amour

    "Au sein de l'humanité, l'amour est la force miraculeuse qui défie la loi naturelle de l'entropie." L'amour permet de sortir de ces contradictions, car elle est la force du dépassement de soi, elle donne envie de faire le bien autour de soi, d'être attentif aux autres et de sortir de l'égoïsme qui crée le désordre et l'absence d'unité.

    "Le Mal est l'anti-amour." (p.321)

    La grâce

    La grâce est une forme de synchronicité, d'heureux hasards que la science ne peut mesurer, c'est pourquoi les scientifiques n'y croient pas et refusent parfois de la considérer- bien qu'elle existe- même si on ne parvient pas à la comprendre. La grâce est un cadeau que la vie nous fait à un moment donné, mais pour pouvoir la recevoir, il faut accepter ce cadeau, le considérer. De nombreux être humains sont touchés par cette énergie, mais ils ne la voient pas, n'y sont pas attentifs si bien qu'elle perd de son effet. Elle passe par l'acceptation de la beauté de la vie, de ce qu'elle nous offre de positif et donc par l'estime de soi. Si on pense au fond de soi ne pas mériter ce cadeau, on le délaisse.

    "Tout ce qui ne peut être compris en terme de lois naturelles connues est un miracle et les miracles existent." Scott Peck, p.264.

    Pourquoi vouloir toujours opposer la science et la religion? Les deux ne pourraient-ils pas se compléter? "La science est une religion du scepticisme", ajoutera le psychiatre américain (p.221).

    Le courage

    C'est le mélange de peur et de paresse qui conduit le plus souvent à la souffrance, au malheur. L'être humain doit perpétuellement être en mouvement intérieur s'il ne veut mourir psychiquement. Or, parfois, ce changement lui fait peur: il ne sait pas où tout ceci va le mener si bien qu'il préfère y renoncer; mais ce qu'il ne sait pas, c'est qu'en l'évitant, il risque de tomber malade et de souffrir encore plus. Cette peur du changement s'accompagne souvent d'une peur du travail que cette évolution exige. La paresse est la volonté d'éviter cette souffrance et de choisir la solution de facilité. Mais l'absence de désir de se dépasser peut nous conduire au pire et nous empêcher de nous élever, c'est pourquoi le courage -au sens étymologique de "cor, cordis" "le cœur"- est une énergie essentielle car il mêle la force du travail et celle de l'amour pour permettre à l'être humain de se développer spirituellement et de réaliser son plein potentiel. Rappelons que selon l'OMS, la définition de la santé mentale est la suivante:"c'est un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés de la vie, de travailler avec succès, de manière productive et d'apporter une contribution à la société."

    En conclusion, l'équilibre intérieur doit donc se cultiver comme on cultive un jardin. Parfois, les plus belles roses sont les plus fragiles. Il nous faut donc nous en occuper avec un soin et une attention sans pareil, au risque qu'elles tombent malades. Les personnes les plus sensibles sont plus sujettes aux maladies, mais elles sont aussi celles capables de comprendre avec le plus de facilité le divin et sa beauté, lorsqu'elles sont bien protégées des attaques de l'entropie.

    Et pour finir, voici une citation de la parabole de l'enfant prodigue, commentée par Scott Peck et qui résume bien cette évolution intérieure, notre capacité à nous régénérer lorsque nous avons fait fausse route. Voici ce que le père dit de son fils prodigue:

     

    "Parce que mon fils était mort et il est revenu à la vie; il était perdu mais il est retrouvé." (dans l'Evangile selon Saint Luc (XV, 11-32))

     

    Qu'est-ce que la maladie mentale?

    Détail du "Retour du fils prodigue" de Rembrandt

    Prokoviev "L'enfant prodigue", le départ (1er mouvement)

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