• Définition de la maladie bipolaire

    Définition de la maladie bipolaire

    Cet article est un résumé commenté de celui de l'encyclopédie universalis, rédigé par Maurice Bazot, psychiatre, professeur agrégé au Val de Grâce. Rappelons que le terme de maladie bipolaire a pris le pas sur celui de psychose maniaco-dépressive.

    La création de cette classification

    La maladie bipolaire est connue depuis l'Antiquité, non sous ce nom, mais elle se manifeste par l'alternance d'état de dépression, suivi d'un état d'excitation. En 1899, E. Kraepelin fait la synthèse des travaux consacrés à ce trouble de l'humeur : la psychose maniaco-dépressive est née. Il l'oppose à la démence précoce (bientôt dénommée schizophrénie), irréversible et chronique, alors que la psychose maniaco-dépressive est essentiellement, dans ses accès, cyclique et réversible.

    Cette affection, considérée comme une véritable « urgence médicale » dans les années 1970 car le risque suicidaire est mille fois supérieur à celui de la population générale, a bénéficié de progrès thérapeutiques décisifs qui ont profondément modifié son visage. Elle a, de plus, le privilège d'être la seule maladie psychique qui puisse être traitée préventivement grâce aux sels de lithium.

     

    Aperçu historique

    Toute maladie est un fait de civilisation et son aspect change avec le contexte historique et les conditions culturelles. Le malade subit son mal, mais en bâtit l'expression clinique avec les « matériaux » qu'il reçoit de son milieu. Le rapport au social peut donc être la cause de ce mal. Le médecin participe du même environnement lorsqu'il dépeint, nomme et traite l'affection en cause, à la lumière des acquis scientifiques de son temps.

    Les termes de maladie bipolaire et psychose maniaco-dépressive sont à rapprocher de ce que l'on a nommé longtemps et ce, depuis l'Antiquité: la mélancolie qui signifie au sens étymologique "bile noire" ("mélan" de melas signifiant "noire" et "khôlê" en grec "bile" élément que l'on retrouve dans "colère").

    Cette terminologie peut être mise en parallèle avec le mot "manie" qui signifie "folie, délire général, obsession".

    Cet état de « noir » chagrin désigné par le terme de "mélancolie" a, de fait, longtemps recouvert un conglomérat hétérogène allant de la tristesse passagère, du spleen (le mot, en anglais, désigne la rate, où les Anciens voyaient l'origine de l'humeur noire...) à la mélancolie proprement dite. À l'heure actuelle, cette expression désigne tout état caractérisé par une inhibition psychomotrice, une douleur morale et une culpabilité intenses, ainsi que par le désir et la recherche de la mort. Elle s'éloigne évidemment du sens courant d'état d'abattement et de tristesse, accompagné de rêverie, qui a été célébré à l'époque romantique.

    La maladie bipolaire aujourd'hui

    Rappelons que dans la construction de l'adjectif "bipolaire" se trouve le préfixe "bi" qui signifie "deux". On observe donc bien chez le patient atteint de cette affection l'alternance entre deux pôles: l'un dépressif, l'autre frénétique.

    Le traitement préventif (lithium) et les neuroleptiques ont modifié le cours actuel de la maladie, raréfiant les accès et atténuant leur fécondité expressive. Le patient, riche d'une expérience antérieure et de l'information reçue (souvent partagée avec l'entourage familial) sait reconnaître à travers un « signal symptôme » – le plus souvent l'installation d'un trouble important du sommeil – l'annonce d'une « rechute » et peut prendre immédiatement contact avec son thérapeute. S'il s'agit d'une première manifestation de la maladie, l'admission dans un service spécialisé et l'instauration d'un traitement ont, là encore, toute chance d'être rapides car, malgré les apparences et malgré la fascination qu'exercent sur elle, par les médias, les comportements originaux ou marginaux, la société actuelle reste peu tolérante à la déviance et l'on hospitalise bien vite la plupart des « agités ».

    L'accès maniaque

    en quelques jours par le traitement est dominé par l'accélération des activités motrices et intellectuelles et par l'exaltation euphorique. Tout peut se voir, depuis la subagitation incessante jusqu'à l'activité effrénée, toujours désordonnée et inefficace, parfois violente et destructrice. La résistance à la fatigue ne manque pas d'étonner, compte tenu des efforts que le malade peut déployer, de jour comme de nuit. La pensée est accélérée, chaotique ; le maniaque ne peut maîtriser l'afflux des images et des associations, alimenté par la perception aiguë, rapide mais superficielle qu'il a de l'entourage. Prolixe dans ses paroles comme dans ses écrits, passant d'un sujet à un autre, il fait preuve d'un brio en fait trompeur. C'est un « faux riche », dont les idées fuient de façon incessante.

    Son comportement et son langage traduisent une modification fondamentale de l'humeur, allant de la simple exubérance à l'exaltation sans frein. Euphorique, il va affirmer de façon péremptoire sa valeur et sa toute-puissance. Libéré de toute contrainte intérieure, il ne se laisse arrêter par aucun obstacle dans son envie de boire, de manger, de satisfaire ses besoins érotiques (aux propos obscènes peuvent parfois s'associer de véritables comportements inadaptés, attentatoires à la pudeur). Il passe brutalement de l'euphorie communicative à l'acrimonie et à l'agression. Il n'a pas son pareil pour percevoir la faille chez l'interlocuteur. Les dons fugaces qu'il a pour la caricature ne vont pas sans perturber la sérénité et la cohésion des équipes thérapeutiques. Fréquemment blessés par la justesse de ses traits, les membres de sa famille éprouvent de profondes difficultés à distinguer « ce qui relève de la maladie » et ce qui peut être « normal », situation qui engendre bien des rancœurs et des conflits.

    L'aspect dépressif

    Tout est ralentissement : prostré, le visage figé, exprimant la tristesse, la crainte ou la terreur, le malade reste assis des heures à regarder le sol. Il exprime avec parcimonie, difficulté et lenteur l'ampleur de sa détresse. Et tout n'est que tristesse : impuissant devant l'annonce de l'inévitable châtiment que mérite son inconduite passée, le sujet rumine, au cours d'insomnies rebelles, les détails et l'ampleur de celle-ci ; il est si pleinement convaincu de sa culpabilité que la solution du suicide s'impose logiquement à lui. Franchissant un degré de plus, il se juge indigne, incurable, damné ; il confesse sa responsabilité dans les malheurs du monde ; il se croit à l'origine des catastrophes contemporaines (tremblements de terre, incendies, etc.), cette conviction étant parfois renforcée par des accusations hallucinatoires. À l'hyperconsommation et à la jouissance font place l'absence totale d'appétit, qui va dans certains cas jusqu'à la dénutrition, et le ralentissement des grandes fonctions physiologiques.

    Pourquoi est-il important de savoir reconnaitre ce trouble pour les médecins?

    Le fait de reconnaître les troubles, de les situer dans le champ de la psychose maniaco-dépressive ne relève pas d'un jeu intellectuel gratuit, mais revêt une portée pratique considérable, les options thérapeutiques qui en découlent pouvant avoir une importance déterminante sur l'avenir du malade. L'influence de l'âge est aujourd'hui mieux connue : il « colore » les troubles de l'humeur d'une palette schizomorphe chez le jeune, paranoïaque chez l'adulte après quarante ans, pseudo-démentielle chez le sujet âgé. On imagine sans peine les conséquences d'une attitude médicale consistant à prendre une coloration, certes souvent accusée, pour l'essentiel, au détriment du trouble basal de l'humeur, qui est privilégié dans des études modernes.

    Quelles seraient les causes de la maladie bipolaire?

    Distinct de l'angoisse, le sentiment dépressif est, selon cette perspective, un affect universel, qui découle habituellement d'un vécu de perte d'amour de l'autre (à l'occasion d'une séparation, d'un deuil) et d'une perte d'estime de soi. La vulnérabilité à la perte d'amour, variable selon les sujets, est liée aux avatars de la première relation objectale : fondamentalement ambivalent, le petit de l'homme craint que ses propres pulsions destructrices n'anéantissent sa mère, dont il dépend entièrement, et qu'il aime. Le sujet s'en voudra de ne pas réussir à obtenir ce dont il a besoin, jaugeant son échec à la mesure de l'image idéale de soi. Ainsi, ambivalence, avidité orale et besoins narcissiques accrus sont les caractéristiques fondamentales d'une « faille », dont les événements ultérieurs vont « réactiver » la béance. Dans cette hypothèse, la mélancolie est une réaction à la perte, réelle ou imaginaire, d'un objet d'amour narcissiquement investi. L'autre (la mère en l'occurrence) suscite des frustrations qui font surgir un sentiment d'ambivalence. La haine qu'il suscite devient alors haine de soi, les accusations, auto-accusations. La frustration se transforme en auto-violence et en destruction de soi et de son environnement.

     

     

    Référence pour la rédaction de l'article

    Maurice BAZOT, « MANIACO-DÉPRESSIVE PSYCHOSE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 21 juillet 2014. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/psychose-maniaco-depressive/


    Sur la mélancolie:

     

    Ce qui ne peut danser au bord des lèvres s'en va hurler au fond de l'âme.

    Christian Bobin- "L'Autre visage"

    « Psychose: le chef d'oeuvre d'HitchcockLa schizophrénie selon Minkowski »
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