• Le Temps retrouvé des paradis perdus

     

     

    Le temps retrouvé

     

     

    « La grandeur de l'art véritable, au contraire, de celui que Monsieur de Norpois eût appelé un jeu de dilettante, c'était de retrouver, de ressaisir, de nous faire connaître cette réalité loin de laquelle nous vivons, de laquelle nous nous écartons de plus en plus au fur et à mesure que prend plus d'épaisseur, d'imperméabilité la connaissance conventionnelle que nous lui substituons, cette réalité que nous risquerions fort de mourir sans l'avoir connue, et qui est tout simplement notre vie. La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule par conséquent réellement vécue, c'est la littérature ; cette vie qui, en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l'artiste.Mais ils ne la voient pas, parce qu'ils ne cherchent pas à l'éclaircir. »    Le Temps retrouvé, Marcel Proust

     

     

     

     

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    A Malcielo, personnage fictif de cette nouvelle, inspiré d'un personne réelle, transformée par les élans de mon imagination.

     

     

     

     

     

    « Aux mines de sel de Salsbourg, on jette dans les profondeurs abandonnées de la mine un rameau d’arbre effeuillé par l’hiver : deux ou trois mois après, on le retire couvert de cristallisations brillantes. Les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grandes que la patte d’une mésange, sont garnies d’une infinité de diamants mobiles et éblouissants. On ne peut plus reconnaître le rameau primitif. Ce que j’appelle cristallisation, c’est l’opération de l’esprit qui tire de tout ce qui se présente, la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections. En un mot, il suffit de penser à une perfection pour la voir dans ce que l’on aime. » 

     

     

     De L'Amour, de Stendhal

     

     

     

     

     

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    La naissance 

     

     Malcielo était un petit garçon rubicond, à la peau douce et sensible. Il était né dans les rues agitées de Paris, dans un quartier bourgeois et huppé. Entre angoisse et joie, il avait vu le jour dans cette antre orgueilleuse et hautaine où l'art cependant a donné ses plus beaux fruits. Entre lumière et décadence, il avait ouvert les yeux sur un monde bipolaire, fait de hauteurs et de chutes, de vertiges et de néants. Et pourtant, un ange avait posé sa tête sur ce bébé encore rose et lui avait murmuré à l'oreille qu'il le protégerait toujours, car c'était un enfant de l'Amour. Dieu l'avait crée et l'Aimait, malgré tout, malgré Lui, malgré la vanité et le désespoir, malgré la mort et la destruction des choses. Cette lumière tombée du ciel souhaitait le couvrir de sa chaleur, s'il ne se révoltait pas, s'il acceptait la grâce de la vie dans un cœur tendre et doux. On l'avait prénommé Mal-Cielo, car son être encore innocent contenait les deux faces de l'humanité : l'attirance vers le mal et l'ascension vers les cieux, il cielo, comme on le nommait en italien.

     

     

    Les épreuves de la vie

     

    Aujourd'hui tes souvenirs sont plus lourds que des rocs, ils pèsent dans ta conscience, pleine d'ecchymoses. Tes doutes, tes choix erronés, mais aussi ceux du monde qui t'entourent tournent en rond dans ton esprit fatigué, vidé, trituré et compressé par les douleurs de la vie. Sans fin, tu repasses l'histoire de tes frissons, de tes transes paranormales aux couleurs sidérales. Tes délires psychédéliques te hantent jour et nuit, ils se transforment en cauchemars, terribles traquenards de ta conscience en ruine. Ton esprit est un prisme reflétant les multiples tendances contradictoires de ton époque que tu ne parviens pas à résoudre, conduit vers l'aporie. En effet, la seule force unificatrice et bienfaisante, c'est l'Amour, mais tu le refuses, car cela remettrait en cause tout un système auquel tu es habitué. Il faudrait tout rénover, tout repenser et avoir le courage de reconstruire sur des bases solides.

     

      Tel un Minotaure, tu cries famine et cherche à te nourrir de vies auxquelles tu n'accordes aucune importance. Vies sur lesquelles tu t'acharnes pour alléger faussement le poids de ces forces destructrices qui grondent en toi telles l'apocalypse, objets de ta haine, des injustices que tu as a gardées au cœur de ta chair et qui ont pourri comme des aliments en décomposition. Mais Minotaure, tu ne le devins pas seul. Ton père, Minos, en violant les lois du sacré, celles du Dieu Poséidon, précipita ta chute. Trop orgueilleux, il piétina les forces divines qui auraient pu te soutenir. Il te conduisit très vite dans le labyrinthe de Dédale dans lequel il t'enferma pour tenter d'endiguer toute cette violence produite par tant d'erreurs dont tu n'es pas totalement responsable, puisque c'est tout un système que tu représentes. Ton père, Minos, refusa d'offrir en sacrifice au souverain des mers, ce superbe animal, ce taureau blanc, qu'il avait obtenu gracieusement du Dieu Poséidon afin d'accéder au pouvoir. C'est à travers Pasiphaé, ta mère,  que Poséidon se vengea du peu de loyauté de ton père. Tel un Icare moderne, tu sombras dans le précipice des émotions négatives et d'une vie cauchemardesque.

     

      Toi, Minotaure, soumis à tes pulsions instinctives, tu manges tout ce qui t'approche en le détruisant et t'anéantissant dans le même temps. Il te faut pour retrouver la lumière céleste parcourir le labyrinthe de ton inconscient, combattre tes pulsions primitives pour retrouver ce temps éternel du jardin d'Eden où tout poussait à merveille , où l'être sans entraves s'épanouissait dans sa divinité. 

     

     

    Le temps retrouvé des paradis perdus

     

    Mi-homme, mi-bête, quand retrouveras-tu les attributs qui t'ont vu naître, beau Malcielo, à l'allure tauresque? Tu naquis un beau jour de printemps, dans la douceur des fleurs enchanteresses, au beau milieu d'odeurs au parfum léger, sous le signe du taureau. Sensuel et séduisant, à l'image de l'animal, tu te nourris de sa force divine et charismatique. Il ne reste plus aujourd'hui qu'à en exorciser les forces obscures.

     

    Bel ange, tu sais être doux, ouvert, juste et généreux. Cette partie de toi ne devrait plus appartenir à ce paradis perdu, mais à ce temps retrouvé où l'art transformera et cultivera les meilleures graines de ton être pour en faire jaillir les collines et les vallées du bonheur, où tout à l'heure, je te retrouverai, au beau milieu d'un jour de mai aussi frais qu'une rose éclose, dans la beauté de ces amours gaies et enchantées aux reflets moirés.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    « Prière espoirQuand l'amour propre peut nous faire perdre notre discernement...(Pascal, Les Pensées) »
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