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    TRIBUNE « La situation de la psychiatrie en France est passée de grave à catastrophique »

    Parce que l’Etat maintient sur ce secteur une pression financière « à l’exclusion de toute autre vision », il laisse le personnel livré à lui-même, déplorent l’économiste Jean de Kervasdoué et le psychiatre Daniel Zagury dans une tribune au « Monde ».

     

     

     

     

     

     

     

    Tribune. Les partis politiques n’abordent les questions de santé que sous leur aspect économique et financier. Il y a fort à parier que, après le choc de l’épidémie de Covid-19, il ne sera pas dit grand-chose de la santé mentale qui, à notre connaissance, n’est pas à l’agenda du Ségur de la santé (lancé le 25 mai). Pourtant, depuis une décennie, la situation est passée de grave à catastrophique. Certes, de tout temps, la folie – terme aujourd’hui refoulé – a dérangé, mais le rejet collectif du différent, de l’anormal dans une société du bien-être n’explique pas à lui seul la persistance du massacre. Certes, la reconnaissance publique par Agnès Buzyn [ministre de la santé de mai 2017 à février 2020] de l’abandon de la psychiatrie a dégagé l’Etat d’une posture perverse de déni, mais, sur le fond, rien n’a changé.

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    Pour prendre en charge les 2,1 millions de patients suivis par les « secteurs » psychiatriques, une organisation très particulière et spécifique a été conçue dans les années 1960 : le secteur psychiatrique. Le suivi des patients est géographique ; la prise en charge est globale et, pour y parvenir, le secteur dispose d’une équipe, d’un service d’hospitalisation et de très nombreuses autres formes de prise en charge : hôpital de jour, hôpital de nuit, centre de consultation médico-psychologique (CMP), centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP)… Le financement provient d’une dotation globale annuelle plus contrainte encore, depuis 2011, que celle de l’hospitalisation traditionnelle. Si, en principe, l’égalité règne, la réalité depuis vingt ans est scandaleusement autre, car certains secteurs n’ont plus de psychiatres ! Plus de 1 000 postes ne sont pas pourvus, soit de l’ordre de 20 % des postes du secteur public.

    Présence soignante réduite au minimum

     

    La politique menée depuis trois décennies consiste à prétendre, sous couvert de déstigmatisation, que la psychiatrie serait une spécialité médicale comme les autres. Ainsi, les hôpitaux psychiatriques ont perdu leur qualificatif et sont devenus des « centres hospitaliers ». Il n’y a plus de concours particulier pour devenir psychiatre ; le choix de cette spécialité, après le concours de l’Internat, dépend donc du rang de classement, comme si l’on choisissait d’être psychiatre parce que l’on n’avait pas pu devenir chirurgien ! Une partie des postes offerts à l’internat n’ont pas de candidats.

    Il n’y a plus non plus de formation spécifique des infirmiers psychiatriques. Les dimensions relationnelles et institutionnelles, dans la formation des jeunes psychiatres, ont disparu ; on a réduit au minimum la présence soignante en imposant des tâches bureaucratiques chronophages et débilitantes ; on a dépouillé le chef de service de tout pouvoir sur sa propre équipe ; on a cassé le binôme mythique chef de service-cadre infirmier supérieur, qui depuis Pinel et Pussin [respectivement médecin aliéniste et surveillant à l’asile Bicêtre puis à la Salpêtrière, à Paris, à la fin du XVIIIe siècle], organisait le soin, en faisant basculer les cadres vers l’administratif ; on a transformé chaque garde en enfer : il ne s’agit plus d’examiner et de soigner, mais de débarrasser les urgences de malades transformés en « patate chaude » et de faire du psychiatre de garde un « bed manager », cherchant désespérément des lits pendant toute la nuit.

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    La psychiatrie est une discipline médicale complexe, dont le meilleur a toujours consisté dans un regard en plusieurs registres et dans une écoute en plusieurs dimensions. La psychiatrie est bio-psycho-sociale, ce qui d’ailleurs pose des problèmes très particuliers dans l’enseignement et la recherche de cette discipline. La césure entre les universitaires et les praticiens y est d’ailleurs forte. En effet, les universitaires sont par essence spécialisés et, de surcroît, leur conception de la discipline varie considérablement d’une université à l’autre, voire d’un enseignant à l’autre, alors que la pratique d’un psychiatre de secteur doit être intégrative [faire intervenir diverses disciplines pour répondre aux besoins spécifiques du patient].

    Des procédures très lourdes

     

    Mais ce n’est pas tout, et l’histoire décernera certainement une mention particulière à Nicolas Sarkozy. Après le meurtre d’un étudiant par un malade mental en 2008 à Grenoble, il a en effet clairement laissé entendre que les malades mentaux faisaient courir un danger à la population et a notamment modifié « l’hospitalisation sans consentement ». Sans entrer dans les détails, sous couvert de donner plus de liberté aux malades, les procédures sont devenues très lourdes et impliquent certes les psychiatres, mais aussi le directeur de l’établissement, le préfet et surtout le juge des libertés et de la détention. La complexité et l’inutilité de certaines de ces obligations ont accru le poids du travail des administrations hospitalières, transformé les secrétariats médicaux en greffes de tribunaux et les dossiers médicaux en pièces judiciaires. On a imposé à la psychiatrie un schéma narratif qui n’est pas le sien.

    Au temps de la mise en place du secteur psychiatrique (1960-1985), « les décideurs de la santé » venaient rencontrer les soignants, discuter avec eux. Nous n’étions pas « les uns contre les autres ». Ils n’étaient pas murés dans leur bureau, devant des tableaux Excel, à produire des recommandations, des protocoles, des procédures, des programmes, des guides de bonnes pratiques… On n’imposait pas d’interminables réunions sur la certification et sur les processus qualité à des médecins constatant chaque jour l’effondrement de la qualité des soins. On ne distribuait pas de livret d’accueil à des patients scandaleusement contentionnés plusieurs jours aux urgences faute de lits ! L’hôpital est devenu fou de cette coupure et de cette hostilité entre ceux qui gèrent et ceux qui soignent, comme de cette logique descendante de schémas abstraits supposés miraculeusement s’adapter au terrain.

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    Face au désastre désormais reconnu, il faut contraindre l’Etat à sortir de sa posture perverse. L’Etat « pervers », c’est celui qui maintient la pression financière, à l’exclusion de toute autre vision ; qui clive les « décideurs » et les exécutants ; qui multiplie les missions de service public, sans se préoccuper de leur faisabilité ; qui laisse en bout de course l’aide-soignant, l’infirmier ou le psychiatre assumer les dysfonctionnements, quand il ne les leur impute pas. Certains se sont suicidés de devoir porter sur leurs épaules les conséquences de ce qu’ils n’ont cessé de dénoncer dans l’indifférence. Croire que quelques insultantes médailles en chocolat pour les valeureux guerriers du Covid ou quelques augmentations de salaire vont suffire, c’est tout simplement n’avoir rien compris à ce que nous a montré la pandémie, sur fond de crise ancienne de la psychiatrie.

     Jean de Kervasdoué est économiste de la santé. Il a été directeur des hôpitaux au ministère de la santé de 1981 à 1986. Daniel Zagury est psychiatre, expert auprès de la cour d’appel de Paris.

     

     

     

     

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  • Voici un éditorial du MONDE qui parle d'un problème de santé publique inquiétant. A quand cette réforme des médecins afin qu'ils soient affectés en fonction des besoins des populations? La liberté a des conséquences graves sur la santé et l'égalité en France au niveau des soins. Quant aux dépassements d'honoraires, ils posent également problème.

    Gynécologie, pédiatrie, psychiatrie... l’inquiétante fracture sanitaire

    Editorial. Les Français ne sont pas égaux dans l’accès aux spécialistes libéraux. L’offre dans les grandes villes est sept à neuf fois supérieure à celle des communes isolées.

    LE MONDE | 27.12.2017 à 10h30 • Mis à jour le 27.12.2017 à 18h07

    Editorial du « Monde ». C’est devenu l’un des thèmes imposés des campagnes présidentielles. Au printemps, à nouveau, tous les candidats ont promis de s’attaquer au problème des « déserts médicaux ». Et pour cause : la pénurie de médecins généralistes ou de spécialistes libéraux ne cesse de s’étendre à de nouveaux pans du territoire. Si le nombre de généralistes diminue fortement, on n’a jamais compté autant de spécialistes en France. Mais tous ces praticiens sont de plus en plus concentrés dans les grandes villes et absents des zones périphériques.

     

    Rendez-vous difficiles, voire impossibles, à obtenir dans un délai raisonnable, dépassements d’honoraires parfois prohibitifs : les Français ne sont pas égaux dans l’accès aux pédiatres, psychiatres, ophtalmologues ou gynécologues. Pour ces deux dernières spécialités, l’offre disponible dans les grands pôles urbains est sept à neuf fois supérieure à celle des communes isolées, relevait ainsi en 2016 une étude du ministère de la santé.

    Aggravation attendue

    Cette « fracture sanitaire » a été précisément diagnostiquée par l’UFC-Que choisir en 2016. L’association de consommateurs a calculé, par exemple, que, en quatre ans, près de six Français sur dix (59 %) ont connu une réduction du nombre de gynécologues accessibles à moins de quarante-cinq minutes de route. L’enquête que Le Monde publie aujourd’hui confirme ces inégalités d’accès aux spécialistes de la santé des femmes.

    Cette situation pourrait continuer de s’aggraver dans les années à venir, certaines prévisions faisant état d’une diminution de 20 % entre 2012 et 2025 du nombre de pédiatres, ophtalmologues, gynécologues et psychiatres. Si l’on considère par ailleurs que le montant total des dépassements d’honoraires, toutes spécialités confondues, a atteint en 2016 le niveau record de 2,66 milliards d’euros, il faut se rendre à l’évidence et parler d’un échec français en matière de régulation des médecins libéraux.

    Inefficacité de la « plupart des aides financières »

    Les constats en ce sens s’accumulent. Le 29 novembre encore, la Cour des comptes dénonçait l’« aggravation des disparités territoriales » en matière d’accès aux soins, jugeant que « les politiques visant à corriger ces inégalités de répartition sont notoirement insuffisantes et coûteuses au regard des faibles résultats obtenus ». Quelques jours plus tard, le 13 décembre, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) qualifiait à son tour d’« inefficaces » la « plupart des aides financières » à l’installation de médecins là où la pénurie est la plus criante.

    Alors que faire ? Faut-il, comme le préconisent la Cour des comptes et le CESE, introduire un « conventionnement sélectif » des médecins en secteur 2 (à honoraires libres), comme c’est déjà le cas pour les infirmières, les sages-femmes libérales ou les kinésithérapeutes ? Faut-il instaurer des règles de plafonnement des dépassements d’honoraires autorisés, entraînant en cas de non-respect l’exclusion du conventionnement du professionnel de santé en cause ?

     

    Ces pistes pourraient au moins être étudiées et débattues. Mais l’on sait que de telles solutions sont farouchement combattues par les syndicats de médecins. Et l’on n’ignore pas que les gouvernements, de gauche comme de droite, les ont toujours rejetées, comme tétanisés à l’idée d’engager un conflit avec les médecins sur le terrain explosif des dépassements d’honoraires abusifs. Faute de quoi la fracture sanitaire, décalque des fractures sociales et territoriales françaises, se creuse de façon toujours plus inquiétante.



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  • EMOPHANIE: manifestation des émotions.

    Voici une vidéo intéressante à ce sujet, une façon de voir la maladie autrement:

     

     

     

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  • Voici un article du MONDE montrant que le handicap peut devenir une force pour ceux qui parviennent à le gérer. Les champions handisport viennent le prouver.

     

    Ces héros du HANDISPORT

    Jusqu’au 18 septembre, le handisport est sous les feux de la rampe avec les Jeux ­paralympiques de Rio. Comment des champions comme Marie-Amélie Le Fur et Timothée Adolphe (athlétisme) ou Sandrine Aurières-Martinet (judo), trois des 126 sportifs que compte la délégation française au Brésil, sont-ils parvenus à de tels niveaux de performance compte tenu de leur handicap ? En quoi le sport leur a-t-il permis de devenir résilients ? Pour répondre à ces questions et à bien d’autres, le psychologue Hubert Ripoll, ex-président de la Société française de psychologie du sport, a interrogé 24 sportifs de haut niveau dans différentes disciplines, atteints de handicaps de naissance ou acquis, physiques ou sensoriels.

    « Je me suis toujours demandé pourquoi certaines personnes handicapées se dressent pour atteindre des étoiles alors que d’autres, valides, ne peuvent seulement imaginer qu’elles existent », justifie l’auteur, dans la préface de son ouvrage La Résilience par le sport. Au fil des entretiens avec ces champions d’exception, il a cerné « leur personnalité, leurs motivations, leurs valeurs, leur environnement familial ou en centre de soins, leurs rencontres fondatrices, la façon dont s’est effectuée leur première relation avec le sport, leurs échecs et leurs victoires, les trajectoires accomplies pour faire quelque chose d’important de leur handicap ».

    Maîtrise et accomplissement

    Les résultats de son enquête sont passionnants. Premier constat, ces personnes ont en commun d’avoir été accompagnées, le plus souvent par leurs parents, quelquefois par des substituts. « Il faut voir en cela la principale source de leur résilience, confirmant le propos de Boris Cyrulnik, selon qui aucun enfant ne peut devenir résilient seul mais doit trouver autour de lui une bulle affective », souligne Hubert Ripoll. Autre découverte, les sportifs handicapés, généralement orientés vers des buts de maîtrise et d’accomplissement plutôt que de satisfaction de leur ego, résistent mieux à la pression que beaucoup de leurs homologues valides.

    « L’objectif, c’est de me dépasser moi-même (…). Je considère plus mes concurrentes comme des compagnes de jeu, car, sans elles, je n’existe pas (…). Je n’ai pas besoin d’être supérieure à l’autre et le dominer pour m’accomplir », raconte ainsi Nathalie Benoit, championne d’aviron, atteinte de sclérose en plaques. Des enseignements que les sportifs valides et plus encore leurs entraîneurs et coachs devraient prendre en considération, suggère M. Ripoll. Il montre aussi que les champions handicapés sont plus robustes « pour faire face à la victoire et à son cortège de contraintes sociales ». Des messages d’espoir pour les 12 millions de Français concernés par un handicap, dont un tiers pratiquent un sport. Et, pour tous, une belle leçon de sportivité et surtout de vie.

    La Résilience par le sport, de Hubert Ripoll (Odile Jacob, 150 p., 19,90 €)

    • image: http://s1.lemde.fr/image/2014/06/18/24x24/1100512598_4_c15a_1403103069796-cabut-sandrine-20131127-110931-2-3_3336c1c81364c42f9414cbf52fc3763d.jpg

       Sandrine Cabut
      Journaliste au Monde

    En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/09/12/ces-heros-du-handisport_4996482_1650684.html#c4E6Q8ty7XY8jA1i.99
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  • Voici une émission de radio sur RCF qui parle de la fragilité psychique, intitulée "vous avez dit fragile?". Quelques notes sur ce blog concernant cette émission et le lien vers elle.

    ASSOCIATION LE PAS (lieu de convivialité)

    "On se sent soutenu, c’est une école de vie, un lieu où on se sent heureux." L'association Le Pas aident les personnes en situation de fragilité psychique à parler de ce qu’elles y vivent. Un lieu d’accueil qui est à la fois une aumônerie et un GEM (Groupe d'entraide mutuelle), situé à Lyon, où l'on apprend la confiance et l'écoute. Et où grâce à l'amitié, on arrive peu à peu à faire face à la souffrance.

    Les invités d'Anne Kerléo et de Daniel Maciel (de l'association Participation et Fraternité), témoignent tous en effet de l’importance de la confiance pour se reconstruire. Ils racontent le regard de la société sur la fragilité psychique, un regard qu’elles ressentent parfois comme pesant, manquant de bienveillance. Elles disent aussi le fait que la personne malade ne se résume pas à sa maladie, qu’elle a d’immenses richesses à partager.

    Les aumôneries des hôpitaux ont voulu que les malades se voient en dehors de l'hôpital. Importance du dialogue, de faire des choses ensemble.

    Lundi: Chi-Kong + repas bio

    Mardi: musée

    Mercredi: peinture

    Jeudi: marché + menu ensemble. Convivialité + chorale. Discussion à plusieurs.

    Dimanche (parfois): sortie.

    A la fin de l'année, il y a des voyages (deux jours à la mer etc...).

     

    SYNTHESE de l'EMISSION

    Il faut de la patience pour la reconstruction, le travail est long. La foi peut aider, la famille. Après la destruction, le tsunami, la résilience peut venir. Il faut une volonté de se reconstruire et beaucoup de courage.

    De quoi a-t-on besoin de la part des autres quand on vit la maladie psychique?

    Il est difficile d'entrer en contact avec l'autre, pourtant, l'échange est un besoin. L'aide demande beaucoup de confiance et d'humilité. Tendresse, compréhension, qu'on ne la voit pas comme une malade. Odile est une personne à part entière. Il faut tenter de ne pas juger et aimer beaucoup. Il y a peu d'exemples de personnes qui ont guéri d'une maladie psychique, comme s'il fallait le cacher, alors que c'est important de le dire.

    Le problème est l'isolement, mais ce n'est pas propre à la maladie psychique, à toute maladie chronique. Une personne de l'UNAFAM intervient: aider les familles à dominer les situations de tsunami comme la première hospitalisation, ne pas être angoissé, cela permet à ceux qui sont en souffrance d'aller mieux. Garder son calme, sa sérénité, c'est important!

    10% de la population française est concernée par la fragilité psychique.

     

    Lien:

    https://rcf.fr/vie-quotidienne/psychologie/vivre-avec-la-fragilite-psychique

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