• Une neuroscience de l'émotion

                                                      Quelles sont les racines neurologiques de l'émotion?

    La psychologie, cette petite fille de la philosophie et des sciences humaines a vu son champ d'étude dérivé pour aboutir aux sciences du cerveau. Richard Davidson, aux avant-postes de la recherche des racines neurologiques de l'émotion est directeur du laboratoire à l'université du Wiscousin, à Madison. Il fait ses études à la New York university et à Harvard où il obtient un doctorat. Au fil de sa carrière de chercheur, il s'est intéressé au lien qui existe entre l'émotion et le cerveau. Il est aujourd'hui titulaire des chaires William James et  Vilas Research en psychologie et en psychiatrie à l'université du Wiscousin.  Il a fait partie de l'équipe scientifique qui a mené des recherches neurobiologiques sur les aptitudes mentales extraordinaires des moines tibétains expérimentés.

    Richard Davidson, en compagnie du Dalaï Lama évoque les foyers cérébraux des émotions afflictives que les bouddhistes appellent les trois poisons: l'agressivité, l'avidité et l'illusion. A Harvard, Richard Davidson et David Goleman ont soutenu ensemble dans un article très pointu que l'exercice de l'attention vigilante par la méditation engendre des "effets de caractère", des transformations psychobiologiques durables et profitables, en raison de la plasticité du cerveau et des émotions. Il y aurait des connexions entre le cortex préfrontal et les centres de l'émotion, gisant tout au fond du cerveau limbique. Ce qu'on peut reprocher à l'étude cognitive, c'est qu'elle est aussi froide que le behaviorisme, elle a trop tendance à considérer que le cerveau fonctionne selon le modèle de l'ordinateur. Richard Davidson défend l'idée qu'il existe des connexions entre le cerveau et les émotions et il peut être considéré comme le fondateur des neurosciences affectives. Davidson a démontré sans conteste comment les lobes préfrontaux et le système limbique nous permettent de mêler la pensée au sentiment, la cognition à l'émotion. L'amygdale joue un rôle essentiel dans certains types d'émotions négatives, notamment la peur. L'hippocampe est essentiel aussi car il détermine notre appréciation du contexte des événements. Une des façons de savoir si quelqu'un souffre de troubles de l'émotion est de vérifier si ses émotions sont adaptées au contexte et si tel n'est pas le cas, il y a peut-être un dysfonctionnement de l'hippocampe.

    Parmi les plus frappantes découvertes des neurosciences, il y a le fait que ces régions, les lobes frontaux, l'amygdale et l'hippocampe se transforment en fonction de l'expérience vécue. Elles sont fortement influencées par l'environnement émotionnel dans lequel nous sommes élevés et par l'expérience répétée. Le fait d'être élevé dans un environnement affectueux et protecteur produit des changements objectifs vérifiables dans l'expression des gènes. Lorsque nous avons été élevés dans un climat affectueux, nous sommes plus aptes à développer à gérer nos émotions. Il a été démontré naissent tout au long de la vie de l'homme. Rien n'est donc jamais fatal. Les neurones neufs sont adaptés aux nouveaux acquis et à la nouvelle mémoire. Ces neurones continuent même de se développer chez les sexagénaires.

    Einstein racontait que lorsqu'il se mettait à réfléchir, des images lui apparaissaient et il faisait aussi ce qu'on appelle la synesthésie. C'est la fusion de différentes modalités sensorielles produisant du contenu mental. Einstein disait que ses idées ne lui venaient dans un premier temps que sous forme de visions; il ne les traduisait qu'après en mots. Il voyait d'abord les équations et les lois de la physique sous forme d'images. Apparemment, ce serait la région du lobe pariétal, le gyrus angulaire qui était le plus développé chez ce scientifique.

    Selon Richardson, l'esprit peut influencer le corps et nous permet de mieux comprendre l'effet des émotions non seulement sur notre santé mentale mais aussi physique. Tout porte à croire que les zones du cortex préfrontal gauche jouent un rôle important dans les émotions positives, tandis que celles de droite le font dans certaines émotions négatives. La santé mentale peut se mesurer sur la façon que possède un individu de se remettre plus ou moins vite d'une forte émotion. Il existe, selon Paul Ekman, une "période réfractaire". C'est le temps qu'il faut à l'esprit pour se défaire de l'emprise émotionnelle. Placés devant des images menaçantes, ceux qui reviennent le plus vite à l'état naturel sont ceux dont l'amygdale a été le moins activée, tant en intensité qu'en durée. La plupart d'entre nous secrètent un fort taux de cortisol dès qu'un événement stressant se produit, mais ceux qui se rétablissent plus vite présentent un taux de cortisol moins élevé.

    La colère peut se définir comme suit: une distorsion de la réalité, une déformation de la perception qui amplifie les aspects négatifs. C'est pourquoi elle est un poison. La pratique de la méditation peut permettre de surmonter cette émotion négative, en cultivant la joie, la foi et l'enthousiasme. La qualité essentielle pour vaincre un obstacle est la persistance.

    Le second poison pour l'esprit est l'avidité. Les anomalies de la dopamine semblent communes à toute forme d'avidité. La dopamine joue un rôle important dans le mécanisme de récompense et le plaisir qu'il suscite. Le plaisir cédant la place au désir, on veut davantage en n'appréciant moins. On ne cesse jamais de désirer et il nous en faut chaque plus pour obtenir une satisfaction égale. C'est l'un des principaux mécanismes du manque qu'on retrouve dans les formes de dépendance, ne serait-ce qu'à la cigarette et à la nicotine.

    Le troisième poison, c'est l'illusion. Ce sont les émotions afflictives qui troublent notre aptitude à clairement voir le monde. L'illusion implique une influence des circuits émotionnels du cerveau sur ceux de la perception des choses ou de l'appréhension du monde ainsi que sur les circuits de la pensée. Les personnes anxieuses et souvent inquiètes focalisent leur attention sur les signes évoquant une menace. L'illusion peut aller jusqu'à déformer la perception visuelle.

    En conclusion, il est donc important de se responsabiliser dans la gestion de nos émotions, d'agir pour nous-mêmes et pour les gens qui nous entourent. Richard Davidson insiste sur le fait que lorsqu'on développe certaines pensées ou émotions positives, on agit sur notre cerveau et on le transforme.

     

     

     

    Bibliographie

    Surmonter ses émotions destructrices- Daniel Goleman, chapitre 8, pp.321-362.

    « Comment éduquer nos émotions?Ronsard, la fureur poétique et la folie des protestants »
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