•                                                                       Jeu vidéo et cognition

    Avec l’âge, nos capacités cognitives décroissent. Aucune surprise ici. Mais une équipe de chercheurs a la preuve expérimentale d’une technique thérapeutique qui peut inverser ce déclin : les jeux vidéos.

    En plus, ils ont trouvé une façon de stimuler directement le cerveau afin d’améliorer ses propriétés cognitives et ils ont créé un modèle numérique 3D, GlassBrain, dans lequel un neurologue et peut être vous-même pouvez voyager à l’intérieur de votre propre cerveau et commander ses fonctions interne en temps réel.

    Ce n’est pas n’importe quel jeu vidéo qui peut améliorer les capacités cognitives. L’équipe a créé des jeux vidéo spécifiques pour défier les utilisateurs en leur présentant de multiples flux d’informations dans un environnement disruptif, un scénario particulièrement difficile pour les personnes âgées.

    La recherche a été menée par Adam Gazzaley, directeur et fondateur de Neuroscience Imaging Center à l’université de Californie à San Francisco.

    Les chercheurs ont développé un jeu auquel on pouvait jouer tout en étant dans un IRM ou en portant un casque électroencéphalographique ce qui permet de surveiller l’activité du cerveau tout en jouant.

    Les données expérimentales produites par l’équipe de Gazzaley ont montré que le déclin cognitif est réversible. Des données issues d’un casque EEG à 64 canaux porté par les sujets de l’expérience ont montré qu’après un mois, les ondes cérébrales thêta associées aux activités d’attention, de contrôle cognitif et de mémoire de travail s’amélioraient jusqu’au niveau de celui d’un jeune de 20 ans.

    Cela a été publié dans la revue Nature en septembre 2013 et certains développeurs ont fondé une société, Akili Interactive Labs afin de créé et de vendre de tels jeux vidéo thérapeutiques.

    Le laboratoire de Gazzaley travaille actuellement à de nouveaux jeux vidéo et examine leurs effets sur d’autres troubles cognitifs, y compris la dépression, la démence, l’autisme, la schizophrénie et d’autres.

    Le laboratoire de Gazzaley : http://gazzaleylab.ucsf.edu/

    Le laboratoire de Gazzaley est un laboratoire de recherche en neuroscience cognitive à l'université de Californie à San Francisco, il se consacre à l'étude des mécanismes neuronaux de la mémoire de l'attention et de la perception et à la façon dont ces processus se modifient avec le développement de l'enfance, l'âge et la démence et comment nous pourrions intervenir de façon thérapeutique pour diminuer les déficits cognitifs.

    Le laboratoire utilise des techniques de pointe et des approches analytiques pour atteindre ses buts scientifiques et techniques en couplant les évaluations de performance, l'imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle, l'électroencéphalographie et la stimulation magnétique transcranienne. Récemment, le laboratoire a mis au point des jeux vidéo spécifiques couplé au neurofeedback et à la stimulation électrique transcrannienne pour améliorer les capacités cognitives.

    Adam Gazzaley

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  • Qui est Benedetti?

    C'est un psychiatre, psychanalyste, né en 1920 à Catane (Sicile) et mort à Bâle (en Suisse) en 2013. Il est professeur de psychothérapie à l'université de Bâle de 1956 à 1985, fondateur de l'école de psychothérapie des psychoses (Milan).

     

    La psychose et le processus d'individuation

    Les psychoses "font essentiellement partie, même si c'est sur un mode tragique, de l'individualité de l'homme et nous aide à comprendre celui-ci, tout comme, à l'inverse, le patient contribue s'il y a partage, à notre propre individuation." Benedetti La Folie en partage. La maïeutique, terme utilisé par Socrate, est l'art de faire accoucher les esprits qui peut être à l'origine de l'individuation. Cette notion renvoie à la réalisation de soi.

    Selon Benedetti, la schizophrénie mobilise chez l'individu psychotique l'angoisse existentielle qui gît en chaque homme. Cette angoisse, c'est celle de la naissance et de la séparation, de la perte de la fusion avec le monde, de la perte de la symbiose intra-utérine. Ce traumatisme fondamental participe à une nouvelle création du soi, lequel se constitue précisément grâce à ses pertes. La psychose, selon ce psychiatre," représente une contribution à la connaissance de l'homme."

     

    Quelles sont les situations fondamentales de la psychose?

    -la perte d'identité. L'identité, c'est le fait d'avoir des pensées qui n'appartiennent qu'à nous, c'est le sentiment d'être unique, de savoir que personne ne peut penser comme nous au même moment, que chacun a une pensée différente. Le problème de la schizophrénie vient du fait que l'individu ne connait pas ce processus "normal" que ses pensées n'appartiennent qu'à lui. D'autres personnes ou d'autres entités s'immiscent en lui.

    -l'autisme. Le psychotique voit en l'autre ce qu'il est lui: "Aussi bien son prochain que les idées, deviennent des éléments du sujet. Ce dernier se sent condamné à ne jamais rencontrer que lui-même." Benedetti. Il passe dans l'objet et s'y perd. C'est ce qu'on appelle la fusion. Benedetti rejoint finalement le concept de concernement développé par Henri Grivois: le patient est dans toutes les choses et toutes les choses sont en lui. Je deviens les yeux qui me regardent. J'ai le visage des gens que je rencontre, dira l'un d'eux. Je est un autre, affirmera Arthur Rimbaud. Le moi est détrôné ajoutera Benedetti. Il s'agit d'une "séparation verticale qui rompt tout rapport avec les autres hommes et qui, cliniquement, se manifeste par l'autisme." Il y a à la fois fusion d'avec le monde et séparation. Cette contradiction fait naître une angoisse que Benedetti qualifie de psychotique. En réalité, le moi est fragmenté, car ce qui se trouve séparé ce ne sont pas seulement ses représentations à l'autre, mais aussi ses propres sentiments liés à l'autre. Il ne refoule pas les éléments inconscients qui montent à la conscience pour les repousser, ces voix apparaissent alors dans la conscience sous forme de sons et de figures qui lui sont à la fois propres et étrangers. C'est ce que Benedetti appelle la "troisième réalité". Les deux premières étant la réalité extérieure et intérieure.

    -Le délire: selon Benedetti, "Le délire doit être considéré comme une communication codée adressée au milieu environnant et comme une tentative du patient pour dire quelque chose de lui-même en le dissimulant." Le patient parle de lui d'une façon allégorique. Selon le psychiatre, il faut prendre au sérieux cet irrationnel. Faire un effort incessant pour comprendre l'incompréhensible comme le ferait un oniromancien qui interpréterait un rêve.

    Photo de l'article: traduction de la citation de Gaetano Benedetti écrite en italien: "Quelle profession est celle-ci, la nôtre. Qui semble parfois centrée sur la capacité humaine d'absorber la douleur?"

    Bibliographie

    Un Homme comme vous -Patrick Coupechoux.

    La psychose représente une contribution à la connaissance de l'homme.

    Benedetti

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  • <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> Résumé  de la préface d'"Un homme comme vous" </figure>

    Un Homme comme vous de Patrick Coupechoux- Préface de l'ouvrage, rédigée par Pierre Delion en 2013

    L'importance d'une psychiatrie compréhensive

    Coupechoux développe l'idée d'une psychiatrie qui permette au patient de partager son désastre interne, pour l'aider à retrouver son chemin et l'y accompagner grâce à une relation psychothérapeutique.

    Le rôle de l'institution

    Coupechoux évoque une institution appelée "constellation transférentielle". Il parle de la fonction phorique celle que le soignant doit prendre en charge (sur ses épaules) jusqu'à ce que le malade dispose d'une autonomie suffisante. Cette psychiatrie doit rejoindre la philosophie et ne peut être détachée de la cité et de la politique.

    La folie touche à ce que l'homme a de plus profond en lui: son identité, sa raison, sa sécurité, sa vision du monde, ses repères. La folie dérange, car elle renvoie à l'homme l'image de son immense fragilité. Elle gêne également car elle a toujours représenté un danger pour l'ordre social tout comme la pauvreté et la marginalité.

    Des fous géniaux

    Coupechoux rappelle également que certains génies étaient fous comme Rimbaud, Nerval, Artaud, Van Gogh, Hölderlin, Strindberg. Ils ont marqué leur époque et apporté beaucoup à l'art.

    La désaliénation

    Il est important de détruire le vieil asile, car toute folie contient en elle une forme de créativité, un possible devenir à construire. La raison renvoie aux institutions dominantes tandis que la folie, c'est l'avenir, un élan vers un futur à construire. Il est essentiel de soigner le fou en l'intégrant à la vie de la cité et non le neutraliser, comme pourraient le faire les médicaments.

    L'auteur pointe cependant du doigt les failles de notre système psychiatrique et ses dangers. Il faut faire attention de ne pas résumer la psychiatrie aux seules pratiques sécuritaires, à son seul rôle d'enfermement. Elle doit s'ouvrir à l'autre et prendre racine au milieu de la cité.

    Psychiatrie et philosophie

    Patrick Coupechoux insiste sur la dimension humaine de la folie et sur la relation affective que le fou doit avoir avec la société en lui laissant le droit de n'être pas dans la norme. Considérer la dimension humaine de la folie, c'est accepter que la personne ne réponde pas aux injonctions d'insertion tout en ne l'excluant pas.

    Pour l'auteur de ce livre, journaliste et collaborateur du Monde diplomatique, la psychiatrie est une quasi-médecine philosophique.

    A chaque fois que l'homme contemporain envoie le fou au ban de l'humanité, c'est l'humanité même qu'il décrédibilise.

    Pierre Deliou

    L'homme est de plus en plus absent de la psychiatrie, mais peu s'en aperçoivent parce que l'homme est de plus en plus absent de l'homme.

    Henri Maldiney

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  • <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> Elyn Saks - autobiographie II </figure>

    J’ai sept ou huit ans, je me tiens dans le salon encombré de notre maison confortable, admirant le jour ensoleillé.

    « Papa, pouvons-nous aller à la cabane et nager ? »

    Il me répond d’un ton sec, « je t’ai dit que j’ai du travail, Elyn, et de toute façon, il va peut-être pleuvoir. Combien de fois dois-je te répéter la même chose ? Ecoutes-tu jamais ? »

    Mon cœur s’assombrit au ton de sa voix : je l’ai déçu. Puis quelque chose d’étrange se produit. Ma conscience (de moi-même, de lui, de la pièce, de la réalité physique autour et au-delà de nous) devient, tout à coup, trouble. Ou bancale. J’ai la sensation de me dissoudre. Je me sens – mon esprit se sent – comme un château de sable qui s’effondre dans les vagues.

    Que m’arrive-t-il ? C’est effrayant, par pitié, arrêtez-ça ! » Je me dis que peut être si je me tiens très tranquille, cela va cesser. Cette expérience est bien plus difficile et bizarre à décrire que la peur ou la terreur extrême. La plupart des gens savent ce qu’est la peur intense. S’ils ne l’ont pas ressentie eux-mêmes, ils ont au moins vu un film ou lu un livre ou parlé à un ami effrayé – ils peuvent au moins se l’imaginer.

    Mais expliquer ce que j’en suis venue à nommer la « désorganisation » est un bien plus grand défi. La conscience perd peu à peu sa cohérence. Son propre centre cède. Le centre s’effondre. Le « Moi » devient un brouillard et le centre solide d’où on perçoit la réalité se brise comme un signal radio défectueux. Il n’existe plus de point de vue solide pour observer, pour se saisir des choses, pour juger de ce qui se passe.

    Il n’y a plus de centre reliant solidement les choses les unes aux autres, donnant les verres pour voir le monde, pour raisonner et comprendre les risques. Des instants aléatoires se succèdent. La vue, les sons, les pensées et les émotions ne vont plus de pair. Plus aucun principe organisateur ne se saisit des instants successifs ni ne les assemble en un tout cohérent à partir duquel le monde prend sens. Et tout se passe au ralenti.

    Bien sûr, mon père ne s’est pas rendu compte de ce qui m’arrivait puisque tout était intérieur. Et, toute effrayée que je fus à cet instant, je sus intuitivement que je devais le lui cacher, à lui et à tout autre. Cette intuition – que c’était un secret à garder – tout comme les autres talents de cachette que j’appris pour gérer ma maladie, devinrent des composants centraux de mon expérience de la schizophrénie.

    Un matin, tôt, alors que j’avais environ dix ans, tous étaient partis de la maison pour un instant, et, pour quelque raison dont je peux plus me souvenir, je fus seule, à attendre leur retour. Il y avait un coucher de soleil et l’instant d’après, tout était sombre. Où étaient-ils tous ? Ils avaient dit qu’ils seraient de retour maintenant… Soudain, je fus absolument sure d’entendre quelqu’un forcer l’entrée.

    En réalité, ce n’était pas tant un bruit qu’une certitude, une sorte de conscience. Une menace. C’est cet homme, me dis-je. Il sait qu’aucun adulte n’est là, il sait que je suis seule ici. Que devrais-je faire ? Je vais me cacher dans cette armoire. Rester silencieuse. Respirer doucement. Respirer doucement.

    J’attendis dans l’armoire, saisie de terreur et entourée de noir, jusqu’au retour de mes parents. Cela dura sans soute une heure mais ce me parut une éternité. « Maman ! » dis-je en suffocant, alors que j’ouvris la porte de l’armoire et que je les fis tous deux sursauter. « Papa ! Quelqu’un est à l’intérieur. L’avez-vous vu ? Allez-vous bien tous les deux ? Pourquoi… pourquoi êtes-vous rentrés si tard ? »

    Ils se regardèrent simplement tous deux, puis mon père hocha la tête. « Il n’y a personne ici, Elyn » dit-il. « Personne n’est entré dans la maison. C’est ton imagination. » J’insistais cependant. « Non, non, je l’ai entendu. Il y avait quelqu’un. Va voir, s’il te plait. » Soupirant, mon père parcouru la maison. « Il n’y a personne ici. » Le ton n’était pas tant rassurant que méprisant.

    Mes sentiments de danger imminent ne cessèrent jamais, mais je n’en parlai plus jamais à mes parents. La plupart des enfants éprouvent ces peurs, dans une maison ou une pièce vides ou même dans une pièce familière qui parait soudain étrange quand la lumière s’éteint.

    Pour la plupart, ces peurs disparaissent avec l’âge, les autres parviennent d’une façon ou d’une autre à intercaler leur pensée rationnelle entre eux et le croque-mitaine. Mais je ne parvins jamais à le faire. Et, en dépit des compétitions vives avec mes frères, de mes bonnes notes, ou du sentiment de puissance que j’éprouvais à faire du ski nautique ou du vélo, je commençais à me rétrécir en moi-même, alors même que je grandissais.

    J’étais certaine que les autres se rendaient compte à quel point j’étais terrorisée, timide, inadaptée. J’étais certaine qu’ils parlaient de moi quand j’entrais dans une pièce ou quand j’en sortais.

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  • <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> Elyn Saks, Autobiographie extraits </figure>

    Quelques extraits traduits en français de l'autobiographie d'Elyn Saks, une Américaine, à la fois schizophrène et professeur en psychiatrie, un destin et une volonté exemplaires. Le livre n'a pas été traduit en français, c'est bien dommage.

    Chapitre 1

    Quand j’avais environ huit ans, il me devint soudainement nécessaire de faire des choses un peu différentes du souhait de mes parents. Il se développa en moi, faute d’un meilleur mot, quelques petites bizarreries. Par exemple, parfois, je ne pouvais pas quitter ma chambre sans que mes chaussures ne soient toutes alignées dans mon armoire. Ou sous mon lit. Certaines nuits, je ne pouvais pas éteindre la lampe de ma chambre sans que mes livres ne soient rangés sur mon étagère d’une certaine façon.

    Parfois alors que je me lavais les mains, il me fallait les laver une deuxième fois, puis une troisième fois. Rien de cela n’entravait ce que j’étais supposée faire – j’allais à l’école, je prenais mes repas, j’allais jouer. Mais tout cela réclamait une certaine préparation, une certaine… précaution. Parce qu’il était indispensable que je le fis. C’était simplement indispensable. Et cela pesait sur les nerfs de quiconque attendait à la porte de la salle de bain ou de la chambre. « Elyn, dépêche-toi, nous allons être en retard ! » ou « tu vas louper le bus ! » ou « tu as été envoyée au lit il y a quarante minutes ! » « Je sais, je sais » répondais-je, « mais je dois simplement faire encore cette chose et ensuite tout ira bien. »

    Peu après que ces petites bizarreries devinrent une part de ma vie, elles furent accompagnées de nuits emplies de terreur qui vinrent en dépit de toute l’organisation précautionneuse. Pas chaque nuit mais assez souvent pour que le coucher ne soit pas le bienvenu. Les lumières s’éteignaient et soudain, il faisait plus sombre dans ma chambre que je ne pouvais le supporter. Cela n’importait pas (si je pouvais simplement ignorer le bruit sourd de mon cœur) que je pus entendre la voix de mes parents à l’autre bout du couloir ; cela ne m’aidait pas de me rappeler que mon père était grand, fort et courageux. Je savais que quelqu’un se tenait de l’autre côté de la fenêtre, attendant le moment propice, pendant que nous dormirions tous, sans nous tenir sur nos gardes. Est-ce que l’homme va forcer l’entrée ? Que va-t-il faire ? Va-t-il tous nous tuer ?

    Après les trois ou quatre premières nuits de ce type, je réussis à trouver assez de courage qui me restait pour en parler à ma mère. « Je pense que quelqu’un s’est tenu à ma fenêtre, » dis-je d’une petite voix tremblante. « Dans le jardin, à attendre que toi et papa aillent vous coucher pour la nuit, afin qu’il puisse entrer et nous prendre. Ou nous faire du mal. Il faut que tu trouves quelqu’un qui le fasse partir. Que penses-tu d’appeler la police ? »

    Son expression était si douce qu’il m’était difficile de la regarder dans les yeux. « Oh, buby » - son mot tendre à mon égard – « Il n’y a personne dehors, il n’y a personne dans les buissons. Il n’y a personne pour nous faire du mal. C’est ton imagination. Humm, nous devrions peut être éviter de lire trop d’histoires avant d’aller au lit. Ou peut-être mangeons-nous trop tard et ton estomac joue des tours à ton cerveau. Ne fais pas la sotte. » En ce qui la concernait, cela se terminait là.

    J’essayais de la croire, j’essayais vraiment. Et je crachai le morceau à mon frère Warren lorsque nous étions tous deux seuls à la maison, nous essayions de notre mieux de nous rassurer mutuellement – ensemble, nous rassemblions notre courage et allions voir s’il y avait bien quelqu’un derrière la porte d’entrée. Et bien sûr, il n’y avait jamais personne. Mes craintes cependant ne disparurent pas et pendant longtemps, m’endormir me semblait être sombrer en un lieu de désespoir. Je le combattais chaque nuit, la tête sous les couvertures, jusqu’à ce que, finalement, le pur épuisement et un corps grandissant et fatigué m’emportent.

    J’ai sept ou huit ans, je me tiens dans le salon encombré de notre maison confortable, admirant le jour ensoleillé.

    « Papa, pouvons-nous aller à la cabane et nager ? »

    Il me répond d’un ton sec, « je t’ai dit que j’ai du travail, Elyn, et de toute façon, il va peut-être pleuvoir. Combien de fois dois-je te répéter la même chose ? Ecoutes-tu jamais ? »

    Mon cœur s’assombrit au ton de sa voix : je l’ai déçu.

    Puis quelque chose d’étrange se produit. Ma conscience (de moi-même, de lui, de la pièce, de la réalité physique autour et au-delà de nous) devient, tout à coup, trouble. Ou bancale. J’ai la sensation de me dissoudre. Je me sens – mon esprit se sent – comme un château de sable qui s’effondre dans les vagues. Que m’arrive-t-il ? C’est effrayant, par pitié, arrêtez-ça ! » Je me dis que peut être si je me tiens très tranquille, cela va cesser.

    Cette expérience est bien plus difficile et bizarre à décrire que la peur ou la terreur extrême. La plupart des gens savent ce qu’est la peur intense. S’ils ne l’ont pas ressentie eux-mêmes, ils ont au moins vu un film ou lu un livre ou parlé à un ami effrayé – ils peuvent au moins se l’imaginer. Mais expliquer ce que j’en suis venue à nommer la « désorganisation » est un bien plus grand défi.

    La conscience perd peu à peu sa cohérence. Son propre centre cède. Le centre s’effondre. Le « Moi » devient un brouillard et le centre solide d’où on perçoit la réalité se brise comme un signal radio défectueux. Il n’existe plus de point de vue solide pour observer, pour se saisir des choses, pour juger de ce qui se passe. Il n’y a plus de centre reliant solidement les choses les unes aux autres, donnant les verres pour voir le monde, pour raisonner et comprendre les risques.

    Des instants aléatoires se succèdent. La vue, les sons, les pensées et les émotions ne vont plus de pair. Plus aucun principe organisateur ne se saisit des instants successifs ni ne les assemble en un tout cohérent à partir duquel le monde prend sens. Et tout se passe au ralenti.

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