• Vol au-dessus d'un nid de coucou de Milos Forman: une satire de l'hôpital psychiatrique

    Cet article vise à proposer un résumé du film avec des remarques concernant le thème de la folie traité de façon cinématographique et avec humour par Milos Forman, ayant fui le régime communiste dictatorial de l'ex-Tchécoslovaquie et le dénonçant à demi-mots dans ce film américain, datant de 1975 et ayant reçu 5 nominations aux oscars. L'hôpital psychiatrique est ici considéré comme un lieu aux règles carcérales, infantilisantes et incapable de répondre aux besoins des malades, en les connectant à la vraie vie, en leur faisant confiance. Les soignants semblent être les instruments d'une pensée de système où la vie, le mouvement, l'affect semblent laissés à la porte de ce lieu entouré de fils barbelés qui est clos tous les soirs et où la fête est interdite.

    Cette création de 2h08 possède ce titre, traduit de l'américain, parce que "cuckoo" en anglais, à savoir "coucou" en français signifie "personne dérangée." Jack Nicholson dans le rôle de Randle Mac Murphy entend lézardé le système par sa joie et sa bonne humeur, mais aussi par sa douce folie qui n'est pas sans rappeler la maxime de La Rochefoucauld: "Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit", c'est un peu le cas de Miss Ratched, infirmière en chef aussi rigide qu'une porte de prison, fonctionnaire parfaite d'un système bien rôdé. Au contraire Nicholson s'en donne à coeur joie pour mettre de l'animation à l'intérieur de l'hôpital et offrir aux malades une autre distraction que celle de jouer aux cartes et d'obéir sagement à la direction. Sa douce folie, son extravagance donne un rythme à la narration, fait sourire parfois et combat l'ennui d'un monde aseptisé où aucune émotion fantaisiste ne doit échapper sous peine de rudes sanctions. Parce qu'il a trop désobéi, parce qu'il fut un citoyen refusant ce système sclérosant, Mac Murphy sera lobotomisé, car c'est le seul moyen pour le contrôler. L'inhumanité du système est alors porté à son comble.

    Afficher l'image d'origineJack Nicholson dans le rôle de Mac Murphy

    Ce film américain est adapté d'un roman éponyme de Ken Kasey, paru en 1962 et qui avait déjà fait l'objet d'une adaptation au théâtre en 1963.

    Randle P.Mac Murphy, 38 ans (interprété par J.Nicholson), se fait interner pour ne pas aller en prison, alors qu'il est accusé de viol sur mineure. On l'a transféré dans un hôpital psychiatrique, pour savoir s'il est malade mental, il a déjà été arrêté cinq fois pour agression. Incarcéré pour le viol d'une fille de 15-16 ans, il récuse l'accusation de viol devant le psychiatre. La jeune fille lui aurait dit qu'elle en avait 18 et s'est montrée très aguicheuse à son égard. Il n'a pas su résister au désir sexuel. Il s'exprime avec humour sur lui-même devant le docteur: "Je suis même un vrai petit bijou de la science." (citation de Mac Murphy). L'hôpital ressemble à une prison. Le boxe des soignantes est interdit aux malades.

    Voilà une grande question que pose le film: qui est le plus fou de l'institution ou des internés?

    Mac Murphy voudrait déplacer le moment de la thérapie de groupe afin de voir un match de baseball, mais l'infirmière demande à ce que la majorité (qui a peur d'elle, de l'institution) vote pour ce déplacement. Très peu votent favorablement.Pourtant, Jess reconnaît que voir un match, s'amuser, serait une bonne thérapie, bien meilleure que ces questionnements "thérapeutiques" auxquels personne ne veut répondre.

    Mac Murphy se rebelle contre ce statu quo, cette façon de ne pas se révolter contre l'autorité qu'il juge abusive: "Eh! les fous, soyez pas mous", leur lance-t-il. La chef refuse de mettre le match à la télévision, malgré l'insistance de Mac Murphy, si bien que celui-ci décide avec un brin de folie qui rend toute la scène délicieuse, de commenter un match fictif ce qui entraîne la joie de tous. L'imaginaire se substitue à la triste réalité.

    A la suite d'une autre entrevue avec le médecin, ce dernier conclut que Mac Murphy n'est pas malade et qu'il a singé pour échapper à la prison. Finalement, Mac Murphy parvient à faire échapper tout le monde de l'hôpital en conduisant un bus qui leur permettra de faire une belle partie de pêche. Ils parviennent à s'introduire dans le bateau en se faisant passer pour des médecins de l'hôpital psychiatrique. Cette petite virée ( à 56 minutes du film environ) n'a-t-elle pas d'ailleurs une portée thérapeutique, parce qu'elle ouvre la porte à la liberté, à la joie d'être ensemble sans surveillance et de réussir à pêcher de très beaux poissons dans une ambiance conviviale et quelque peu fantasque? Mac Murphy est d'ailleurs accompagné d'une jeune fille séduisante qui se retrouvera en petite tenue lors de leur échappée. Comme le dit le "médecin du bon sens"- Mac Murphy: "Ici, t'es plus un timbré, t'es un pêcheur." Finalement, après ce pied-de-nez lancé aux autorités psychiatriques, Mc Murphy est jugé dangereux -car capable d'entraîner un groupe à sortir de l'ordre imposé-,mais pas malade. Alors que le médecin se questionne sur la nécessité de le renvoyer en prison, l'infirmière veut le garder et prétexte qu'elle ne veut pas se débarrasser des problèmes sur les autres: l'admirerait-elle en secret?

    Les activités proposées par Mac Murphy à l'extérieur comme à l'intérieur sont nombreuses: il met l'ambiance! Une bagarre va éclater cependant et l'Indien, fidèle au chef de groupe, le soutient. Cependant, Mac Murphy ne sortira pas indemne de cette altercation. Il devra subir une série d'électrochocs afin qu'il se calme.

    Une grande fête va être organisée le soir à l'insu des soignants: bouteilles de vin et femmes viendront s'inviter au divertissement nocturne. Billy, traumatisé par une histoire amoureuse qui s'est mal terminée, sera poussé par la troupe des malades à avoir une aventure amoureuse et surtout sexuelle avec la petite amie de Mac Murphy. Après cette soirée, au moment où Miss Ratched (infirmière en chef) découvre le pot aux roses et cherche Billy, ce dernier, l'espace d'un instant, heureux, ne bégaie plus. C'est Miss Ratched qui le fera retomber dans ses phobies en lui parlant de sa mère et de ce qu'elle pourrait penser de sa relation avec cette femme, si elle l'apprenait. Il recommence alors à bégayer et se suicidera quelques heures plus tard, culpabilisé par l'infirmière.

    Au moment où Miss Ratched (jouée par Louise Fletcher) a découvert le désordre lié à la fête, elle dira: "Fermez les fenêtres et verrouillez les grillages." Le film montre à quel point l'hôpital psychiatrique ne propose pas de soins véritables qui seraient basés sur des valeurs humaines telles que la fraternité et la liberté, comme le suggère le réalisateur, mais se crispe sur un système où l'on enferme et où l'on surveille, ce que dénonçait déjà Michel Foucault. Billy est mort des suites d'un système qui rend malade au lieu de soigner, de l'impuissance d'un système à permettre aux gens d'aller mieux, de prendre confiance en eux.

    L'institution est bien le lieu où règne la culpabilité et l'enfermement, la restriction des désirs aussi. Mac Murphy, furieux d'avoir perdu son ami Billy, tente d'étrangler Miss Ratched. Son agression a donc des causes réelles et manifeste une révolte contre un ordre mortifère et profondément pervers qui empêche les gens de jouir et de vivre  selon leurs désirs, en toute bonne conscience. On les enferme pour mieux les contrôler. Suite à cet incident, Mac Murphy sera réduit à l'état de légume et lobotomisé. L'Indien, le voyant revenir apathique, va lui parler, mais il ne réagit plus. Le film dénonce alors la violence dans les hôpitaux psychiatriques comme seul remède à l'agitation et au désordre.

    L'Indien ne veut pas voir son ami continuer à vivre comme un légume. Il va l'étrangler et le tuer pour le libérer. Mac Murphy pourra ainsi partir dans un autre monde, un au-delà probablement plus serein, songe-t-il.L'Indien réalise alors ce que Mac Murphy avait imaginé au début du film: soulever la fontaine d'eau pour pouvoir s'échapper et voir jaillir la source de vie (image de la jouissance?). Il s'en servira pour briser une fenêtre et s'en aller retrouver la liberté: "Je me sens grand comme une montagne", dira l'Indien. La dernière image montre un homme courant au crépuscule dans la nature, libre comme l'air, ayant réalisé ce que son ami maintenant mort a toujours espéré sans relâche.

     

    Inspiré du film, avec la voix de femme rappelant le discours de Miss Ratched dans "Vol au-dessus d'un nid de coucou"

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