• Spiritualité et bipolarité: témoignage d'une lectrice du blog

    Les rédacteurs de ce blog tiennent à remercier chaleureusement Anne pour son témoignage concernant les rapports de l'Eglise à la maladie psychique (du moins dans sa paroisse), les souffrances que cela peut engendrer, quand la personne n'est pas accueillie à bras ouverts et sans préjugés. Il ne s'agit pas de jeter la pierre sur qui que ce soit, mais de faire entendre la souffrance et de faire comprendre que les personnes qui souffrent de troubles psychiques ont besoin de soutien et de compréhension, que chacun jette ses préjugés pour écouter l'autre, l'aimer et le soutenir. N'est-ce pas le rôle de l'Eglise?

     

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    Voici le témoignage d'Anne:

     

     

    "Entre les crises, ce qui est le plus dur pour moi est ce rejet à peine  voilé de l'Eglise que j'éprouve .Celui-ci n'est pas de la paranoïa, mon mari peut en témoigner car il  trouve cela injuste et anti-évangélique. J'ai moins de difficultés avec le monde profane car le fait que je  sois en invalidité n'est pas marqué sur mon front et j'ai la chance de pouvoir cacher totalement mon handicap (à part  peut-être les tremblements dus aux médicaments).


    Je vais en hôpital de jour une fois par semaine et là, je suis bien  accueillie. Entre les crises, je n'ai plus de symptômes psychotiques mais je me  déplace dans la vie comme une funambule à l'équilibre précaire. J'avoue que c'est parfois usant. En-dessous de mon "fil", c'est le  gouffre de la désintégration psychique. Les chutes me coûtent très  très cher en souffrance.
    La plupart des gens, ont a leur disposition une passerelle bien  solide avec des barrières de chaque côté pour traverser la vie, ils  sont protégés de la chute dans le gouffre du chaos psychique. Bien sûr, cela ne leur épargne pas de grandes  souffrances parfois mais celles-ci sont d'une autre nature.


    Grande est la méconnaissance de ces réalités et quand vous êtes  "psychotique-funambule" dans la vie, ça ne se voit pas forcément.Quand vous essayez de l'expliquer, vous avez l'impression de parler  chinois. Ce n'est pas forcément de la mauvaise volonté de la part de  l'interlocuteur, c'est un manque d'information générale qui induit de  façon indubitable que tout le monde se déplace sur des solides passerelles.

    Comment faire pour que l'Eglise (surtout en Europe) reconnaisse que,  les malades psychiques qui ont vécu des expériences de souffrance  extrême et qui se battent  comme il peuvent, avec l'aide médicale, ont aussi  besoin de soutien spirituel, fraternel, communautaire, tout comme les  personnes solides mentalement?


    Déjà, ne pas répondre à la personne qui vient se confier: "voyez avec votre psychologue, je ne peux rien faire pour vous." Combien de prêtres m'ont répondu cela!


    J'ai alors essayé d'édulcorer en ne parlant pas de mes tentatives de  suicide ou de mes séances d'électrochocs et de contention. La relation était alors biaisée et c'est moi qui ne souhaitais pas la  poursuivre.Ne faudrait-il pas que les prêtres soient informés mais aussi qu'ils  deviennent plus adultes, plus mûrs humainement et dans leur foi, à  savoir, qu'ils cessent l'attitude qui consiste à dire "Cachez cette souffrance  étrange que je ne saurais voir"?


    Notre exemple de foi par excellence est la Vierge Marie. L'Amour de  son fils a été plus fort que la vision d'horreur de sa crucifixion: elle est restée au pied de la Croix! Tout cela pour dire qu'il faut arrêter  d'être des chrétiens qui se débinent face à la souffrance de l'autre  et qui font de belles homélies sur l'amour du prochain, j'ajouterai "tant qu'il ne sort pas trop de la norme".

    Si vous entreprenez le pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle  par exemple, il est fort à parier qu'au retour dans votre paroisse,on sera très curieux de savoir comment il s'est déroulé et c'est bien  normal:
    -As tu vu de beaux paysages?
    -As tu changé spirituellement?
    -As-tu eu des moments de découragement?
    -Les ampoules aux pieds ne t'ont-elle pas trop fait souffrir?
    Raconte-nous, raconte-nous...

    Il n'en va absolument pas de même quand on fait hélas un pèlerinage  forcé dans l'antre de la désintégration psychique. L'accueil (dans ma paroisse du moins), n'est pas le même. C'est comme  si je m'étais parfumée au purin.

    Si je pouvais écrire aux prêtres, je leur écrirais:

    "N'ayez pas peur!  nous ne vous demandons pas de faire auprès de nous le travail de l'équipe médicale. Pour reprendre la comparaison des  funambules que nous sommes par rapport à vous qui évoluez sur de  solides passerelles, nous ne vous demandons pas de venir avec nous sur notre fil. Nous vous  demandons juste de nous donner la main de temps à autre, de nous  écouter, voire d'être curieux de connaître notre vécu, de nous donner le réconfort de frères  chrétiens, signe de l'Amour du Christ lui-même.
    Puissiez-vous également ne pas nous considérer comme des pauvres  personnes à aider mais comme des êtres que la souffrance a buriné et qui ont appris beaucoup de cela sur le plan existentiel et spirituel. Il y  a donc un échange à rechercher.

    ANNE"

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 18 Août 2016 à 21:19

    Ce témoignage est sincère et émouvant.

     

    Alain

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