• Afficher l'image d'origine Buste d'Hadrien, empereur romain du II ème siècle après Jésus Christ (76-138 après Jésus Christ)

    Hadrien, célèbre empereur romain, né à Italica en Espagne et mort à Baïes (station balnéaire de l'empire romain, située actuellement en Italie et se nommant Baia) a souffert d'une maladie: l'hydropisie du coeur. Marguerite Yourcenar dans les mémoires qu'elle lui fait rédiger, laisse méditer l'empereur sur les souffrances que lui impose ce mal dans le dernier et 6ème chapitre, intitulé "Patientia" (p.299, édition Gallimard, folio, 1974), qui signifie "supporter la douleur" en latin. Laissons parler la voix de l'empereur passant au travers de celle de Marguerite Yourcenar.

     

    "On voulait mourir; on ne voulait pas étouffer; la maladie dégoûte de la mort; on veut guérir ce qui est une manière de vouloir vivre. Mais la faiblesse, la souffrance, mille misères  corporelles découragent bientôt le malade d'essayer de remonter la pente: on ne veut pas de ces répits qui sont autant de pièges, de ces forces chancelantes, de ces ardeurs brisées, de cette perpétuelle attente de la prochaine crise. Je m'épiais: cette sourde douleur à la poitrine n'était-elle qu'un malaise passager, le résultat d'un repas absorbé trop vite, ou fallait-il s'attendre de la part de l'ennemi à un assaut qui cette fois ne serait pas repoussé? [...] Durant les soupers de Tibur, je redoutais de faire à mes invités l'impolitesse d'un soudain départ; j'avais peur de mourir au bain, ou dans de jeunes bras. Des fonctions qui jadis étaient faciles, ou même agréables, deviennent humiliantes depuis qu'elles sont devenues malaisées; on se lasse du vase d'argent offert chaque matin à l'examen du médecin. Le mal principal traîne avec soi tout un cortège d'afflictions secondaires: mon ouïe a perdu son acuité d'autrefois; hier encore, j'ai été forcé de prier Phlégon de répéter toute une phrase: j'en ai eu plus de honte que d'un crime. Les mois qui suivirent l'adoption d'Antonin furent affreux: le séjour de Baïes, le retour à Rome et les négociations qui l'accompagnèrent avaient excédé ce qu'il me restait de force. L'obsession de la mort me reprit, mais cette fois, les causes en étaient visibles, avouables; mon pire ennemi n'en aurait pu sourire. [...]tout malade est un prisonnier. Je ne me sens plus la vigueur qu'il faudrait pour enfoncer la dague à la place exacte, marquée jadis à l'encre rouge sous le sein gauche; je n'aurais fait qu'ajouter au mal présent un répugnant mélange de  bandages, d'éponges sanglantes, de chirurgiens discutant au pied du lit." 

     

     

    Afficher l'image d'origine Baïes, ville où mourut Hadrien, elle est représentée par Turner ici. 

     

    Voici la chanson d'Hervé Cristiani, intitulé "Antinoüs" et évoquant le favori de l'empereur, mort à 20 ans

     

     

     

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  • Hooded Man In Dark Corridor : Photo

     

    "Dans la nuit noire de l'âme, il est toujours trois heures du matin."

    Francis Scott Fitzgerald, La Fêlure

     

    Commentaire personnel de la citation

    Le temps est ce que nous en faisons. Nulle issue, nulle lumière à qui ne la cherche, à qui ne tente de sortir de ce long tunnel du néant pour aller vers la clarté des cieux. Il est toujours trois heures du matin. L'horloge est mise sur arrêt. L'enfermement dans le néant est un terrible supplice qu'il faut tenter de vaincre par la foi en soi et en une dimension plus grande que nous-mêmes qui n'est autre que l'infini de l'être.

     

    Sur Francis Scott Fitzgerald, extrait de "La nuit noire de l'âme" (Le Magazine littéraire)

     

    Avec La Fêlure , Scott Fitzgerald livre la confession poignante, à mi-chemin de l'essai et de l'autobiographie, d'une banqueroute sentimentale, artistique et existentielle.

    En 1936, Francis Scott Fitzgerald n'a que quatre ans à vivre et il est au plus fort de la dépression et de l'alcoolisme. Lui qui dans la décennie 1920-1930 avait été adoubé porte-parole d'une génération, fêté comme l'écrivain de l'« âge du jazz » et des années folles, n'est plus que l'ombre de lui-même. Le temps où il défrayait la chronique sur la Côte d'Azur avec sa femme Zelda et menait un train de vie aussi luxueux qu'extravagant dans les suites parisiennes du Ritz, le temps de l'amour heureux, des fastes et de l'argent facile, est désormais loin. Agé de trente-neuf ans, l'ex-auteur à succès est un homme fini, usé par la schizophrénie de son épouse « J'ai perdu ma faculté d'espérer sur les petits chemins qui mènent à l'asile de Zelda » et les éreintements critiques de Gatsby le Magnifique et de Tendre est la nuit , aujourd'hui considérés comme ses chefs-d'oeuvre. (...).

    « Toute vie est bien entendu un processus de démolition » : l'attaque du texte parle d'elle-même. Fitzgerald décrit son épuisement affectif, creuse les sillons de son existence pour atteindre le nerf de sa dépression, due non pas tant à des coups du sort spectaculaires qu'à une usure insidieuse de la vitalité et de l'enthousiasme. Une dégradation continue mais longtemps invisible, et par là même irrémédiable quand l'écrivain en prend brutalement conscience : « Je me rendis compte ... que je m'étais sevré de toutes les choses que j'aimais, que tous les actes de la vie, me brosser les dents le matin et avoir des amis à dîner le soir, me demandaient désormais un effort. Je m'aperçus que depuis longtemps je n'aimais plus les gens ni les choses, mais que je continuais tant bien que mal et machinalement à faire semblant de les aimer. » Des frustrations de sa jeunesse manque d'argent, départ de Princeton pour cause de maladie, démobilisation avant d'avoir pu franchir l'Océan à l'occasion de la Grande Guerre à sa déchéance présente, il tente de remonter jusqu'à l'origine de sa chute. (...).

    S'épuisant à courir après un modèle de virilité et de réussite à la fois sociale et artistique, il a cédé avec quelques décennies d'avance à une forme de ce que le sociologue Alain Ehrenberg appelle la « fatigue d'être soi », dépression née d'une impression de manque et de déficit face à un impératif de succès et d'épanouissement personnel caractéristique des sociétés de la fin du vingtième siècle. (...).

    Mais avec La Fêlure , Fitzgerald va plus loin, échappant au mythe romantique de l'artiste maudit pour livrer une méditation superbe et pathétique sur « la nuit véritablement noire de l'âme ». Preuve que lorsque la dépression a tari la joie de vivre et de créer, il reste encore l'ultime ressource d'écrire sur celle-là même qui vous a rendu impuissant à écrire.

    Lien

    http://www.magazine-litteraire.com/mensuel/411/francis-scott-fitzgerald-nuit-noire-ame-01-07-2002-25260

     

     

    "C'est la nuit" Michel Jonasz

     

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