• La folie chez Ionesco et en particulier dans Rhinocéros

    <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> La folie chez Ionesco et en particulier dans Rhinocéros </figure>

    Ionesco, dans ses œuvres, et en particulier dans "Rhinocéros" parle de la folie destructrice des hommes, se référant plus particulièrement au nazisme. Dans cette pièce, appartenant au théâtre de l'Absurde, seul Bérenger, assez humble pour cela, peu regardant de son apparence physique, alcoolique, lutte contre le conformisme, appelée aussi folie générale.

    Le seul espoir pour l'homme d'échapper à la rhinocérite, à ce retour à l'antimorale et à l'état sauvage -que contient le mot "folie" dans son sens étymologique, puisqu'il vient de "folium" en latin qui veut dire "feuille"-, son seul espoir, c'est de RESISTER. Bérenger dira dans son monologue final: "Eh bien tant pis ! Je me défendrai contre tout le monde ! Ma carabine, ma carabine ! (Il se retourne face au mur du fond où sont fixées les têtes des rhinocéros, tout en criant :) Contre tout le monde, je me défendrai ! Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas !"

    Il est le seul à vouloir rester un homme, parce qu'il accepte de se laisser guider par son intuition et par son instinct, refusant la logique qui assèche et sépare les hommes les uns des autres, les faisant sombrer dans la folie. Il prend conscience du poids de sa responsabilité et de sa solitaire liberté d'être. Il est seul contre tous, mais il est resté humain.

    I-La folie dans Rhinocéros

    a)L'errance

    "Nos personnages sont dans l'errance, mais pas toujours." Ionesco

    Dans "L'homme valise" du même auteur, on parle d'errance pure. Rappelons que le verbe "errer" vient du latin "errare" qui signifie "aller à l'aventure", "se tromper" d'où "erroneus" "vagabond, qui est dans l'erreur". L'homme s'illusionne, s'aveugle si bien qu'il peut sombrer parfois dans la folie, la divagation, l'illusion du monde. Seuls la clarté, la résistance et le courage peuvent venir à bout de cette folie destructrice. "Courage" vient du latin "cor, cordis" qui signifie "cœur". Etre courageux, c'est trouver la force de se battre avec son cœur, en puisant l'énergie dans le siège de ses émotions positives, de ses désirs les plus profonds. Ce n'est qu'en écoutant son cœur qu'on parvient à bout de toutes les manipulations de la raison, de toutes ses dérives et divagations.

    b)La rhinocérite: un accès de folie

    Tous les personnages qui se transforment en rhinocéros sont très attirés par la logique, par la Raison. Ils écoutent les raisonnements qu'on leur fait, en les récitant sans demander l'adhésion de leur coeur. L'équilibre entre sentiment et raison n'est pas présent. Prenons pour exemple le personnage de Dudard, sous-chef de bureau, universitaire, juriste qui emploie le raisonnement de façon a priori positive. Pourtant, de sympathisant passif, il devient sympathisant actif des rhinocéros. Il adhère peu à peu à la fascination que l'idéologie de masse exerce sur lui. Son problème, c'est qu'il s'aveugle, qu'il refuse d'agir, qu'il ne veut pas reconnaître le danger que présentent les rhinocéros. Dudard, peu à peu, n'a plus la force de leur résister, leur nombre écrasant l'attire. Il refuse d'être un extravagant, d'être dans le camp minoritaire si bien qu'il se métamorphosera en rhinocéros.

    Bérenger se questionne sur la transformation de Jean en Rhinocéros. Il en parle à Dudard qui ne s'inquiète pas. La rhinocérite est un accès de folie, un mal nerveux, celui de la fascination pour la masse. On retourne à l'état sauvage, à "l'antimorale" comme l'explique Jean lors de sa métamorphose, mais on oublie de rester un homme.

    II-La vie: une farce tragique

    Plusieurs citations d'Ionesco

    Ionesco dans une interview qu'il a donnée affirme: "La seule consolation au malheur d'être né, c'est quand même l'amitié.'

    • "La création est peut-être une farce que Dieu a jouée à l'homme."
    • "Le monde ne peut plus exprimer son angoisse: ni action, ni intrigue, car nos personnages sont des personnages dérisoires."
    • "Nos personnages sont dans l'errance. Mais pas toujours. Un espace sans espace. Un temps sans temps."

    On peut donc rire du dérèglement de notre langage et de nos actions, mais on rit jaune. Ionesco aimait qu'on rie un peu de ses pièces, mais pas trop, car c'est de lui qu'il parlait et il avait le sentiment alors qu'on se moquait de lui. L'homme est dérisoire, car il vit dans l'illusoire. Le théâtre permet une prise de conscience réaliste du monde. Ce dernier est absurde, incohérent et étrange, surtout lors de l'émergence des totalitarismes. Le langage est quant à lui bizarre, insolite et banal. Il mime les bavardages qui représentent des mots qui ne disent rien, qui sont du silence bruyant. Le langage est éclaté, la raison s'est égarée, c'est la folie qui envahit l'espace humain. Elle est souvent le résultat d'actions sociales déviantes. Elle ne concerne pas seulement l'individu qui en est touché, mais la majorité.

    En conclusion, on peut reprendre la phrase de Jacques Lemarchand qui dit que "[ce théâtre viole constamment "la règle du jeu". Il est pourtant le contraire d'un théâtre de tricheur." Tous les préjugés, les certitudes sont remises en cause. L'évidence est questionnée et semble source de confusion. Dans cette pièce, Ionesco refuse le grégaire social qui a conduit aux deux folies totalitaires que sont le nazisme et le communisme. Laissons le mot de la fin à l'auteur lui-même: "Rhinocéros est une fable où les hommes abdiquent leur humanité et se transforment en rhinocéros. Les hommes n'ayant plus de croyances et n'ayant plus d'idéologies sont la proie des fanatismes collectivistes ou autre qui remplacent une philosophie ou une métaphysique."

    Photo représentant la transformation d'un homme en rhinocéros, extraite de la mise en scène d'Emmanuel Demarcy-Mota.

    La création est peut-être une farce que Dieu a jouée à l'homme.

    Ionesco

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