• Désir mimétique, violence et folie (René Girard)

    <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> Désir mimétique, violence et folie (René Girard) </figure>

    Si l'on considère que la folie est une forme de déraison, d'absence de maîtrise de nos émotions négatives qu'on ne parvient plus à contenir tant la pression intérieure est forte, on peut songer que la violence est donc une forme de folie. René Girard, célèbre penseur moderne, met en avant l'existence du désir mimétique ou triangulaire: on désire ce qu'un tiers brûle d'avoir. Pour "régler" ce problème, on désigne un bouc-émissaire qui est symboliquement celui qui porte tous les malheurs des hommes et qu'on exclut dans le désert. Il représente l'innocence sacrifiée.

    Dans l'éditorial du hors-série de Philosophie Magazine consacré à René Girard, datant de novembre 2011 et rédigé par Sven Ortoli, rédacteur en chef, on peut lire:

    Au cœur des ténèbres

    " René Girard: voilà un penseur qui a consacré sa vie à une idée, une seule, de taille mythologique: chez les êtres humains, le désir naît, vit et meurt de l'imitation. Caïn, l'agriculteur, désire l'attention de Yahweh dont bénéfie Abel, le pasteur. Autrement dit-théorème de Girard-, il n'y a de désir que triangulaire. Au premier abord, l'idée est quasi urticante: "Comment, je ne désirerais, moi, que ce qu'un autre désire? Mais je n'ai pas besoin d'un tiers." Et pourtant, regardez autour de vous: ce petit garçon qui réclame à cor et à cri ce que sa grande sœur a obtenu, ce marché financier qui gonfle ou se rétracte, cette marque que tout le monde s'arrache, n'y a-t-il pas là du désir mimétique? Toutefois, ce n'est pas dans la vie quotidienne que René Girard a entamé et son œuvre et sa démonstration. L'Avignonnais a puisé chez les meilleurs observateurs du comportement des hommes, les grands romanciers. Car du vaniteux au snob en passant par l'idôlatre, Stendhal, Dostoïevsky, Proust, Cervantes et Shakespeare offrent chacun de romanesques traités du désir mimétique sous toutes ses coutures. Ici, c'est Monsieur de Rênal qui veut s'offrir un précepteur dont il suppose que Valenod son rival, veut le chiper.

    Mais que se passe-t-il lorsque le désir déborde et que la rivalité dans son sillage ne se contient plus? Alors, Caïn tue Abel. D'où la deuxième étape de la pensée girardienne: pour contenir la rivalité mimétique, pour éviter en somme qu'une réaction en chaîne divergente ne conduise à la violence la plus totale, l'humanité a inventé un mécanisme salvateur, une stratégie de convergence, celle du bouc-émissaire. La communauté désigne un coupable: l'homme qui passait par là au mauvais endroit au mauvais moment. Depuis Œdipe, explique Girard, tous les mythes nous racontent le meurtre salvateur de celui (ou celle) qui a été choisi au hasard et autour duquel se réconcilie provisoirement la société. Seulement voilà, conclut-il dans la troisième étape de sa pensée: le christianisme est passé par là, et avant tout Jésus, celui par qui le scandale est arrivé, puisqu'il a dévoilé l'innocence du bouc-émissaire. Fait majeur, ajoute Girard: le bouc-émissaire ne joue son rôle que lorsqu'il est coupable dans la tête des accusateurs. Dès lors qu'il est innocenté, il ne produit pas les mêmes effets.

    Fait majeur réjouissant et inquiétant à la fois, car nous n'avons pas, en tout cas pas encore, appris à la fois à nous passer des boucs-émissaires et à contenir la violence."

     

    René Girard place le désir mimétique comme l'essence du désir humain que l'on retrouve aussi bien chez le snob, l'enfant (qui veut la même chose que son frère ou sa sœur), les fashion victims et les Dom Juan. Selon René Girard, le mécanisme mimétique procède en trois temps: désir, rivalité, crise.

    Les étapes sont les suivantes:

    -la crise (maladie, famine, meurtres en série)

    -la désignation du bouc-émissaire (l'étranger, le malade, le réprouvé ou le malchanceux)

    -le meurtre du bouc et la fin de la crise: la violence a contenu la violence.

    -La paix est retrouvée grâce au bouc-émissaire qui est ensuite divinisé, mythifié grâce à un récit.

    Le bouc-émissaire est comme le pharmakon grec, à la fois le mal et le remède, haï et divinisé. Il est simultanément le coupable et celui qui a permis de résoudre la crise sociale.

    On peut regretter aujourd'hui que les gens atteints de maladie mentale soient désignés comme des boucs-émissaires. Cela est la cause de bien des maux, puisque cette attitude engendre de la violence vis-à-vis de l'être en difficulté. Au lieu de développer la solidarité, on sacrifie celui qui dérange car il est trop différent et que son attitude ne s'explique pas -comme ce fut le cas pour le Christ-. Jésus-Christ révèle en mourant son innocence et celle de tous les boucs-émissaires qui l'ont précédé.

    Pour qu'un vaniteux désire un objet il suffit de le convaincre que cet objet est déjà désiré par un tiers auquel s'attache un certain prestige.

    René Girard "Mensonge romantique et vérité romanesque"

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