• Les méfaits de la mauvaise foi

     

    Il y a un écart chez l'homme entre la conscience de ce qu'il est (être pour soi selon Sartre), ce qu'il cherche à s'expliquer rationnellement et ce qu'il est réellement, ce qui constitue son essence (être en soi). Or, cette dichotomie, cet écart est constitutif de sa mauvaise foi, de cette malhonnêteté parfois qu'il a à se définir autre que ce qu'il est. Il se ment à lui-même, il surjoue, il s'invente un rôle ou un monde qui serait le sien et auquel il croit, mais il s'illusionne, il est de mauvaise foi. Cette illusion, poussée à l'extrême, peut devenir « folie », à savoir « excès » et conduire à des troubles plus ou moins graves, en fonction du degré où est poussée cette illusion. L'être peut alors vivre dans un ailleurs, un monde parallèle complètement coupé du réel et surtout, il se coupe de son essence, de cette énergie qui peut lui permettre d'exister et de vivre bien.

     

    S'inventer autre que ce que l'on est et ne pas reconnaître la réalité, c'est s'illusionner, se tromper, être de mauvaise foi. Cela conduit évidemment à bien des souffrances, puisque le corps n'a d'autres moyens de crier son malheur qu'en souffrant, un peu comme un nourrisson qui n'a pas la parole et qui ne s'exprime que par des pleurs. Le corps crie, mais la conscience n'écoute pas toujours : c'est la mauvaise foi qui conduit parfois au pire, à une souffrance terrible liée au fait d'être coupé de son être, de son essence, seule source de bien-être et d'énergie bienfaitrice.

     

    Voilà comment Sartre définit la mauvaise foi (voir ci-dessous). Il ne la pousse pas à un degré de folie maximale, mais il montre combien cette attitude est peu philosophique et donc peu sage, puisque la philosophie est l'amie de la sagesse. La mauvaise foi est une forme de malhonnêteté envers soi-même et envers les autres qui peut engendrer une forme de duplicité et de mensonges qui ont des conséquences extrêmement néfastes sur l'entourage et plus largement sur le bon fonctionnement de la société si l'on en croit l'effet papillon. Le simple battement d'ailes d'un papillon peut engendrer des conséquences terribles dans le monde. Dans la nouvelle de science-fiction de Ray Bradbury « Un coup de tonnerre », un voyageur du temps écrase un papillon au Jurassique et cette négligence entraîne des conséquences dramatiques 60 millions d'années plus tard. Ne pourrait-on pas transposer cet exemple à notre mauvaise foi individuelle qui engendre bien des dégâts dans le monde ?

     

     

     

     

     

                                                                                                      

                                            La mauvaise foi, selon Sartre

     

     

     

     

    Article de Philomag (23/06/2006)

     

     

     

     

    Derrière le verre épais de ses lunettes, Sartre considère  le garçon de café qui joue un rôle: « Il a le geste vif et appuyé, un peu trop précis, un peu trop rapide, il vient vers les consommateurs d’un pas un peu trop vif, il s’incline avec un peu trop d’empressement, sa voix, ses yeux expriment un intérêt un peu trop plein de sollicitude pour la commande du client, enfin le voilà qui revient, en essayant d’imiter dans sa démarche la rigueur inflexible d’on ne sait quel automate, tout en portant son plateau avec une sorte de témérité de funambule [...]. Toute sa conduite nous semble un jeu [...]. Il joue, il s’amuse. Mais à quoi joue-t-il ? Il ne faut pas l’observer longtemps pour s’en rendre compte : il joue à être garçon de café. »

    On l’aura compris : ce bonhomme en fait trop, il « en rajoute ». Son comportement est redondant. Il cherche à se persuader lui-même qu’il se confond si parfaitement avec sa fonction qu’il est sa fonction. Or il n’est pas, par essence, garçon de café. En fait, son essence lui échappe. Il ne peut avoir conscience que de son existence, ce surgissement contingent et aléatoire dans le monde des vivants.

    En revanche, le plateau que porte si lestement notre serveur est, lui, bel et bien un plateau, un être-en-soi. Sa réalité est massive, univoque, incontestable, sans intériorité ni devenir. Il est fermé sur lui-même ; sa forme et sa fonction sont déterminées. Ce plateau est en lui-même ce qu’il est, rien que ce qu’il est et tout ce qu’il est.

    Si le plateau est, le serveur, lui, existe. Il est un être-pour-soi, une conscience. La conscience n’a ni forme, ni contenu, ni fonction : elle est pur néant et pure liberté. Une ouverture béante sur le monde, un gouffre vertigineux et angoissant. Elle n’existe que par le mouvement constant qui la porte, au-delà d’elle-même, à se projeter dans le réel pour en intérioriser quelques bribes décousues. L’homme, parce qu’il est un être conscient, n’a donc pas d’essence, pas de stabilité, pas de pérennité. Il est condamné à n’être jamais ce qu’il est. Mais qui peut se résigner à n’être rien ?

    Le rêve de toute conscience est de coïncider avec elle-même, de se donner la consistance indubitable d’une chose et d’abolir ainsi son angoissante liberté. C’est ce que Sartre appelle la mauvaise foi. Par sa conduite exagérément stéréotypée, le serveur veut s’arroger une essence pour échapper à son propre néant. Il « se la joue » garçon de café, comme d’autres jouent au policier irréprochable ou à l’employé modèle, pour se consoler du sentiment de leur propre vacuité.

    Mais voilà que Jean-Paul se lève pour saluer Simone. Ensemble, ils vont jouer à être Sartre et Beauvoir au Flore ou à la Coupole. 

     

    Trois notions-clés

    Etre-en-soi
    C’est l’essence même d’une chose. Dans le cas du verre ou du plateau, l’être-en-soi est facile à définir, c’est l’objet lui-même. Cependant, l’être-en-soi d’un homme, ce qu’il est vraiment, n’apparaît… qu’à sa mort.
     Etre-pour-soi
    C’est la capacité à se connaître soi-même. Les objets n’ont pas d’être-pour-soi. Dans le cas d’un homme, on pourrait dire que son être-pour-soi, c’est sa conscience de lui-même.
     La mauvaise foi
    Pour Jean-Paul Sartre, c’est le propre de l’homme que d’être capable de mauvaise foi, c’est-à-dire de se mentir à lui-même sur ce qu’il est vraiment. La conscience (l’être-pour-soi) peut être en décalage avec l’essence (l’être-en-soi).

    Par Olivia Gazalé

     

    Lien externe

     

    http://www.philomag.com/les-idees/exemples/jean-paul-sartre-et-le-garcon-de-cafe-5708

     

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