• Citation de Proust sur le chagrin, extraite du "Temps retrouvé"

          Car le bonheur seul est salutaire pour le corps, mais c'est le chagrin qui développe les forces de l'esprit.

    Marcel Proust Le Temps retrouvé

    Armand Guillaumin (peintre impressionniste)

          Marcel Proust explique dans Le Temps retrouvé   que seul l'art et en particulier la littérature lui ont permis d'avoir accès à l'éternité: "la vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c'est la littérature". Cet art littéraire a permis à Marcel Proust atteint d'un mal profond, d'une maladie respiratoire dont il n'est jamais vraiment sorti, de communier avec l'essence de son être, touchant l'éternité. Mais comme il l'explique la douleur, la souffrance de la maladie l'ont forcé à travailler sur lui, pour toucher son véritable moi: "acceptons le mal physique qu'il nous donne, par la connaissance spirituelle qu'il nous apporte".  Et il poursuit: "L'imagination, la pensée peuvent être des machines admirables en soi, mais elles peuvent être inertes. La souffrance alors les met en marche."

          Cette douleur permet d'arracher les mauvaises herbes de l'habitude, du scepticisme, de l'indifférence, de l'égoïsme et de l'amour-propre. Les idées changent alors la souffrance en joie: "Les idées sont des succédanés des chagrins; au moment où ceux-ci se changent en idées, ils perdent une partie de leur action nocive sur notre cœur, et même, au premier instant, la transformation elle-même dégage subitement de la joie."

         Ainsi, mettre les bons mots sur des situations douloureuses possède des vertus curatives: on ne souffre plus de la situation, on en sort. Analyser les chagrins qui nous assaillent avec intelligence est salutaire. Savoir dire le monde, être capable d'en atteindre la justesse par le Verbe, c'est sortir de l'ignorance dans laquelle on se trouve et accéder à l'éternité. Ce n'est plus le temps des egos, temps perdu, temps capricieux et aléatoire qui se profile devant nous, temps des gens du monde, des oisifs si longuement décrits dans l'œuvre de Proust, mais un temps infini, celui où l'âme est connectée à son essence. Si les bouddhistes touchent à la nature fondamentale de l'esprit par la méditation, les artistes, et Proust en particulier y accèdent par l'art. Il existe plusieurs chemins pour arriver au même but: toucher l'éternité.

        En conclusion, ces citations évoquant la douleur comme un moyen de progresser, d'avoir accès à une réalité plus profonde, plus essentielle, peuvent finalement rassurer ceux qui sont malades ou l'ont été. Bien sûr, en sortir, c'est être capable d'écouter cette petite voix divine ou cette part de nous restée enfouie et qui ne demande qu'à jaillir. Comme l'explique Proust dans la citation liminaire, le chagrin a des vertus: il permet de devenir plus fort spirituellement. C'est une première consolation. Combattre la maladie, le Mal qui nous étreint n'est possible qu'en se connectant à notre vrai moi, qu'en apportant un peu plus de lumière intérieure à notre âme, par le biais de l'intelligence qui rend toute sensation plus claire- en sachant cependant que le jaillissement de l'émotion positive précède son explication-. Voilà la leçon que Proust nous offre à travers le récit de ses observations et de son expérience, exprimé dans ce "roman vrai" comme le nomme Jean-François Revel, "cette autobiographie créatrice", "ce long roman d'introspection".

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