• Travail et épanouissement personnel

    Que gagne-t-on à travailler? (Sujet de philosophie)

    Pourquoi travailler est-il nécessaire pour l'épanouissement? Ne dit-on pas que le travail, c'est la santé? Doit-on confondre travail et labeur? Le second mot renvoyant à la pénibilité, à la contrainte de ce qui demande des efforts. Enfin, peut-on sortir gagnant d'une activité qui nous demande concentration et exigence? La vraie liberté ne s'obtient-elle pas dans la maîtrise de soi, de ses émotions intérieures et donc d'un travail sur soi?

    A l'origine du mot "travail": une histoire plutôt inquiétante

    Originellement  le travail est perçu comme un châtiment divin: Adam est expulsé du paradis et condamné à travailler pour avoir mangé du fruit de l'arbre défendu, tandis que sa femme Eve accouchera dans la douleur et que le serpent mangera la poussière. Le mot vient du latin "tripalium" qui désigne un instrument de torture. Le travail, source de souffrance, s’oppose alors au jeu. Avec la révolution industrielle, le travail est revalorisé : il permet la satisfaction des besoins vitaux, l’augmentation de la richesse et donc l’essor des nations, mais aussi la socialisation et la réalisation de soi. Aidé par le développement de la technique (passage de l’outil, simple prolongement du corps, aux machines), le travail perd une grande part de sa pénibilité. Pourtant l’exigence de productivité et de rentabilité brise cet élan libérateur : le travail est de plus en plus exploité tandis que la technique, toujours plus puissante, aliène l’homme. Il suffit de penser à l'usage compulsif du téléphone portable pour s'en convaincre. 

    La valeur du travail

    Il semble cependant constituer une activité nécessaire à la réalisation de l'homme. Son contraire "ne rien faire", rester oisif paraît être un obstacle à l'épanouissement de soi, à la construction de nos rêves dans la réalité. Travailler, c'est faire, c'est agir sur le monde pour le transformer. Il nous permet de gagner notre indépendance, de sortir du giron familial pour faire sa vie et être autonome. Il a donc le pouvoir de nous permettre de gagner notre liberté et de voler de nos propres ailes.

    Travailler, c'est assurer notre survie

    Le travail a cependant un sens ambivalent. La partie de cette réflexion est tirée de Philosophie magazine:

    D’abord, l’expression" gagner sa vie" peut être entendue en son sens le plus littéral. Le salaire ne constitue pas de l’argent de poche. Il représente d’abord la somme qui nous est nécessaire pour vivre. Il est ce qui nous permet de nous loger, nous nourrir, nous vêtir. Le travail est donc lié à la vie. Nous travaillons, car ce dont nous avons besoin pour satisfaire les besoins liés à la survie, ne nous est pas donné immédiatement, nous devons le produire et c’est à cela que sert le travail. Voir par exemple Hannah Arendt,Condition de l’homme moderne.

    -      Mais le salaire n’est pas un don. Il ne fait que compenser l’énergie et le temps dépensés pour travailler. Au final, l’opération est donc nulle : ce que je gagne (mon salaire) est reçu en échange de ce que je donne (mon temps, mon énergie, ma santé parfois). Il s’agit d’un échange, que Marx dans le Capital, qualifie même d’équitable juridiquement. Or un échange parfait, au sens strict, suppose une égalité absolue entre les deux biens échangés, sans perte ni profit. Je ne gagne donc rien en travaillant puisque ce que je reçois n’est en réalité qu’une compensation de ce que j’ai donné, pas un gain au sens strict.

    -      Cela est d’autant plus vrai que le salaire « gagné » doit être immédiatement utilisé. En effet, nous ne produisons pas seuls ce qui est nécessaire à notre survie. Par mon travail, je ne peux imaginer produire tout ce qui est nécessaire pour combler mes besoins. Je suis aussi dépendante du travail des autres qui complète le mien. Ainsi, le travail comme activité productrice s’insère dans la sphère économique des échanges. Ce qui est ainsi produit et gagné est donc immédiatement réinvesti pour obtenir du travail des autres ce dont nous avons besoin pour vivre. Ainsi, l’opération est nulle. Aussitôt gagné, mon salaire est dépensé pour assurer ma survie. Voir par exemple Platon, La République sur la spécialisation et la division du travail.

    Travailler pour se réaliser

     Mais nous ne pouvons en rester à cette vision neutre de la notion de travail, celle qui consiste à dire qu'on ne gagne rien par le travail ni financièrement, ni intellectuellement, ni spirituellement. Ce dernier est bien  l'effort que nous produisons pour nous élever au-dessus de notre condition initiale, nous transformer et devenir meilleur. Le travail est une activité productrice au terme de laquelle on réalise quelque chose. Il représente donc une activité qui nous sauve et nous permet de changer le réel pour lui permettre de coller à nos rêves ou de tenter de les atteindre. Il est aussi une possibilité de sortir de nos illusions en nous confrontant au réel: travailler, c'est être pragmatique, c'est rendre un service, c'est aider la société à grandir et à se développer. On sort donc d'une forme d'égoïsme primaire pour aller vers les autres et construire ensemble.

    Le travail, c'est la santé (Alain de Botton)

    Dans Splendeurs et misères du travail , Alain de Botton nous dit que si vous passez votre vie dans votre chambre à contempler l’Univers, vous risquez de sombrer dans le désespoir, surtout s’il n’y a pas de Dieu. Au lieu de le condamner, peut-être devrions-nous remercier le travail de nous maintenir occupés. Quand Montaigne s’est retiré de la vie mondaine, de ses fonctions de maire de Bordeaux, il est tombé dans une sorte de dépression. Il lui a fallu trouver une nouvelle occupation pour donner forme à ses jours : écrire. Je crois que c’est vrai pour nous tous. Bien sûr, nous sommes parfois ridicules au travail, courant dans tous les sens, nous prenant très au sérieux. Cependant, se moquer de cela, c’est ne pas voir que nous avons besoin de projets quotidiens, même si ceux-ci ne changeront pas la face du monde. Ils donnent un sens à nos vies. Le travail est essentiel pour nous donner un but, même s’il n’est pas une fin ultime, il nous occupe. Il nous préserve de la peur de la mort. Et avec lui, le jour a une forme.

    Conclusion générale : En travaillant et en produisant une œuvre, l’homme se réalise personnellement et réalise son humanité. Toutefois, pour que cette réalisation soit complète, il importe que l’organisation sociale du travail veille à limiter l’aliénation que l’emploi peut faire subir au travailleur. Le travail reste par nature ambivalent et oscille en fonction des lieux où on l'exerce, du choix que l'on fait entre exploitation et réalisation. Il reste au final une bonne partie du temps que nous y consacrons dans nos vies, d'où l'intérêt de trouver un travail qui nous satisfasse et nous permette de rester en bonne santé.

     

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