• <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> Saint François d'Assise <figcaption class="ob-img-description">Saint François d'Assise</figcaption> </figure>

    Marie-Noëlle Besançon est psychiatre et psychothérapeute. Elle a créé l'association "Les invités au festin" (IAF) qu'elle a fondée avec Jean Besançon. Elle ose des constructions nouvelles et une psychiatrie qui sort du seul soin par les médicaments où les gens sont traités avec considération et humanité, où ils ont un rôle social. Elle n'hésite pas à sortir du milieu psychiatrique pour interroger des gens très variés qu'elle tente d'insérer dans son travail d'accompagnement.

    Dans une émission de radio, elle a interrogé -entre autre- un prêtre exorciste, activité qui fait peur tant on peut y voir de charlatans. Pourtant cet homme très clairvoyant donne un éclairage intéressant sur les maladies de l'âme.

    Je me propose ici de résumer l'émission que vous pouvez écouter sur ce lien:

    http://www.lesinvitesaufestin.fr/publications.html

    I-La psychiatrie, le parent pauvre de la médecine (constat dressé par Marie-Noëlle Besançon)

    La médecine est considérée comme le parent pauvre de la médecine, car elle sort d'une stricte observation scientifique qu'on peut mesurer au microscope ou par divers instruments. Longtemps, le fou a été considéré comme un possédé. La dimension irrationnelle de la folie fait peur et rend cette discipline assez taboue. Ce que Marie-Noëlle Besançon souhaite entre autre, c'est sortir la psychiatrie de la stigmatisation dans laquelle elle se trouve, en montrant que c'est une discipline riche qui demande une connaissance globale du monde et l'appel à différents corps de métiers.

    II-Le point de vue d'un prêtre exorciste: le père Max Wasseige

    Le père Max Wasseige explique pourquoi il a pris cette spécialité qu'on lui a donnée: l'exorcisme qui consiste à combattre les forces obscures. Lorsqu'il était jeune, sa grand-mère avait eu une vision: elle disait avoir vu la Vierge en Belgique. Il s'est donc très tôt intéressé à ces phénomènes inexplicables et a fait de nombreuses recherches. Il garde la tête sur les épaules et ne promet rien. Il essaie d'aider les autres avec ses humbles connaissances.

    Il explique même que si on a fait disparaître les exorcistes, c'est que nombre d'entre eux faisaient des dégâts. Il met en avant le problème de gourous qui demandent des sommes faramineuses pour ne rien faire. Ces escrocs ont fait beaucoup de mal et continuent d'ailleurs.

    Son travail est d'écouter ce qui paraît extraordinaire. Il pense que la guérison passe par une approche à la fois psychologique et spirituelle, mais qu'il faut absolument que la personne soit motivée pour sortir de l'impasse dans laquelle elle se trouve.

    Il explique qu'un jour un brûleur de voiture est venu le voir. Il était mu par des pulsions incontrôlables et en souffraient beaucoup. Il a discuté avec lui, c'était comme une sorte d'addiction dont il ne parvenait pas à se libérer. Il lui a conseillé une prière celle de Saint François d'Assise que voici:

    "Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix,

    Là où est la haine, que je mette l’amour.

    Là où est l’offense, que je mette le pardon.

    Là où est la discorde, que je mette l’union.

    Là où est l’erreur, que je mette la vérité.

    Là où est le doute, que je mette la foi.

    Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.

    Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.

    Là où est la tristesse, que je mette la joie.

    O Seigneur, que je ne cherche pas tant à être consolé qu’à consoler, à être compris qu’à comprendre, à être aimé qu’à aimer.

    Car c’est en se donnant qu’on reçoit, c’est en s’oubliant qu’on se retrouve, c’est en pardonnant qu’on est pardonné, c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie."

    Ce jeune homme, après en avoir discuté et grâce à la prière et à la volonté -car il souhaitait s'en sortir- est parvenu à arrêter ce qu'il avait commencé et à ne plus brûler de voitures. Ce n'était pas d'un psychologue dont il avait besoin mais d'un prêtre.

    Selon le père Max de Wasseige, la dimension spirituelle est importante pour donner du sens à sa vie, c'est une nécessité de l'âme. Pour lui, personne n'est véritablement hanté par le diable, personne n'a vendu son âme au diable. Il n'en a pas connu en 18 ans de carrière.En revanche, il faut agir contre des forces ténébreuses qu'on a en soi, contre des forces destructrices. La prière, la quête spirituelle peuvent être une solution parmi d'autres. Il n'impose rien, il propose.

    Il tient à préciser qu'il n'est pas psychologue et que là n'est pas son rôle. Il dit se préparer à recevoir les gens par la prière. Il rencontre des personnes qui ont des vies blessées par beaucoup de ruptures: "je m'habille d'amour pour écouter." Il prie beaucoup avant de les recevoir, comme une bénédiction. Il met l'accent aussi sur l'humour qui permet une mise à distance et un allègement du poids de la souffrance. Le rite est selon lui très important, il est comme une cheminée spirituelle.

    Le rite est plus fort que la parole.

    Père Max Wasseige

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  •                                                 Victor Brauner-Chimère (peintre surréaliste)  Victor Brauner-Chimère (peintre surréaliste)

    Les hallucinations auditives ou entente des voix préoccupent certains patients en psychiatrie. Une émission de France culture est consacrée à ce problème. Comment autogérer les voix? Comment réussir à les vaincre en sortant de la psychiatrie traditionnelle et des neuroleptiques?

     

    Voici la présentation de l'émission de France Culture

    Le phénomène des «voix» est très répandu parmi les personnes considérées comme psychotiques et, plus spécialement, schizophrènes. Ce phénomène des hallucinations auditives relève de la symptomatologie traditionnelle des psychoses et concerne, en France, la moitié des personnes adultes atteintes de psychoses délirantes chroniques. Or, depuis une vingtaine d'années, la psychiatrie, et notamment en France, doit faire face à de sérieuses critiques concernant d'une part ses classifications nosographiques et d'autre part ses méthodes de traitement des pathologies mentales. À cette critique a répondu l'émergence d'une revendication accrue du côté des patients : le droit de vivre de manière satisfaisante avec leurs voix, sans en passer par la « camisole chimique » des neuroleptiques.

    Aussi, ces revendications ont-elles été catalysées par un réseau international constitué de soignants et de patients, le Réseau d'Entraide des Entendeurs de Voix (REEV), né en Suisse dans les années 1980, à l'initiative du Pr. Marius Romme et de son assistante Sandra Esher, qui lui-même a donné naissance à d'autres réseaux, comme l'important Intervoice en Grande-Bretagne, ou Hearing voices au Pays-Bas. Depuis, ce sont plusieurs centaines de groupes d'entraide qui ont essaimé en Europe, sans compter les relais à travers le monde entier –à l'exception de la France. Ces réseaux sont destinés à aider ceux qui désormais sont nommés les entendeurs de voix à «prendre le contrôle de leur voix» et, ce faisant, des états d'angoisse morbide associés aux passages à l'acte qu'ils peuvent souvent générer. Enquête de l’équipe de Sur les docks, lors des journées de formation « Travailler et parler avec les voix » organisées en février 2011 à Armentières.

    Avec : Ron Coleman, ancien usager, figure majeure du Réseau Hearing Voices et consultant spécialisé dans le « recovery » et le traitement des psychoses. Auteur de nombreux ouvrages qui sont à la base du travail effectué au sein des Réseaux d'Entendeurs de Voix ;

    Eleanor Longden, ancienne usagère, psychologue à Bradford en Angleterre, membre du réseau Intervoice ;

    Massimo Marsili, psychiatre au Département de Santé mentale de Trieste ;

    Patrick Le Cardinal, psychiatre à l'EPSM de Lille-Métropole ;

    Vincent, usager participant aux journées de formation "Travailler et parler avec ses voix" à Armentières.

    Traduction : Yann Derobert Production :

    Alexandre Breton Réalisation : Guillaume Baldy

     

    Voici le lien vers l'émission:

    http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4361351

     

    Voici quelques phrases-clés de l'émission

    "Quand un domaine scientifique -en l'occurrence la psychiatrie- n'accepte pas la critique, ce n'est plus une science, c'est une nouvelle religion." Ron Coleman

    • Comment travailler avec les voix?

    1)Se demander ce que disent les voix. Qui sont -elles? Féminines, masculines? Ont-elles un nom?

    2)Elles expriment souvent un sentiment de colère, de honte, de culpabilité, de sentiments sexuels.

    3)Quels problèmes les voix représentent-elles?

    4)Elles surviennent souvent après un traumatisme. C'est une façon qu'à le cerveau de gérer des émotions trop vives, trop fortes. Elles attaquent souvent le talon d'Achille du sujet.

    • Les objectifs des entendeurs de voix

    I)Meilleur contrôle

    II)S'approprier cette expérience, la maîtriser

    III)Récupérer le sentiment même de soi, l'estime de soi, la raison d'être

    IV)Entretenir une relation positive avec les voix

    • Exemple de programme de rétablissement de Maria

    On constate que les voix représentent des émotions en relation avec l'abus sexuel qu'a subi Maria lorsqu'elle était petite.

    Voici le programme proposé:

    1. Faire face aux voix
    2. Répartir son temps: prendre rendez-vous avec elles et ne parler que pendant ce temps
    3. Gérer ses émotions difficiles
    4. Parler des sentiments en relation avec l'abus sexuel (la colère, la honte etc...)

    En conclusion, pour le moment, il n'existe pas de champ professionnel pour la gestion de l'entente des voix. Tout se fait de façon bénévole. Il faudrait intégrer ce travail dans le champ de la psychiatrie: aider à gérer les voix sans neuroleptique. Il faut répondre à un besoin. La psychiatrie a tendance à enfermer les gens dans le non-rétablissement (médicaments, suivi etc...). Le réseau des entendeurs de voix tentent d'apporter des réponses naturelles, d'autogestion des voix afin d'apprendre à vivre avec.

     

    Liens externes

    Réseau des entendeurs de voix: http://www.revfrance.org/

    Livre sur le sujet: "La voix intérieure" de Paul Baker

    http://www.priceminister.com/offer/buy/153428810/la-voix-interieure-de-paul-baker.html#scroll=prd_information

     

     

     

    "La psychiatrie ne croit qu'à la maladie. Elle ne croit pas à la santé: lorsqu'on est rétabli, on n'est pas cru."

    Ron Coleman ( ancien usager, figure majeure du Réseau Hearing Voices et consultant spécialisé dans le « recovery » et le traitement des psychoses)

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  • <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> Le thème de la folie dans La Peau de chagrin de Balzac </figure>

    Le mot "folie" revêt de multiples sens: il embrasse une vaste palette sémantique qui va de la folie destructrice à la folie créatrice. Balzac dans "La Peau de chagrin" s'interroge sur ce mot à qui il donne différentes connotations et qu'il emploie à de multiples reprises pour désigner une monomanie -une idée fixe- ou l'excès de désir qu'on peut définir comme l'absence de modération dans le vouloir et le pouvoir. Mais la folie est aussi le nom que l'on donne à des phénomènes inexplicables que les scientifiques sont incapables d'analyser. Elle est cette porte ouverte vers l'inconnu.

    Dès 1831, à travers la plume de Philarète Chasles, Balzac déclarait, dans l’introduction aux "Romans et Contes philosophiques" qu’il avait « voulu, comme feu Rabelais, formuler la vie humaine et résumer son époque dans un livre de fantaisie, épopée, satire, roman, conte, histoire, drame, folie aux mille couleurs ».

    I-La folie monomaniaque, résultant d'une idée fixe

    a)La folie du jeu

    Dans l'incipit du roman, un inconnu dont le nom se révèlera être celui de Raphaël -en hommage au peintre- entre dans une maison de jeu. Un vieillard l'y attend: un "triste Cerbère". En regardant ce vieil homme sec et décharné, on pourrait penser: "Il n'y a plus qu'un jeu de cartes dans ce cœur-là", "c'était le jeu incarné". Cet homme, en raison de sa monomanie, a perdu son âme. Il est devenu sec, vidé de toute affectivité. On a le sentiment de voir se mouvoir une machine humaine, obnubilé par le jeu qui l'a envahi.

    Cette figure de vieillard rappelle un tableau de Géricault "La Folle monomane du jeu" qui met en scène une vieille femme, au regard vide, portée vers un ailleurs qui l'obsède. Son esprit est obnubilé par le jeu qu'elle ne quitte plus. Il est devenu comme une idée fixe, une passion assommante, qui la ronge intérieurement et la crispe.

    b)La monomanie de Raphaël, selon les médecins

    Les médecins ne peuvent croire à la réalité de cette peau. Mais ils sont bien obligés de constater qu'ils ne peuvent pas agir sur elle, qu'ils sont face à un problème insoluble. Pourtant, il n'hésite pas à porter un jugement catégorique sur l'état de Raphaël et a tenté de l'expliquer rationnellement:

    "Il y a monomanie. Le malade est sous le poids d'une idée fixe. Pour lui cette Peau de chagrin se rétrécit réellement, peut-être a-t-elle toujours été comme nous l'avons vue, mais qu'il se contracte ou non, ce chagrin est pour lui la mouche que certain grand vizir avait sur le nez."

    Les médecins se moquent de Raphaël, le font passer pour fou, car ils sont en réalité incapables d'expliquer un phénomène inexplicable. Leur raison limitée ne leur permet pas d'avoir une vision juste de la réalité si bien qu'ils sont ridiculisés par Balzac qui en dresse une peinture satirique. On peut se demander qui sont les plus fous des deux: les médecins ou Raphaël, confronté à un phénomène inexplicable mais bien réel?

    L'étiquette de folie peut être facilement donnée à un être qui est en proie à des phénomènes inhabituels, dépassant les frontières de la raison et pourtant bien réels. Sortir des sentiers battus du raisonnable est considéré comme folie. Il est plus simple de mépriser ce qu'on ne comprend pas, plutôt que de chercher à l'expliquer et d'avoir l'humilité de reconnaître qu'on n'y est pas parvenu. Dans un cas, il n'y a pas d'effort à faire, on étiquette, on juge; dans l'autre, on doit se remettre en question, travailler et cela est bien plus fatigant!

    On a tendance à exclure ceux qui sont malades ou pauvres. D'ailleurs, jusqu'au XVIIIème siècle, les vagabonds comme les fous étaient enfermés au même endroit. Le narrateur dira à ce propos ce triste bilan: " Quiconque souffre de corps ou d'âme, manque d'argent ou de pouvoir, est un Paria. Qu'il reste dans son désert: s'il en franchit les limites, il trouve partout l'hiver: froideur des regards, froideur de manières, de paroles, de cœur; heureux, s'il ne récolte pas l'insulte là où pour lui devait éclore une consolation."

    II-La Folie, caractérisée par ses excès, son absence de modération

    a)La profusion des objets dans le magasin d'Antiquité crée une forme d'étourdissement hallucinatoire

    Raphaël, le protagoniste, dans la première partie du roman se retrouve dans un magasin d'Antiquité. C'est là qu'il va se procurer cette fameuse peau de chagrin qui représente son énergie vitale qu'il va consommer plus ou moins vite en fonction de ses désirs. Plus ils seront nombreux, plus il perdra d'années. Le magasin d'Antiquité contient une somme d'objets considérables, il est excessivement chargé. Il regroupe toutes les folies humaines:

    "Les plus coûteux caprices de dissipateurs morts sous des mansardes après avoir possédé plusieurs millions, étaient dans ce vaste bazar de folies humaines. Une écritoire payée cent mille francs et rachetée pour cent sous, gisait auprès d'une serrure à secret dont le prix aurait suffi jadis à la rançon d'un roi. Là, le génie humain apparaissait dans toutes les pompes de sa misère, dans toute la gloire de ses gigantesques petitesses."

    b)Le désir, consommateur d'énergie: la folie du pouvoir et du vouloir

    Trop désirer, vouloir régner sur le monde, souhaiter être riche, se plonger dans les vanités d'une société débauchée, c'est y perdre un peu de son âme. Jouir matériellement revient à abîmer son âme, à la réduire à peau de chagrin. Rappelons que cette peau est une pièce de cuir magique qui exauce tous les voeux de son possesseur, mais qui, à chaque désir réalisé, voit sa taille diminuer, tout en rongeant progressivement la vie de son propriétaire qui mourra en même temps que la peau disparaîtra suite à un dernier désir satisfait. Il s'agit d'une peau d'âne ou d'onagre qui possède une grande élasticité. Mais trop vouloir, c'est y perdre son âme et mourir un peu plus vite:

    "Semblable en ses caprices à la chimie moderne qui résume la création par un gaz, l'âme ne compose-t-elle pas de terribles poisons par la rapide concentration de ses jouissances, de ses forces ou de ses idées? Beaucoup d'hommes ne périssent-ils pas sous le foudroiement de quelque acide moral soudainement épandu dans leur être intérieur?"

    Les poisons de l'âme ne sont-ils pas les désirs matériels trop impérieux, l'appel des vanités qui rongent notre esprit sensible?

    Comme le souligne le narrateur de La Peau de chagrin: "Vouloir nous brûle et pouvoir nous détruit; mais savoir laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme."

    Le vieillard, tenant le magasin d'Antiquité, définit la folie comme suit: "et qu'est-ce que la folie, sinon l'excès d'un vouloir et d'un pouvoir?" Cette folie humaine se reflète dans la peau de chagrin, talisman qui exprime visiblement les mouvements intérieurs de nos désirs démesurés. Raphaël accepte de vivre avec excès en se procurant la Peau qui lui renverra sans cesse les conséquences de ses propres actes.

    Le vouloir et le pouvoir réunis sont les vices de cette époque dans laquelle la révolution manquée de Louis-Philippe entraînent les bourgeois et les aristocrates dans une course à l'ambition et l'accumulation de richesses: "Je n'avais rien, j'eusse alors vendu dix ans de ma vie pour avoir deux sous". La vanité étouffe l'être et le rend plus vulnérable, même s'il possède une apparente force que la richesse lui procure. La débauche des fêtes nourrit cette folie humaine:

    "Contempler en ce moment les salons, c'était avoir une vue anticipée du Pandémonium de Milton. Les flammes bleues du punch coloraient d'une teinte infernale les visages de ceux qui pouvaient boire encore. Des danses folles, animées par une sauvage énergie, excitaient des rires et des cris qui éclataient comme les détonations d'un feu d'artifice."

    c)Perdre son capital vital pour réaliser ses désirs

    Sur la peau de chagrin, on peut lire cette inscription: "Si tu me possèdes, tu possèderas tout, mais ta vie m'appartiendra." Comme le souligne Pierre-Georges Castex dans "Nouvelles et contes de Balzac", "chacun de nous possède un certain capital de vie et dispose d'une certaine latitude pour en user; celui qui économise ses forces a chance de vivre longtemps, mais son existence sera morne; celui qui les engage sans réserve à la conquête des jouissances vivra avec intensité, mais il mourra jeune, car le plaisir, comme le génie créateur est un terrible consommateur d'énergie." On peut d'ailleurs créer une analogie entre l'histoire de Raphaël et celle d'Honoré de Balzac: "Balzac est mort à 51 ans, comme Napoléon qu'il admirait tant, après avoir consumé à un rythme effrayant les ressources d'une énergie immense." Raphaël dira de lui-même: "Galérien de plaisir, je devais accomplir ma destinée de suicide." Ses désirs vaniteux le font mourir à petit feu: "enfin, Foedora m'avait communiqué la lèpre de sa vanité. En sondant mon âme, je la trouvais gangrenée, pourrie. Le démon m'avait gangrené son ergot au front." Rappelons que Foedora est une femme sans cœur dans l'ouvrage, l'allégorie de la Société de son époque. La dernière phrase de l'ouvrage en atteste: "Oh! Foedora, vous la rencontrerez. Elle était hier aux Bouffons, elle ira ce soir à l'Opéra, elle est partout, c'est, si vous voulez, la Société." La vanité est une dépense excessive d'énergie inutile qui nous perd dans les impasses de l'avoir, sans nourrir l'être.

    d)La folie des vanités

    Devenir riche, marcher au bras d'une jeune femme lorsqu'on est vieux, entrer dans les beaux salons pour briller: ne sont-ce pas vanité qui étouffe l'âme et nous font mourir lentement mais sûrement?

    "Combien de vieillards, se dit Raphaël en lui-même, couronnent une vie de probité, de travail, de vertu, par une folie. Celui-ci a les pieds froids et fait l'amour."

    III-La folie: ouverture vers un monde étrange, inconnu, irrationnel, inexplicable

    a)L'hallucination vécue par Raphaël dans le magasin d'Antiquité

    Raphaël qui souhaite mourir au début de l'œuvre est comme envoûté par l'impression laissée par tous ces objets visibles dans le magasin d'Antiquité. On ne sait si c'est la fatigue, l'obscurité ou l'appel de la Mort- la volonté du suicide- qui change sa vision du monde. Les objets s'animent dans l'espace devant son regard d'halluciné:

    "Les tableaux s'illuminèrent, les têtes de vierge lui sourirent, et les statues se colorèrent d'une vie trompeuse. A la faveur de l'ombre, et mises en danse par la fiévreuse tourmente qui fermentait dans son cerveau brisé, ces œuvres s'agitèrent et tourbillonnèrent autour de lui (...)."

    Un vieillard apparaît alors, "espèce de fantôme". On hésite entre une interprétation rationnelle et irrationnelle, propre au fantastique. La vision est qualifiée d'hallucinatoire, sorte de cauchemar éveillé: "La singulière jeunesse qui animait les yeux immobiles de cette espèce de fantôme empêchait l'inconnu de croire à des effets surnaturels; néanmoins, pendant le rapide intervalle qui sépara sa vie somnambulique de sa vie réelle, il demeura dans le doute philosophique recommandé par Descartes, et fut alors, malgré lui, sous la puissance de ces inexplicables hallucinations dont les mystères sont condamnés par notre fierté ou que notre science impuissante tâche en vain d'analyser."

    b)Quelles sont les causes de ces "fantasques images"?

    Les hallucinations ne sont pas clairement expliquées par la science. Elles ne l'étaient pas à l'époque de Balzac, elles ne le sont toujours pas aujourd'hui. Pourtant, l'écrivain tente de donner une interprétation à ces faits étranges, à ces images que le cerveau perçoit, qui ne sont pas la réalité vécue par tout le monde, mais correspondent à une réalité intime:

    "S'il demeura comme étourdi, s'il se laissa momentanément dominer par une croyance digne d'enfants qui écoutent les contes de leurs nourrices, il faut attribuer cette erreur au voile étendu sur sa vie et sur son entendement par ses méditations, à l'agacement de ses nerfs irrités, au drame violent dont les scènes venaient de lui prodiguer les atroces délices contenues dans un morceau d'opium. Cette vision avait lieu dans Paris, sur le quai Voltaire, au dix-neuvième siècle, temps et lieux où la magie devait être impossible. Voisin de la maison où le dieu de l'incrédulité française avait expiré, disciple de Gay-Lussac et d'Arago, contempteur des tours de gobelets que font les hommes du pouvoir, l'inconnu n'obéissait sans doute qu'à ces fascinations poétiques auxquelles nous nous prêtons souvent comme pour fuir de désespérantes vérités, comme pour tenter la puissance de Dieu."

    Les hallucinations sont considérées dans le texte balzacien comme des erreurs, des illusions dues aux méditations poétiques de son protagoniste qui jouent sur ses nerfs, à un choc émotionnel violent ("au drame violent"). Elles peuvent ressembler aux images que nous prodiguent une drogue, "un morceau d'opium." Elles sont le résultat d'une volonté de fuir "de désespérantes vérités", car elles sont trop dures à supporter. Un autre monde s'ouvre alors à notre esprit en délire, fatigué émotionnellement, ce sont les portes d'un ailleurs illusoire qui s'ouvrent alors.

    c)La science n'explique pas tout et ne peut agir sur tout: elle est parfois impuissante face à certains phénomènes étranges

    L'existence de la peau de chagrin invite à l'humilité. Les scientifiques dans le roman ne parviennent pas à lutter contre le vieillissement de l'être humain et à agir sur la ductilité de cette peau. Le fou est celui qui se rend compte que l'humain est bien impuissant face à un phénomène qui le dépasse: celui de la vie et de la mort. Ainsi, Raphaël se dira: "La science? Impuissante! Je suis fou."

    Ne pas croire à la toute-puissance scientifique, c'est être fou. L'homme est bien obligé cependant de se rendre compte qu'il est ignorant, qu'il ne maîtrise pas tout et que la science qu'il a inventée ne résout pas l'ensemble des mystères de ce monde. Nous vivons dans l'ignorance et le savoir, c'est devenir sage.

    d)Est fou ce qui échappe à la raison

    Dans le dénouement de La Peau de chagrin, Raphaël tente d'expliquer à Pauline, sa bien-aimée, un phénomène incompréhensible à la raison. Celle-ci le croit fou, car il sort de ce que la raison dominante peut appréhender. Tout ce qui échappe à la raison est considéré comme fou:

    "-Ceci est un talisman qui accomplit mes désirs, et représente ma vie. Vois ce qu'il en reste. Si tu me regardes encore, je vais mourir...

    La jeune fille crut Valentin fou, elle prit le talisman et alla chercher la lampe."

    Ainsi le dernier désir charnel de Raphaël de Valentin pour Pauline aura raison de sa vie. Il mourra dans les bras de sa bien-aimée. Vivre, c'est désirer. Mais désirer de façon immodérée, n'est-ce pas se condamner à une mort prompte et violente?

    En conclusion, l'intempérance, le manque de retenue dans ses désirs, l'absence de sagesse et de modération peuvent conduire aux pires maux. C'est du moins la leçon qu'on peut tirer de ce roman philosophique de Balzac, construit à la manière d' un apologue. Comme l'explique Eugène de Rastignac à Raphaël: "L'intempérance est la reine de toutes les morts." La folie des hommes se résume dans leurs excès, mais attention à ceux qui jugent trop vite et ont la prétention d'en savoir plus que d'autres: dire à quelqu'un qu'il est fou, n'est-ce pas manqué de sagesse et mettre en boîte l'inexplicable, l'incompréhensible face à une raison beaucoup trop orgueilleuse et impérieuse?

    La sagesse consiste pour beaucoup à se rendre compte qu'on est peu de choses et qu'il faut s'en remettre aux forces du bien et espérer, ne plus s'adonner aux illusions qui sont source de folie.

    Et qu'est-ce que la folie, sinon l'excès d'un vouloir et d'un pouvoir?

    La Peau de Chagrin-Balzac

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  •                                                        Nos motivations

    Les motivations des auteurs de ce blog

    Ce blog est écrit pas des personnes s'intéressant à divers titres à la maladie mentale et à sa prise en charge médicale, sociale ou spirituelle. C'est un blog indépendant qui n'est influencé par aucune organisation de quelque nature que ce soit. Les auteurs s'expriment librement et ouvertement en n'excluant aucun aspect de la maladie ni du rôle des personnes et de la société. Les rédacteurs ne sont ni médecins, ni psychologues, mais simplement citoyens du monde concernés par la question de la "folie".

    Le blog est à l'écoute de toutes les bonnes volontés pourvu qu'elles veuillent agir en toute bonne foi dans l'intérêt réel des malades et de leurs proches et en excluant toute idéologie de caractère sectaire.

    Le blog ne fait pas de publicité mais peut mentionner des personnes, des associations ou des auteurs qui agissent dans son sens.

    Des commentaires peuvent être publiés librement. Merci de respecter cependant les règles de politesse et de cordialité inhérentes à toutes personnes humaines. Nous n'accepterons pas les règlements de compte. Dans ce cas, les réactions seront effacées. Les commentaires constructifs et même critiques sont les bienvenus dans la mesure où ils sont rédigés avec bienveillance.

    Nous sommes ouverts à la publication d'articles personnels (poèmes, évocation d'un moment heureux ou douloureux, petits récits...) dans la mesure où ils n'ont pas pour but la promotion d'un produit et ne sont destructeurs pour qui que ce soit.

    "La tempérance et le travail sont les meilleurs médecins de l'homme."Jean-Jacques Rousseau-Emile ou de l'éducation

     

     

    Musique invitant à la sérénité et au repos de l'âme

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  • "Les invités au festin", l'IAF est une association Loi 1901 créée en 1990 qui œuvre en faveur des personnes souffrant de solitude et d'exclusion liées à des troubles d'ordre psychologique ou/et à des difficultés d'intégration socio-professionnelles. Elle a d'abord créé un lieu d'accueil, la Maison des Sources, puis d'autres ailleurs en France par la suite.

    Des espaces d’accueil, de rencontre et de vie entre les deux mondes des exclus et des inclus, où la citoyenneté est vécue de part et d’autre, grâce à une co-thérapie relationnelle, et la mise en œuvre des principes de psychiatrie citoyenne : vie partagée (fraternité), ouverture sur l’extérieur (liberté), participation (égalité).

    Mission

    Tracer le chemin manquant entre la psychiatrie, le social et la société, en recréant un pont entre les personnes fragiles psychologiquement et la communauté des citoyens.

    Citation de Marie Noëlle Besançon, extraite de son ouvrage Ils sont fous et je vis avec eux:

    D'eux on dit facilement qu'ils sont fous. C'est le mot qui vient aux lèvres dès que quelqu'un dérange ou ne nous ressemble pas tout à fait. On le dit aussi de moi et de mon mari parce que nous vivons avec eux. Eux, qui sont-ils? Des hommes et des femmes qui ont décroché, que l'accident, la maladie, une mauvaise configuration intérieure ou extérieure ont enfermé en eux. Cela les a conduits de médecins en hôpital ou en maison de soin, voire dans la rue, avec, par moments, un cerveau qui laisse échapper leurs pensées, les plongeant dans la confusion, les plongeant dans un autre monde où ils ne sont pas non plus chez eux. Ils le sont, je le crois, dans la Maison des sources que je partage, que je fais vivre avec eux."

    Quand la citoyenneté soigne la folie

    Soigner les troubles psychiques et sociaux grâce à des relations basées sur les valeurs citoyennes de liberté, égalité et fraternité. Dans le but global de lutter contre la solitude et l’exclusion des personnes souffrant de difficultés psychologiques et/ou sociales, l’association "Les Invités au Festin" a été créée en 1990 à Besançon. Sans but lucratif, apolitique et non confessionnelle, elle propose des espaces d’accueil et de vie entre des personnes dites intégrées et des personnes ayant des difficultés de relation.

    Réseau sur le territoire national et international

    IAF réseau (association loi 1901) a été créée le 20 mars 2007 par l'association "Les Invités au Festin", qui a pour but global de lutter contre l'exclusion des personnes souffrant de troubles psychiques et sociaux. Les Invités au festin (IAF) ont initié et expérimenté dans la Maison des Sources à Besançon un concept de psychiatrie citoyenne qui a fait ses preuves et est unanimement reconnu. La mission de IAF réseau est d'assurer la reproduction sur le territoire national et international de lieux d'accueil et de vie reposant sur le même concept que la maison pilote basée à Besançon.

    Voici le lien vers leur site:

    http://www.iaf-reseau.com/

    Livre de Marie-Noëlle Besançon, fondatrice de l'association et psychiatre

    Un article sur le blog de Lana présente le livre écrit par Marie-Noëlle Besançon On dit qu'ils sont fous et je vis avec eux, psychiatre et psychothérapeute, fondatrice et présidente de l’association :

    http://blogschizo.wordpress.com/2011/04/25/on-dit-quils-sont-fous-et-je-vis-avec-eux-marie-noelle-besancon-latelier/

    "Vivre avec les fous ! Les soigner d’accord, mais partager le même toit ? Pour une psychiatre censée garder ses distances avec ses patients, ça n’est pas très professionnel… Quelle mouche a donc piqué Marie-Noëlle Besançon quand elle a décidé de créer un étrange lieu de vie : une maison où des personnes, souffrant de troubles psychiques, et des " bien portants " font la cuisine, partagent des repas, apprennent l’informatique, gèrent une friperie et organisent des défilés de mode ?

    Ce livre raconte l’aventure passionnante d’une femme et de son mari qui, avec l’aide d’une association, ont pris le risque insensé de mettre en œuvre une utopie : sortir ceux que l’on appelle les fous de l’enfermement de l’hôpital sans les abandonner à la rue et à la précarité, les reconnaître comme des humains sans les réduire aux maux dont ils souffrent. Ainsi est née la Maison des Sources, une formidable bouffée d’espoir et d’amour, où chacun, tort de ses fragilités et s’enrichissant de l’autre, est invité au festin de la vie."

    Autres livres disponibles

    Arrêtons de marcher sur la tête de Marie Noëlle Besançon et Marc Jolivet:

    http://www.amazon.fr/Arr%C3%AAtons-marcher-t%C3%AAte-Marie-No%C3%ABlle-Besan%C3%A7on/dp/2708240684/ref=sr_1_2?s=books&ie=UTF8&qid=undefined&sr=1-2&keywords=marie+no%C3%ABlle+besan%C3%A7on

    Voici la 4ème de couverture:

    "Quelle est la place des personnes souffrant de troubles psychiques dans notre société ? De quels soins et de quelles aides peuvent-elles bénéficier ? La psychiatrie, chargée d'y répondre, est en crise, dit-on ; et depuis plusieurs années on s'efforce par des plans et des mesures successifs d'y remédier sans grand succès. Au point que l'on pourrait penser que la société marche sur la tête " et refuse de voir et d'entendre. Il est urgent de changer radicalement de perspectives. Ce livre, écrit par deux praticiens ayant une longue expérience de la psychiatrie publique, privée et associative, remet en cause les systèmes anciens pour oser des constructions nouvelles. La reconnaissance de la pleine citoyenneté des personnes souffrant de troubles psychiques est à la base de leur démarche. Il s'agit en effet de penser une organisation qui allie soins et vie sociale au coeur même de la Cité. Inspiré par l'expérience pionnière de l'association "Les invités au Festin à Besançon", enrichi aussi par celles - multiples - en France et en Europe, ce livre formule des propositions afin qu'advienne une psychiatrie citoyenne. La seule qui puisse redonner du sens aux pratiques des soignants, à la vie des soignés et à celle de leurs familles."

    Liens externes

    Article de psychologie magazine sur le sujet:

    http://www.psychologies.com/Planete/Portraits-de-femmes/Portraits/Marie-Noelle-Besancon-une-vie-avec-les-fous/10Pour-une-psychiatrie-citoyenne

    Voici le lien de quelques extraits de l'ouvrage "On dit qu'ils sont fous et je vis avec eux" dans Google book (actuellement indisponible dans le commerce):

    http://books.google.fr/books?id=N1FU__UUXXIC&pg=PA206&dq=on+dit+qu'ils+sont+fous&hl=fr&sa=X&ei=1UX1U5jGH-bC0QXj94HACw&ved=0CCEQ6AEwAA#v=onepage&q=on%20dit%20qu'ils%20sont%20fous&f=false

    Emissions de radio à écouter sur le sujet

    http://www.lesinvitesaufestin.fr/publications.html

    Contacter l'IAF

    Jean BESANÇON : Président de IAF réseau

    iafreseau@orange.fr

    portable : 06 81 35 39 80 ...................................................

    Marie-Noëlle BESANÇON : Présidente des Invités au festin

    marie-noelle.besancon@lesinvitesaufestin.fr ...................................................

    Laurence GARING : Accueil et secrétariat contact@lesinvitesaufestin.fr Tél : 03 81 88 90 30

    iafreseau@orange.fr

    D'eux on dit facilement qu'ils sont fous. C'est le mot qui vient aux lèvres dès que quelqu'un dérange ou ne nous ressemble pas tout à fait. On le dit aussi de moi et de mon mari parce que nous vivons avec eux. Eux, qui sont-ils? Des hommes et des femmes qui ont décroché, que l'accident, la maladie, une mauvaise configuration intérieure ou extérieure ont enfermé en eux. Cela les a conduits de médecins en hôpital ou en maison de soin, voire dans la rue, avec, par moments, un cerveau qui laisse échapper leurs pensées, les plongeant dans la confusion, les plongeant dans un autre monde où ils ne sont pas non plus chez eux. Ils le sont, je le crois, dans la Maison des sources que je partage, que je fais vivre avec eux."

    Marie-Noëlle Besançon- On dit qu'ils sont fous et je vis avec eux

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