• <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> Foi et santé </figure>

    Certaines personnes peuvent trouver dans la foi - le lien avec une force supérieure bénéfique- une source de réconfort dans la maladie: qu'elle soit physique ou mentale. Nous sommes tombés sur le blog d'un prêtre très intéressant: http://www.icthus.fr/ qui s'intitule "LE PRESBYTERE VIRTUEL d'un PRETRE REEL". Nous avons trouvé cet homme très intelligent, prêt à répondre aux questions profondes sans préjugés et de façon réconfortante. Son ouverture d'esprit, sa façon de guider le cheminement de chacun avec bienveillance et finesse nous a émus. Il donne de plus une vision de la religion moderne et non archaïque, comme on peut la rencontrer parfois. Face aux mystères de la vie, la religion et l'espoir qu'elle cultive lorsqu'elle est bien menée peut être une source de réconfort. Elle aide à cheminer spirituellement de façon positive et à trouver un guide là où il manque. La schizophrénie ne se caractérise-t-elle pas par une conscience parfois morcelée, une absence de guide intérieur qui perd le malade et l'amène dans des régions où la mort psychique est légion? La religion ne peut-elle apporter quelques réponses à ceux qui ont un rapport positif avec le divin en eux?

    Nous avons souhaité questionner une personne -qui souhaite rester dans l'anonymat- et qui a trouvé une grande source de réconfort dans la prière et la foi pour lutter contre les voix envahissantes, propres aux symptômes de la schizophrénie. Voici les questions que nous lui avons posées:

    1-En quoi la prière vous a-t-elle aidé à lutter contre des voix envahissantes et négatives?

    Il faut distinguer les époques et la gravité des symptômes. A l'occasion de ma première hospitalisation, j'ai été sujet à une crise de caractère mystique comme beaucoup de patients l'éprouvent. A ce moment là, la prière m'a aidé à me raccrocher à la vie, à garder un semblant de raison, à ne pas sombrer complètement mais c'était très chaotique.

    Plus tard, après la stabilisation, j'ai eu parfois des périodes où, parfois, des voix venaient encore me troubler. Alors, la prière est un moyen très efficace pour reprendre le contrôle de son esprit et pour faire taire ces voix. Il faut y mettre son cœur, sa foi et sa raison.

    2-Peut-on rapprocher la prière de la méditation? Et si oui, pourquoi?

    Je vais citer l'extrait d'un site internet :

    La méditation n’est pas une nouveauté dans la vie chrétienne ; elle a de profondes racines dans la tradition. Or, de nombreux chrétiens ont perdu le lien avec cette tradition ancestrale de prière. Méditer, c’est demeurer dans l’immobilité de l’esprit et du corps. Ce qui est vraiment extraordinaire, c’est que ce silence, en dépit de toutes les distractions du monde moderne, est parfaitement possible pour chacun et chacune d’entre nous. Cet état de silence et d’immobilité demande pour l’atteindre que nous lui consacrions du temps, de l’énergie et de l’amour.

    http://meditationchretienne.org/site/pag.php?Pag=area&Area=4

    3-Pourquoi la religion peut être une source de bienfaits lorsqu'on souffre de troubles mentaux?

    Il y a plusieurs réponses. Celui qui croit, sait que Dieu ne l'abandonne pas et qu'il peut toujours le retrouver en s'ouvrant. C'est un soutien très fort, une raison d'espérer quand tout le reste, tout le monde vous a abandonné.

    Il y a aussi l'ouverture au monde. Celui qui a la chance de rencontrer des personnes bienveillantes qui partagent sa foi et qui ne jugent pas mais sont présentes garde un contact avec des personnes qui peuvent l'aider pratiquement et spirituellement. Cela n'est bien sûr pas toujours ni même souvent le cas, les préjugés existent partout, mais des progrès ont été accomplis dans les consciences ces dernières années.

    4-Pouvez-vous nous dire ce que vous auriez aimé vivre lorsque vous avez été envoyé en hôpital psychiatrique et qu'on vous a refusé?

    J'avais simplement demandé de pouvoir aller à la messe et on me l'a refusé sans explication comme le reste, pas un mot de justification. J'aurais aimé pouvoir me confier sur ce qui me tourmentait et recevoir une aide. Je ne sais pas dans quelle mesure j'aurais été capable de me confier car c'était un secret terrible mais il est possible qu'une personne aurait pu m'aider à calmer les angoisses insoutenables. Cela n'a pas eu lieu et j'ai souffert le martyr pendant des mois. Cela m'a marqué à vie. J'ai retrouvé plus tard une certaine forme de sagesse et une foi renouvelée plus calme et plus profonde. Cela a pris beaucoup de temps, il aurait peut être été possible d'éviter ces longues années de souffrances.

    5-En quoi la foi, l'espoir -un des thèmes principaux de ce blog- sont-ils importants pour lutter contre la souffrance d'une telle maladie?

    La foi véritable est un don divin, quand on l'a, on ne manque de rien. Ce n'est pas donné à tout le monde, ni tout le temps. Il faut s'ouvrir et aussi être prêt à accueillir les signes. L'espoir est vital pour une personne malade, c'est ce qui lui permet de ne pas sombrer et de se dire que malgré le regard hostile de la société il y a quelqu'un qui vous considère comme une personne qui compte et pas comme un rebut de la société. Espérer, c'est déjà guérir un peu ou même beaucoup. On parle souvent des désespérés, de ceux qui souffrent de dépression et qui ont perdu tout espoir en la vie. L'espoir est l'antithèse du malheur extraordinaire de ceux qui sont au fond du gouffre.

    En somme, de belles pensées -qu'on peut rencontrer dans la prière ou la méditation- cicatrisent l'esprit malade en proie à des forces mortifères qui le submergent et tentent de l'anéantir.

    Lien vers le blog (de Xavier Cormary, prêtre à Albi)

    • Le presbytère virtuel d'un prêtre réel: http://www.icthus.fr/
    • Voici un très bel article sur ce blog qui s'intitule "Eloge de la virginité" dans lequel les valeurs du cœur sont mises en avant: " Les tabous d’autrefois ont laissé place à un déballage impudique dans le domaine des relations amoureuses : le sexe a hélas souvent remplacé l’amour. Dans cet univers pas très sain, il ne fait pas bon chercher la vérité du cœur avant la réalité du corps ! Serais-tu attardé et ringard seulement parce que tu n’as pas eu d’expérience sexuelle ? Serait-ce une tare d’attendre d’aimer en vérité pour pouvoir donner ton corps à l’être aimé ?"
    • Un autre très intéressant qui fait l'éloge des bénévoles. On oublie parfois tous ces gens qui donnent sans retour et qui permettent un autre cadre plus chaleureux parfois que l'hôpital psychiatrique par exemple. Eloge des bénévoles contre les "yaqua"
      : http://www.icthus.fr/activus-benevolus.html

    "Pie Jesu" de Lili Boulanger. Elle en dicta la partition sur son lit de mort à sa soeur Nadia. "Pie Jesu" signifie "doux Jésus", "dévoué Jésus".

    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.

    Saint-Augustin

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  • Comment les personnes atteintes de maladie mentale peuvent-elles se faire aider par l’église ? Comment l’église les accueille-t-elle ? Les progrès accomplis et ceux qui restent à faire. Traduction d’un article sur l’église catholique aux Etats-Unis qu’on peut lire en anglais à l’adresse suivante : http://www.uscatholic.org/node/5811.

    La maladie mentale est encore un territoire trouble pour ceux qui en sont victimes, pour leur famille et pour l’église.

    Peu après avoir déménagé de Californie à DeKalb en Illinois, Rich Salazar se retrouva à frapper à la porte de l’église de Ste Mary. L’ancien étudiant avait reçu récemment le diagnostic de maladie bipolaire et était en crise. Incapable de joindre sa mère au travail et ne sachant pas où aller, Salazar se dit, « il faut que j’aille à l’église ».

    Le père William Schwartz lui ouvrit et bien que la paroisse était fermée pour la soirée, l’invita à entrer. « Il me parla, me calma », dit Salazar. Le prêtre appela sa mère et lui dit qu’il pouvait rester à l’église aussi longtemps que nécessaire. « il a été très bienveillant. Je lui ai dit que l’église ne m’avait jamais laissé tomber. »

    Alors, Schwartz répondit : « un jour, elle le pourrait ».

    Pour beaucoup de catholiques subissant une maladie mentale et pour leur famille, l’église peut être à la fois un endroit bienveillant et aliénant. Tout comme la société a éprouvé des difficultés à traiter les malades mentaux, les diocèses et les paroisses des Etats-Unis ont trouvé cela difficile.

    Beaucoup de ceux qui défendent la cause des maladies mentaux sont d’accord avec le diacre de Chicago, Tom Lambert, lorsqu’il dit : “en tant qu’église nous en sommes au tout début du processus de nous occuper des problèmes au niveau institutionnel”

    L’institut national de la maladie mentale (NAMI) estime qu’un Américain sur quatre subit un trouble mental. Parmi ceux-là, un sur 17 a une maladie grave telle qu’une dépression sévère, la schizophrénie, la maladie bipolaire, un trouble obsessionnel compulsif, un stress post-traumatique ou un trouble de la personnalité borderline.

    Pour le psychiatre Dr Thomas Welch de Portland en Oregon, ce grand nombre signifie que chaque catholique est affecté par la maladie mentale d’une manière ou d’une autre. « La personne à coté de vous sur le banc peut être malade mental ou avoir des membres de sa famille qui le sont » dit-il. « Du fait du baptême, nous sommes tous égaux dans l’église et nous devons en être conscient ».

    Alors que la recherche a montré que les troubles mentaux n’étaient pas de simples mouvements d’humeur à balayer ni dans les cas plus graves des problèmes nécessitant une hospitalisation à long terme, la stigmatisation qui leur était attaché a peu à peu diminué.

    “La réponse de l’église est en phase avec celle de la société” dit Dorothy Coughlin, le directeur du bureau pour les personnes handicapées de l’archidiocèse de Portland.


    Nancy Kehoe, une sœur de la société du sacré Cœur et psychologue à Cambridge au Massachussetts se souvient d’une époque où un très grand secret entourait la maladie mentale. « Si une religieuse devait être envoyée à l’hôpital, il y avait beaucoup de honte à avoir un handicap psychique » dit-elle. « Même ceux qui en étaient proches ne savaient pas où elle allait ».

    D’un autre côté, Kehoe se rappelle de l’attitude ouverte d’un Pasteur de la région de Cambridge qui s’était absenté pour plusieurs mois. A son retour, il a annoncé à ses paroissiens qu’il était victime de dépression et qu’il se retirait pour se consacrer à une paroisse moins importante et continuer à traiter sa maladie. Mais, note Kehoe, un pasteur qui faisait part ouvertement de ses problèmes avec la dépression « était inhabituel même en 2009 ».

    Le psychologue Kenneth Herman du new Jersey qui a débuté en 1955 dit qu’à cette époque, les patients catholiques qui venaient le consulter souffraient de beaucoup de culpabilité, d’anxiété et de peur pour leur foi en tout depuis le fait de manger de la viande le vendredi jusqu’aux problèmes sexuels: « C’était considéré comme un péché si vous pensiez quoi que ce soit qui était considéré comme négatif » dit-il, « Vous receviez la colère de l’église et cela produisait beaucoup de culpabilité surtout chez les personnes fragiles émotionnellement. »

    Même si Herman ne pense pas que l’église catholique le faisait volontairement, il dit : “l’église avait l’occasion d’envoyer beaucoup de messages positifs mais elle ne l’a pas fait.” A l’époque où il a cessé son activité, il y a quelques années, Herman dit qu’il a vu un changement dans la façon dont les catholiques voyaient leur foi.

    L’écrivaine Therese Borchard écrit sur le rôle central de la culpabilité dans son combat avec la maladie bipolaire dans son nouveau livre « Beyond Blue ». Mais elle dit aussi que le catholicisme est la tradition parfaite pour ceux qui sont malades mentaux:

    “Je pense que la foi catholique, surtout dans ses traditions et ses rites, peut vous donner une sorte de sécurité,"dit Borchard. « Je plaisante en disant qu’il y a un saint pour chaque trouble et si vous êtes à court de saints, il vous reste toujours St Jude pour les causes désespérées. »

    Aujourd’hui, l’église a une approche plus holistique de la maladie mentale. Welch décrit une « synergie entre la religion et la psychologie » dans laquelle il y a la conscience des aspects biologiques, psychologiques et spirituels d’une personne souffrant de maladie mentale.

    Aux yeux de Kehoe, le suicide est le changement majeur de l’attitude de l’église catholique. Le catéchisme de l’église catholique le décrit toujours comme « gravement contraire à l’amour juste de soi-même », mais depuis la révision de la loi canonique de1983, le suicide n’est plus considéré comme une raison de refuser un enterrement catholique.

    “Le suicide n’est plus un péché” dit Kehoe qui dans son récent livre “le combat avec nos propres anges” parle de son travail avec les patients suicidaires. « D’autres traditions religieuses n’ont pas encore eu cette approche ».

    L’aide pour la maladie mentale au sein de l’église catholique est souvent issue du travail avec d’autres formes de handicap.

    Connie Ratikan, un membre de la commission sur la maladie mentale de l’archidiocèse de Chicago, est la fondatrice de Foi et Amitié, un groupe de soutien aux personnes souffrant de maladie mentale grave. Elle pense qu’il y a eu beaucoup de progrès dans la sensibilité et la sophistication de la compréhension de la maladie mentale mais que l’aide de l’église dans ce domaine a pris plus de temps que celle pour ceux souffrant de handicaps physiques.

    “Il est beaucoup plus facile de construire une rampe d’accès que de s’occuper d’une personne qui vient à l’église en se parlant à elle-même ce qui peut être la manifestation de symptômes les plus graves de la maladie mentale , dit-elle, je ne pense pas que l’église y soit encore prête. »

    Des études récentes de l’université Baylor reflètent cette attitude. Une étude de 2003 a montré que pour près d’un tiers d’un groupe de 293 chrétiens qui avaient contacté leurs diverses églises à propos de la maladie mentale, on leur avait dit qu’eux-mêmes ou le membre de leur famille n’avaient pas de réels troubles mentaux. Un sondage de 2009 par Baylor des baptistes du Texas a montré que la dépression et l’anxiété étaient les maladies le plus souvent niées par le clergé. De nombreuse études ont aussi montré que c’était auprès du clergé que se tournaient les personnes qui entrent dans la maladie mentale et non pas les professionnels de santé.

    Comme beaucoup de ceux qui travaillent au soutien catholique aux maladies mentaux, le diacre de Chicago, Lambert a un lien personnel à la maladie mentale. Sa fille a reçu un diagnostic de maladie mentale grave il y a 20 ans et sa femme et lui-même ont d’abord cherché du soutien auprès de l’alliance nationale pour les maladies mentales (NAMI), une ONG majeure qui a été fondée en 1972.

    “NAMI reconnait que les églises sont les alliés naturels” dit-il. « Les églises comprennent ce qu’est la compassion. Les églises comprennent ce qu’est la justice »

    NAMI a depuis lors étendu son soutien interconfessionnel en incluant le travail avec des groupes œcuméniques et en créant un site web (nami.org/namifaithnet) afin d’aider les utilisateurs à se rapprocher des groupes religieux. Alors que des organisations comme NAMI se sont étendues dans les années 80 et 90, l’église catholique est restée en retard en terme de réseau pour la maladie mentale.

    Afin d’aider, le partenariat catholique national sur le handicap (NPCD) a créé le conseil sur la maladie mentale en mai 2006. Lambert, Ratikan, Welch et Coughlin en sont tous membres. En juillet 2009 le conseil a créé une initiative sur la maladie mentale qui comprend des DVD, des webinaires, des ressources téléchargeables et des ateliers.

    L’église a “toujours défendu les personnes handicapées mais nous n’en avons pas assez fait pour les personnes souffrant de maladie mentale » dit Janice Benton, la directrice générale de NCPD qui a débuté en 1982. « Nous voulons aussi avoir un groupe informel de personnes dans tout le pays qui viennent en aide aux personnes malades mentales. »

    Rich Salazar, âgé maintenant de 42 ans, a été rediagnostiqué avec le trouble schizoïde de type bipolaire et a connu une deuxième crise grave. Aujourd’hui, il est en rémission et est à la fois membre affilié du conseil local de NAMI et conseiller des groupes de soutien du réseau NAMI. Il va se marier dans l’église catholique au mois de juin.

    S’il n’avait pas reçu le soutien de l’église, Salazar dit qu’il se serait probablement tourné vers d’autres confessions ou qu’il se serait perdu sans conseil spirituel.

    “La plupart des personnes souffrant de maladie mentale ont une foi profonde du fait de la nature de la maladie mentale” dit-il. « C’est une telle catastrophe dans sa propre vie que cela vous met littéralement à genoux pour atteindre une puissance supérieure, le Christ. »

    Alors que Salazar dit que Jésus a agi comme “guérisseur divin” dans sa vie, le prêtre qui l’a aidé à l’université avait raison. Il a eu quelques expériences négatives avec l’église.

    Comme il peut être parfois excessivement scrupuleux et qu’il est victime d’épisodes maniaques du fait de sa maladie, des prêtres l’ont rabroué car il appelait la paroisse trop souvent à la recherche d’aide. Salazar a été très proche de quitter l’église lorsqu’un prêtre lui a dit de s’en aller alors que Salazar s’était trop attardé en confession.

    “Je me bats littéralement avec cet équilibre entre la volonté de rester proche de Dieu et de devoir m’en éloigner car je ne veux pas devenir excessivement religieux » d’une façon dangereuse pour la santé mentale, dit-il.

    “J’ai compris que je devais pardonner à l’église car l’église m’a toujours pardonné” dit-il. « Je crois qu’un jour l’église blessera chaque catholique car c’est humain. »

    Pour Marty et Peggy Juricek de Chicago, leur foi catholique les a aidés à se stabiliser dans leur combat avec la maladie mentale.

    “Sans ma foi, je ne pense pas que je serai ici aujourd’hui” dit Peggy. Elle a été atteinte de trouble schizoïde de type bipolaire vers 25 ans. Alors qu’elle se remettait à l’hôpital d’une tentative de suicide, un autre patient avec un master en théologie lui a fait lire la Bible. Bien qu’elle a été élevée dans la foi catholique, Peggy dit que c’est à ce moment qu’elle a vraiment eu la foi pour la première fois.

    “Cela a pris très longtemps, mais plus j’ai prié et mieux je me sentais” dit-elle. « Dieu a fait des miracles dans ma vie ».

    Marty a une attitude réaliste : “je pense que Dieu nous guérit, aussi, mais cela ne signifie pas que vous n’avez pas besoin de vos médicaments.” Il souffre de maladie bipolaire et attribue à son père sa guérison après sa première crise à l’âge de 19 ans, celui-ci l’a envoyé comme bénévole avec un prêtre catholique en Appalaches. Aujourd’hui, Marty monte une société pour faire le lien entre les groupes religieux et les agences de santé mentale.

    Les deux se sont rencontrés à une fête pour célibataires à leur paroisse, St Nicholas de Tolentino ; ils ont assuré là-bas la coordination d’une messe pour l’ouverture à la santé mentale.

    Soutenir ceux qui souffrent de maladie mentale n’implique pas nécessairement autant d’efforts que de créer une société de services sociaux. Beaucoup- au sein de l’église- disent que même si les malades mentaux ont souvent besoin d’une gamme de services y compris l’accès aux soins et à la psychothérapie, les églises peuvent simplement commencer par le fait de les accueillir avec bienveillance.

    “Si seulement les paroisses savaient comme il est simple d’être le soutien que les gens attendent si fortement » dit Dorothy Coughlin. « Pour tant de personnes victimes de maladie mentale, ce qui serait vraiment thérapeutique dans leurs vies seraient des relations et de l’amitié. »

    “Afin de soutenir un ami souffrant de cancer, je n’ai pas besoin d’être cancérologue. Pour venir en aide à un ami malade mental, je n’ai pas besoin d’être psychiatre” ajoute-t-elle.

    Ce que répètent souvent beaucoup de catholiques engagés dans le soutien en santé mentale, c’est que la formation, à commencer au niveau des séminaires, aurait une très grande influence dans la diffusion de la conscience dans l’église catholique dans ce pays.

    “Je dirais que la majorité des prêtres ne comprennent pas ce qu’est la maladie mentale et ils ne peuvent pas la reconnaitre quand elle vient à leur porte » dit Salazar.

    Welch dit qu’il a entendu des sermons où les prêtres mentionnaient quelqu’un comme fou ou ayant un épisode Prozac et d’autres phrases qui peuvent paraître rabaissantes pour une personne souffrant de maladie mentale.

    Les séminaires font de la formation pastorale dans des domaines tels que le mariage et le deuil mais ne s’aventurent pas dans les récifs de la maladie mentale” dit Rakitan. Elle aimerait voir les églises accueillir des groupes de soutien non seulement par l’intermédiaire de NAMI ou d’autres organisations mais de leurs propres faits.

    Un tel exemple se trouve dans l’archidiocèse de Portland où Welch a démarré un groupe de partage de foi avec Dorothy Coughlin l’année dernière à l’église de St Philip Neri. Le groupe se réunit pour manger, lire, réfléchir et prier pour ceux qui ont été incapables de venir cette semaine-là.

    Coughlin se souvient d’un home qui est venu dans ce groupe l’année dernière avant de se suicider. Il demandait à chaque fois que l’on ouvre une fenêtre pour les réunions: « Nous ouvrons toujours la fenêtre en son souvenir. »

    Yolanda Ortega a été impliquée dans NAMI depuis que sa fille a reçu le diagnostic de trouble schizoïde il y a 25 ans. La catholique de toujours croit que Dieu est venu en aide à sa fille lors de ses périodes de grande instabilité alors qu’elle était à la rue et parcourait le pays.

    Aussi, en avril 2006, Ortega a démarré l’initiative de santé mentale basée sur la foi à San Antonio qui comprend maintenant près de 20 groupes de soutien dans différentes églises locales dont presque la moitié est catholique.

    “Je suis persuadée que si les églises font un ministère sur la santé mentale, elles peuvent aider les personnes à éviter de sombrer dans les crevasses, dit Ortega avec passion,les personnes malades mentales sont beaucoup plus malades qu’elles peuvent l’endurer et nous, en tant que chrétiens, nous devons leur venir en aide. »

    Elle recherche des voies pour étendre le soutien en santé mentale au sein de l’église catholique et aimerait voir l’archidiocèse de San Antonio suivre l’exemple du diocèse épiscopal de West Texas qui salarie une personne travaillant en faveur de la santé mentale.

    Un autre membre d’une initiative en santé mentale basée sur la foi, Carmen Ortiz, a aidé à l’organisation de plusieurs groups de soutien catholiques et en dirige un à sa paroisse, Ste Brigid. Elle dit qu’ils ont décidé d’avoir des groupes de soutien dans les églises parce que c’est un environnement familier et confortable.

    Pour la forte communauté hispanique de San Antonio, Ortiz dit que c’est aussi un moyen de dépasser la stigmatisation culturelle liée à la maladie mentale: « Nous avons eu affaire à beaucoup d’hispaniques pour qui il est très difficile de s’ouvrir et d’en parler. »

    Ortiz donne l’exemple de son fils de 40 ans qui était un designer graphique brillant avant de développer une maladie bipolaire, afin de montrer comment « la maladie n’a aucun égard pour la race ou la carrière ni pour rien. » Alors que son fils est en voie de rémission, il a toujours du mal avec la foi.

    “Avec tous les groupes de soutien, lorsque nous nous réunissons, c’est l’un de nos combats partagés, le fait qu’à cause de leur maladies, nos proches abandonnent simplement Dieu.”

    Fou contre Dieu ?

    Alors qu’elle avait 21 ans et qu’elle était tout juste devenue Fille de St Paul, la sœur Kathryn James Hermes a eu une attaque qui l’a laissée paralysée. Elle a récupéré la parole et la motricité mais a développé ce qu’on a diagnostiqué par la suite comme épilepsie du lobe temporal, un trouble bipolaire organique.

    Son trouble de l’humeur l’a rendue furieuse contre Dieu. Parce qu’elle était une religieuse, elle a continué à aller à la messe et aux prières mais, dit-elle, « je m’asseyais au fond de l’église et je lançais un regard noir à la croix. Pendant toute une année, je n’ai plus pu croire à l’existence de Dieu. »

    La seule façon dont Hermes pouvait prier était de lire la seconde moitié du livre d’Isaïe, le Livre de la Consolation. « Je lisais ces promesses de Dieu, » dit-elle. « Je n’y croyais pas et je ne pouvais y trouver aucune joie. »

    Un tournant a été le moment où elle a parlé à son conseiller spirituel un jour et où elle lui a demandé : “Pourquoi moi ?”. Sa réponse a été : « Pourquoi pas toi ? »

    Hermes dit que les gens tendent à penser que Dieu les punit et se démènent avec la question de savoir pourquoi ils ont été choisis pour cette maladie. Elle a écrit depuis lors six livres dont « survivre à la dépression : une approche catholique » qui essaie de montrer comment on peut dépasser ce « pourquoi moi? ».

    Même un manque de foi est une sorte de prière selon Hermes bien qu’il puisse être difficile de voir la vie spirituelle de quelqu’un se désintégrer comme elle l’a vu chez ceux avec qui elle a marché spirituellement.

    “Je leur ai dit et j’ai vu que c’était la réalité que cette expérience peut être une grâce, » dit-elle. « Notre relation d’enfant avec Dieu s’effondre mais nous pouvons le retrouver comme adulte à un niveau plus profond d’une manière bien plus profonde. »

    A la différence de beaucoup, ceux qui souffrent de maladie mentale peuvent voir “les gouffres et les cimes de l’humanité, la gloire triomphante du possible et la profonde mélancolie de la vie. Et c’est un don, » dit Hermes. Elle et d’autres dans le soutien pour la santé mentale espèrent que l’église va continuer à devenir meilleure dans la recherche comme le dit Hermes de « la beauté dans la fêlure. »

    Cet article est paru dans le numéro de février 2010 de U.S. Catholic (Vol 75, No 2, pages 12-17).

    Des informations complémentaires sont disponibles à : http://www.uscatholic.org/node/5811#sthash.aNYU4tcQ.dpuf

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  •                                                       La résistance au changement 

    "La vérité vous libère mais d'abord elle vous rend fou".

    Adage (=vérité d'expérience) cité par Scott Peck dans Au-delà du chemin le moins fréquenté.

    Explication de l'adage

    La vérité est une forme de lumière, de clarté sur notre vie. Elle libère, car elle nous sort de nos illusions, nourries souvent par paresse,par peur ou par orgueil. Elle peut cependant blesser, car elle oblige à sortir d'un aveuglement confortable. Or, cette désillusion qui nous fait du mal, nous rassure également, car elle est une habitude installée. Désapprendre, changer peut rendre fou. L'adjectif "fou" en ce cas renvoie à une personne qui perd tout sang-froid, se laisse emporter par des émotions négatives, emploie des mots qui vont au-delà de ses pensées, cherche à blesser celui ou celle qui fait la lumière sur une situation. Il est celui qui sort de ses gonds, des sentiers balisés par la sagesse.L'autre peut devenir violent ou se replier sur lui-même, de peur d'affronter le changement nécessaire qui le soulagerait pourtant.

     

    Le mépris

    Le mépris est l'attitude que certains peuvent avoir lorsqu'un changement doit avoir lieu, mais qu'ils ne veulent pas l'accepter avec sagesse.

    Le mot "mépris" prend naissance au XIVème siècle, il était orthographié "mespris" et renvoyait à l'idée d'"un prix inférieur à la valeur réelle" .Il a donné naissance par extension à ce sens dérivé de "sentiment par lequel on considère une personne ou une chose indigne d'égards ou d'estime." C'est une attitude qui vise à dédaigner la valeur d'une personne, à en faire "baisser le prix". Au lieu de mettre en avant son caractère précieux et la gratitude qu'on peut avoir vis-à-vis d'elle, on la dévalorise quitte à en grossir les défauts et à en dresser une caricature, afin de se donner le droit de ne pas la respecter et de se défouler sur elle.

    La peur du changement

    Cet adage met en avant notre résistance au changement. C'est notre libre-arbitre de résister au changement, de stagner ou même de se détériorer ou bien de travailler à notre transformation aussi bien individuelle que collective. Le conflit entre l'inertie du non-changement et l'effort du changement fait partie de la nature humaine. Nous avons le choix de nous battre en prenant le risque de perdre ou de nous laisser aller à une forme de décomposition psychique, qui nourrit notre mal-être. Se dissoudre, disparaître, mais sans mourir tout de suite, car la mort est changement et fait donc peur. C'est le passage d'un état à un autre.

    La possibilité de choisir de se transformer: faire appel au libre arbitre

    Le changement fait appel à notre sens de la responsabilité. En effet, lorsqu'on décide de changer, on se met en action, on prend des risques: celui de se tromper et de devoir recommencer pour affiner notre expérience. C'est finalement faire le choix de l'effort, contre la paresse dégénérative, en sachant que cet effort devra être maintenu dans le temps, avec constance.

    Changer, c'est aussi accepter de voir la vérité, celle d'un mouvement intérieur qui nous sera utile à long terme. C'est aussi assumer cette part d'action, sans toujours accuser les autres d'être la cause de notre état actuel, en leur demandant de faire plus, alors qu'ils n'ont aucun pouvoir sur notre capacité de changement. Ils agiraient à notre place que nous resterions insatisfaits et que nous continuerions à les critiquer, à les mépriser.

    La responsabilité, c'est accepter d'être seul à agir à un moment donné. Cela ne signifie pas que nous serons isolés toute notre vie, mais que ce choix ne peut se faire qu'avec nous-mêmes, car nous sommes des individus uniques et que personne ne peut agir à notre place. Le reste suivra ensuite.

    La responsabilité demande une certaine dose de maturité, c'est le fait de répondre de ses actes, d'en assumer les conséquences sans s'autopunir lorsqu'on a échoué ou se culpabiliser, mais en faisant d'autres efforts pour améliorer la situation lorsqu'elle n'est pas satisfaisante.

    Changer, c'est adopter une dynamique, difficile au départ, mais qui deviendra une habitude saine avec le temps.

    En somme, si la vérité nous rend fou au départ comme le rappelle l'adage, c'est qu'elle implique parfois une action nécessaire de changement qui nous effraie, une dose de responsabilité que nous refusons. Pourtant, il faut songer à la lumière qu'elle nous donne une fois le travail accompli. Nous serons alors dignes de nous-mêmes et non dans le mépris permanent des autres et de soi-même, attitude qui peut nous rendre malades!

    Le courage d'agir est donc bien plus louable que celui de rester dans un état confortable, parce que connu de nous, mais qui nous détruit, celui de l'illusion.

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  •                                                                                  La guérison et les mots du divin 

    La religion, lorsqu'elle est vécue de l'intérieur, de façon sincère et personnelle, peut être très bénéfique pour la santé mentale. Scott Peck , dans "Au- Delà du chemin le moins fréquenté" rappelle que la grâce est un cadeau de Dieu, qu'elle est une capacité à recevoir: "Selon mon expérience, la capacité à apprécier les surprises agréables comme des cadeaux, est bénéfique pour votre santé mentale. Ceux qui perçoivent la grâce dans le monde risquent plus de ressentir de la gratitude que les autres. Et les gens qui éprouvent de la gratitude sont en général plus heureux que les autres. Ils s'efforcent aussi davantage de rendre les autres heureux. Ayant le sentiment que le monde leur donne quelque chose, ils sont prédisposés à restituer ses largesses."

    Ceux qui ont le sentiment que la vie ne leur réserve pas de cadeaux doivent se poser la question de l'ouverture du cœur: comment recevoir lorsqu'on ferme notre cœur, par peur d'avoir à gérer tout type d'émotions? Il est important d'être réceptif au divin en soi, à cette part de lumière qui nourrit notre âme. Les mots de la langue française restituent cette part de ciel qui existe en chacun de nous. Ecoutons-les chanter...

    L'élément grec "theo" et les mots français crées à partir de cette racine

    THEO est un élément grec qui signifie "dieu". Il apparaît dans les mots:

    -théisme :croyance en dieu, synonyme de déiste et antonyme d'athée

    -monothéisme: croire en un seul dieu

    -polythéiste: croire en plusieurs dieux

    -athée: penser que dieu n'existe pas, monde sans dieu. Le préfixe "a-" possède un sens privatif qu'on retrouve par exemple dans "a-normal".

    - panthéon:

    1)Temple dédié par les Anciens, notamment les Grecs et les Romains, à l'ensemble de leurs dieux.

    2)monument consacré à la mémoire des grands hommes, aux "dieux" de la nation.

    -panthéisme:

    1) Au sens METAPHYSIQUE: Doctrine philosophique ou religieuse qui, rejetant ou minimisant l'idée d'un dieu créateur et transcendant, identifie Dieu et l'univers, soit que le monde apparaisse comme une émanation nécessaire de Dieu, soit que Dieu ne soit considéré que comme la somme de ce qui est.

    2) Par extension: attitude d'esprit qui tend à diviniser la nature.

    -théocratie: gouvernement exercé par un souverain dont l'autorité est regardée comme émanation de la divinité. Ex: théocratie pontificale.

    C'est aussi un régime dans lequel les prêtres jouent un rôle politique important.

    -théogonie: dans les religions polythéistes, il s'agit d'un système qui explique la naissance des Dieux et présente leur généalogie.

    -théologale: les vertus théologales (Foi, Espérance, Charité) qui ont Dieu lui-même pour objet.

    -théologie: étude des questions religieuses fondées sur les textes sacrés, les dogmes et la tradition.

    -théosophie: nom générique de diverses doctrines, imprégnées de magie et de mysticisme, qui visent à la connaissance de Dieu.

    -apothéose:

    1)Dans l'Antiquité, déification d'un héros, d'un empereur romain après sa mort (divination).

    2)Honneurs suprêmes rendus publiquement à quelqu'un (consécration, glorification, triomphe).

    3)Epanouissement sublime, moment le plus beau, instant divin.

    -Enthousiasme:

    1)Au sens littéraire: délire sacré, inspiration divine extraordinaire. Ex: enthousiasme poétique.

    2)Emotion vive portant à admirer (contraires: dégoût, indifférence)

    3)Emotion se traduisant par une excitation joyeuse (allégresse, entrain, joie qui s'opposent à froideur, indifférence, morosité).

    L'étymologie grecque "enthousiasmos signifie" transport divin, inspiré des Dieux".

    En somme, l'enthousiasme devrait être ranimé en thérapie, car la maladie entraîne souvent l'indifférence, la morosité, la tristesse, le dégoût. Cultiver cette part divine en l'homme, c'est guérir ou entretenir sa santé mentale.

    Bibliographie

    Dictionnaire de la langue française Le Robert BRIO (analyse comparative des mots)

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  •  Rentrée du soir-Steinlein, 1897

    La poésie a parfois l'immense vertu de faire réfléchir à ce qu'est la folie et à son rôle créatif. La folie est tout ce qui est en marge de la raison que ce soit positif ou négatif d'ailleurs. Elle est ce monde incivilisé, "cette feuille" au sens étymologique de "folium" qui reste sauvage, à baliser, à cultiver, un monde encore inexploré, inconnu. Baudelaire est fasciné par ce thème qu'il développe sous forme de récit dans "Mademoiselle Bistouri", 47ème poème en prose des 50 écrits du " Spleen de PAris".

    I-Extrait de "Mademoiselle Bistouri" de Baudelaire, poème en prose, tiré du Spleen de Paris

    Voici une explication du début du poème:

    Les deux personnages du poème sont, en apparence, des flâneurs: Mademoiselle Bistouri et le narrateur-poète. Ils se rencontrent par hasard, à la dérive dans Paris : « Comme j’arrivais à l’extrémité du faubourg, sous les éclairs du gaz, je sentis un bras qui se coulait doucement sous le mien, et j’entendis une voix qui me disait à l’oreille : “Vous êtes médecin, monsieur ?” » Le bras qui se coule doucement sous celui du narrateur est aussi intangible que le chuchotement qui l’accompagne. Mais la question initiale se transforme bientôt en affirmation. Lorsque le narrateur répond sèchement à la jeune femme : « Non ; je ne suis pas médecin, laissez-moi passer », celle-ci lui réplique aussitôt : « Oh ! si ! vous êtes médecin. Je le vois bien. Venez chez moi. Vous serez bien content de moi, allez ! » Ce qui frappe ici, c’est le manque de lien entre la réponse du narrateur et la manière dont la folle enchaîne. Animée par sa certitude, celle-ci n’entend pas la réponse de l’autre et construit ce qui va suivre à partir de cette illusion : elle le veut médecin, il le deviendra. Sa déclaration — « vous êtes médecin » — ouvre tout un processus narratif, car l’homme cède à son invitation, ce qu’il justifie ainsi : « J’aime passionnément le mystère parce que j’ai toujours l’espoir de le débrouiller. Je me laissai donc entraîner par cette compagne, ou plutôt par cette énigme inespérée »

    Voici la fin du poème et la réflexion du narrateur développée sous forme de prière: "Quelles bizarreries ne trouve-t-on pas dans une grande ville, quand on sait se promener et regarder? La vie fourmille de monstres innocents. - Seigneur, mon Dieu! vous, le Créateur, vous, le Maître; vous qui avez fait la Loi et la Liberté; vous, le souverain qui laissez faire, vous, le juge qui pardonnez; vous qui êtes plein de motifs et de causes, et qui avez peut-être mis dans mon esprit le goût de l'horreur pour convertir mon coeur, comme la guérison au bout d'une lame; Seigneur ayez pitié, ayez pitié des fous et des folles! O Créateur! peut-il exister des monstres aux yeux de Celui-là seul qui sait pourquoi ils existent, comment ils se sont faits et comment ils auraient pu ne pas se faire? "

    Poème en prose à lire en entier:

    http://baudelaire.litteratura.com/rub=oeuvre&srub=pop&id=185

    II-Interprétation du poème

    a) Quelle réflexion sur la folie s'amorce-t-elle dans ce poème?

    Gwladys Swain dans Dialogue avec l'insensé vient remettre en cause l'opposition entre médecin et fou. Le dialogue qui s'instaure entre le médecin et le malade transforme les deux personnes, un peu comme dans le poème "Mademoiselle Bistouri" qui met en scène une femme ayant perdu la raison et voyant dans le narrateur déambulant dans la ville parisienne, un médecin, qu'il n'est pas. La déraison fait partie de tout être humain, que celui-ci soit classé comme sain ou comme fou. La folie, en somme, ferait partie de la raison comme le doigt fait partie de la main. L’une et l’autre s’animent mutuellement.

    « Mademoiselle Bistouri », l’un des poèmes les plus déroutants du Spleen de Paris de Baudelaire, met en scène un échange entre une folle et un homme, échange qui se mue en complicité créatrice. Le poème examine comment et pourquoi la folie renverse les hiérarchies et encourage médecin et malade, ou narrateur et sujet, à changer de rôle. À la fin, ce n’est plus le poète qui reçoit la révélation, mais Mademoiselle Bistouri. Il est tentant de lire ce texte selon la perspective de Gladys Swain : Baudelaire peint un narrateur décrété « médecin » par cette femme qu’il rencontre ; en se laissant « infecter » par la folie de cette dernière, en consentant au rôle qu’elle lui assigne, ce pseudo-médecin trouve une nouvelle totalité. La rencontre oblige le narrateur du poème à se poser ces questions : en quoi son idée fixe est-elle le double de mon désir d’un impossible absolu ? Le narrateur baudelairien, marginal par profession, toujours en quête de l’irréalisable, doit se plier, pour le temps de sa narration, à l’obsession de mademoiselle Bistouri. Cette monomanie, qui consiste à vouloir repeupler le monde de médecins rédempteurs, paraît, certes, folle et saugrenue ; mais elle donne en fait une véritable structure au monde fragmenté de la somnambule urbaine. Anticipant le travail de Karl Jaspers sur les pouvoirs thérapeutiques de la folie, Baudelaire pénètre l’immense pouvoir d’un esprit qui soumet le monde à ses fantasmes ; grâce à sa monomanie, la folle réussit là où tous les narrateurs de Baudelaire ont échoué : elle réunit pleinement imaginaire et réalité.

    Le monomane est capable non seulement de tenir éloignées les réalités de la vie, mais également de tourner l’éphémère en absolu. Le rapport entre l’isolement et cette forme d’absolu est central dans le texte de Baudelaire.Mademoiselle Bistouri possède le don de transfigurer le réel. Si nous suivons l’argument de Kant, sa folie est donc mise à profit, devenant don plutôt que malédiction.

    Le poème de Baudelaire aurait pu s’intituler « Le remède dans le mal » : comment se sert-on de sa folie, de la folie de l’autre, pour redonner un sens au monde ? ou encore, comment la pratique de la folie peut-elle nous accorder un équilibre pervers ? Les études médicales nous ont montré à quel point l’obsessionnel — qu’il s’agisse de l’hypocondriaque ou du jaloux pathologique — s’appuie sur son obsession afin de restructurer son monde. Sans les rites débilitants auxquels il se soumet, le fou éprouverait un sentiment de flottement presque insoutenable. La maladie fonctionne donc comme une charpente qui soutient une structure défaillante.

    b)Une réflexion sur l'art

    L’idée fixe de mademoiselle Bistouri — « Tu es médecin, n’est-ce pas, mon chat ? » va faire admettre au narrateur excédé que, quoi qu’il dise ou fasse, il représentera toujours le médecin aux yeux de cette femme insensée. Cette représentation fausse fonctionne comme le double de la représentation artistique en général. L’art joue le même rôle têtu que mademoiselle Bistouri, faisant toujours passer une chose pour une autre, poussant le lecteur à substituer le monde imaginaire au monde réel. Le monde de la folie et le monde de l’écriture fraternisent. Le narrateur finira par jouer le rôle de médecin, puisque l’écriture du poème devient le compte rendu, le rapport mi-poétique, mi-médical de cette rencontre.

    Être à l’écoute de cette idée fixe permettra au narrateur de renouveler son dialogue avec l’art. Baudelaire partage avec Nerval la conviction qu’il existe un lien profond entre maladie et écriture. Rappelons-nous l’inoubliable lettre que Nerval envoie à Madame Alexandre Dumas, dans laquelle le poète critique les médecins, parce que ceux-ci exigeaient, pour le laisser sortir, qu’il avoue avoir été fou ; seul un tel aveu à leurs yeux pouvait témoigner de son rétablissement. Nerval s’attaque au médecin qui prétend guérir son malade en lui faisant admettre que l’irrationnel est coupé du rationnel. Ce médecin est incapable de dialogue, se complaisant dans une relation hiérarchique où il joue le rôle de prêtre omniscient. La science médicale, selon Nerval, réduit au silence ceux qui sortent du cadre habituel de l’entendement : les médecins s’enferment dans d’absurdes terminologies (théomanie ou démonomanie) pour définir les états qui les dépassent :

    "Avoue ! Avoue ! me criait-on, comme on faisait jadis aux sorciers et aux hérétiques, et pour en finir, je suis convenu de me laisser classer dans une affection définie par les docteurs et appelée indifféremment Théomanie ou Démonomanie dans le Dictionnaire Médical. À l’aide des définitions incluses dans ces deux articles, la science a le droit d’escamoter ou réduire au silence tous les prophètes et voyants prédits par l’apocalypse, dont je me flattais d’être l’un ! Mais je me résigne à mon sort, et si je manque à ma prédestination, j’accuserai le docteur Blanche d’avoir subtilisé l’esprit Divin".

    Notons que le médecin joue ici le rôle d’agent de répression. C’est celui qui réduit « l’esprit divin » en phénomène rationnel ; c’est celui qui classe, ordonne, et cache son ignorance derrière la prétendue science. Le médecin imaginaire de Baudelaire, lui, laisse plutôt parler le désordre. En effet, le portrait du narrateur en jeune médecin laisse entrevoir un esprit qui ne veut pas avoir le dernier mot.

    c)En quoi la folie peut-elle être un bienfait?

    L' idée fixe de Mademoiselle Bistouri est comparée à une antienne, à une litanie, à un refrain inintelligible. Mais c’est paradoxalement cette inintelligibilité qui donne une dimension dialogique à la rencontre : c’est l’imaginaire, et non pas le mimétique, qui remplace une réalité forcément appauvrie. Le poète perçoit la folie non pas comme un texte à décrypter, mais comme un phénomène incompréhensible, un véritable défi qu’il faudra à tout prix intégrer dans son monde familier. Elle ne représente rien d’intelligible et, par là même, mérite la dissection à laquelle le poème la soumet. Le narrateur de « Mademoiselle Bistouri » se tient à l’écart ; décentré par rapport à son objet, il fait pivoter son histoire autour d’une énigme « impossible à résoudre ». 

    C’est en effet grâce à l’idée fixe de mademoiselle Bistouri que le narrateur sera capable de comprendre sa propre trajectoire. À un moment donné, le narrateur se rend à l’évidence : il est lui aussi mangé par l’idée fixe ; alors que mademoiselle Bistouri voit des médecins partout, il voit, lui, des énigmes à résoudre, des mystères dont la clé pourrait dissoudre son spleen. Son idée fixe, donc, sera de débrouiller le sens de cette mystérieuse passion :

    — Mais, lui dis-je, suivant à mon tour, moi aussi, mon idée fixe,

    — pourquoi me crois-tu médecin ?

    — C’est que tu es si gentil et si bon pour les femmes !

    — Singulière logique ! me dis-je à moi-même.

    Les deux personnages, étrangement, s’apportent un mutuel équilibre. L’un sert de complément à l’autre. Grâce à mademoiselle Bistouri, le narrateur nous fait entrevoir la folie non pas comme une « aberration monstrueuse, mais [comme un] moment significatif du parcours humain ». L’idée fixe du narrateur — comprendre le parcours de mademoiselle Bistouri — va garantir sa place auprès d’autres chercheurs d’absolu. Comme mademoiselle Bistouri, d’autres protagonistes du "Spleen de Paris" organisent leur monde autour d’une idée absolue ; ce sont, en particulier, ceux qui s’attaquent à une esthétique de la consommation : le saltimbanque qui n’est plus rien sans son public, l’écrivain qui se hait pour avoir vendu son âme à ce même public, ou le peintre devenu assassin pour ne pas avoir compris le sérieux de sa mission. Leur malheur est d’être des êtres tiraillés entre l’idéal et le matériel. Mademoiselle Bistouri, elle, va jusqu’au bout.

    Nombreux sont les passages de Mon coeur mis à nu et de Fusées où apparaît ce désir impossible de ne vivre que pour une seule idée. Ce que Flaubert accomplit en se retirant du monde contemporain — écrire pour ne pas vivre —, Baudelaire en fait l’expérience partielle par le biais du personnage de mademoiselle Bistouri. Sa fascination pour cette prostituée tient d’une admiration jalouse : si la folie vous accorde de telles certitudes, le fait de ne pas être fou témoigne peut-être d’une pauvreté de l’être. Il suffit de consulter les commentaires de Karl Jaspers sur Hölderlin ou sur Van Gogh pour retrouver cette idée. C’est celui ou celle qui réussit à vivre le monde en l’acceptant comme il est, sans le transformer, qui est malade. Le malade apparaît dès lors comme un être privilégié, un voyant, au sens où l’entendent Nerval et Rimbaud. Un tel malade est capable, par l’énergie de sa vision, de créer un « nouveau » type de médecin. Selon Michel Foucault, l’histoire de la folie comprend l’héritage asilaire français comme un monologue où la raison va emmurer une folie qui a été réduite au silence pour la marginaliser. Essayer de nommer et de classer les symptômes de la folie mène forcément à une série de simplifications qui font grand tort à la complexité de la maladie.

    En conclusion, la prière finale du narrateur est comme l'ouverture d'un "ciel intérieur" dira Pierre-Jean-Jouve. La folie lui a ouvert une porte vers l'intimité de son être, vers la profondeur de son psychisme, vers le divin.« Mademoiselle Bistouri » est l’exemple frappant d’une folie qui force l’autre à remettre en question sa définition du réel. Mademoiselle Bistouri, double du narrateur, miroir de leur commune idée fixe, est une mise en abyme de son rapport à l’écriture. Comme lui, elle transforme le réel en irréel ; comme lui, ne supportant pas la banalité quotidienne, elle refait le monde, donnant vie à des spectres auxquels elle accorde le rang de guérisseur.

    Etude du poème: http://www.erudit.org/revue/etudfr/2004/v40/n2/008814ar.html

    "La prière est une ouverture du ciel intérieur."

    Pierre Jean-Jouve, en parlant de la prière finale de "Mademoiselle Bistouri", in "Tombeau de Baudelaire".

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