• Qu' en est-il de la schizophrénie?

    Questionnaire : est-ce facile de parler de la schizophrénie à son entourage ?

    Une personne atteinte de schizophrénie a accepté de répondre à quelques questions mais de façon anonyme, car elle craint, comme elle l’explique, la stigmatisation. Elle préfère donc ne pas révéler son identité.

    C’est moi, Sibylline, qui ai posé les questions, car elles correspondent à mes interrogations. Je n’ai jamais trouvé de réponses précises à tout ceci si bien que j’ai avancé à l’aveuglette pendant longtemps. Souvent, ce sont les psychiatres qui expliquent la maladie, mais comme ils ne l’ont pas vécue de l’intérieur, ce n’est pas toujours assez vivant. L’idée, c’est de mieux comprendre et de clarifier un lexique souvent fourre-tout et qui nous perd. Dans l’article wikipedia concernant la schizophrénie, on compte 7 types de schizophrénie. Comment s’y retrouver ?

    Comme le disait Boileau, « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. » Or, dans le domaine de la schizophrénie, on rencontre de nombreuses contradictions et des flous qui ne permettent pas au commun des mortels de s’en faire une idée précise. Le questionnaire vise à apporter un peu de clarté à tout ceci.

    Si certaines personnes acceptent de répondre à quelques questions, ce serait avec plaisir (il suffit de nous écrire) afin d’étoffer un peu les connaissances en partant du vécu et non de la théorie.

     

     

    1-Lorsque nous avons vécu la schizophrénie est-il facile d’en parler à des amis ?

    En fait, je n'ai pas raconté ça à mes amis car j'avais une peur mortelle de passer pour fou, je voulais simplement apparaître "normal", ça a été le combat de toute ma vie. J'ai tout fait pour dépasser la maladie et j'ai essayé de me comporter ou d’apparaître normal bien que cela n'ait pas toujours été évident. Je n'ai jamais trouvé non plus personne qui aurait pu comprendre, les gens ont des idées préconçues et veulent t'expliquer ce que tu vis alors qu'ils n'en savent rien et que toi tu as des années de terrible expérience derrière toi.

    2-Qu’auriez-vous souhaité que les autres fassent ?

    Ce que j'aurais souhaité, c'est que quelqu'un comprenne réellement tout, c'est à dire que j'avais été malade, que je souffrais encore mais que j'étais aussi capable de raisonner que n'importe qui. En général, quand tu te déclares malade, tu es considéré automatiquement comme inférieur, avec malveillance ou bienveillance.

    3-Pensez-vous qu’il soit facile de comprendre la schizophrénie quand on ne l’a pas vécue ? Il est très difficile de comprendre la schizophrénie sans l’avoir vécue. Imaginer ce que peut être une hallucination est presque impossible, je dis presque car il existe un moyen détourné : se rappeler un cauchemar et penser que la personne vit dans la réalité ce que l’autre vit dans son cauchemar, la vision de monstres, la terreur, la paralysie. Cela correspond à la phase de délire, il existe bien d’autres symptômes : la pensée terrassée, comment se représenter qu’il est possible qu’on ne puisse plus penser ou plus exactement qu’on ne puisse plus diriger ses pensées mais qu’elles s’imposent à notre cerveau comme si une entité extérieure les amenait. Il existe aussi les symptômes négatifs, le repli sur soi, l’absence de plaisir, de volonté. On pense souvent qu’il suffit de dire à la personne de se remuer, de sortir, de voir du monde, mais c’est ne pas comprendre l’impossibilité de le faire.

    4-Pourriez-vous expliquer ce qui empêche l’action ? Pourquoi est-il impossible d’agir ?

    La personne qui souffre a besoin de calme, de repos, de sécurité pour ne pas être envahie par des stimulations qui la font souffrir à l’extrême. Sortir, voir du monde, c’est s’exposer, se mettre en péril, devenir vulnérable. Bien sûr tout n’est pas aussi catégorique et il y a des moments où la personne peut vouloir rencontrer d’autres personnes, voir des amis, nouer des liens pour sortir de l’isolement et échapper à l’emprise de la maladie ou pour se sentir « normal ». C’est là que l’entourage peut aider en créant des conditions favorables, en protégeant la personne, en l’accueillant avec générosité.

    Ces conditions sont rarement remplies car les personnes qui ne comprennent pas n’ont pas les bons réflexes même si elles ont de bonnes intentions. Ne parlons même pas de celles qui ont de mauvaises intentions. La société n’est pas accueillante pour les malades, elle est dure, impitoyable et cela empire. Il faudrait une prise de conscience pour faire changer les choses mais comment y arriver ?

    5-Quelle est la meilleure attitude à adopter lorsqu’on n’a pas vécu soi-même la maladie mais qu’on veut soutenir quelqu’un de proche qui en souffre ?

    Il faut d’abord se demander si on est prêt à aller très loin dans l’accompagnement, si on aime vraiment la personne et si on ne va pas la laisser tomber. Il faut être humble, ne pas croire qu’on comprend mieux ou tout parce qu’on est « normal ». La personne malade n’est pas dénuée de raison, au contraire, bien souvent, elle est extrêmement consciente de son malaise même si elle ne parvient pas à l’exprimer en des paroles compréhensibles par d’autres. Il faut être attentif, patient,montrer qu’on éprouve de l’affection et qu’on ne juge pas. Ne pas exiger de l’autre ce qu’il ne peut pas faire, il faut être encourageant mais aussi tolérer les failles, se dire que cela viendra en son temps. Montrer à l’autre qu’on pense à lui, ne pas le délaisser. Il faut aussi lui montrer qu’on le considère comme une personne à part entière et pas comme un cas.

     6 -Comment résumeriez-vous la maladie ? S'il fallait la résumer en une ou deux phrases que diriez-vous? Les gens souvent sont noyés dans des définitions qui se contredisent. Il y a la vision extérieure et la vision intérieure.

    Vu de l’extérieur, la schizophrénie se caractérise par des symptômes positifs (délires, hallucinations, désorganisation de la pensée, comportement mal adapté,…) et des symptômes négatifs qui surviennent souvent plus tard (repli sur soi, isolement, désintérêt pour les autres, absence de motivation…) Vu de l’intérieur, c’est une maladie qui se rapporte en premier lieu à la gestion des émotions. La personne schizophrène est submergée par un flux incontrôlable d’émotions vives et douloureuses qu’elle ne sait pas filtrer. Le cerveau n’arrive plus à trouver le repos et à fonctionner en paix, d’où l’apparente désorganisation de la pensée. En réalité, la personne est bien souvent consciente de son état mais incapable d’y faire face, la pensée n’est plus dirigée par la personne mais soumise aux caprices d’une sorte de démon intérieur. La personne a l’impression d’influencer l’univers entier par ses pensées ou par ses actes, elle en ressent une culpabilité et une terreur immense. Elle a aussi l’impression que tout s’adresse à elle, que le moindre évènement est dirigé contre elle et qu’il a une signification que le monde ignore mais qui a une importance vitale. Comme le disait une personne, dans cette maladie, tout est vital.

    7-Sauriez-vous nous expliquer ce qui permet le passage d’un moment difficile où les pensées deviennent envahissantes à un moment de calme et de sérénité ? Comment opérer cette transition ? Y a-t-il des « techniques » ? Quels conseils donneriez-vous ?

    C’est vraiment une question difficile, cela peut survenir naturellement quand la personne va mieux, quand le délire s’affaiblit. Tant que le délire est là, la personne est pratiquement impuissante à le gérer. Il faut profiter des périodes de répit pour se renforcer, pour savoir préserver son équilibre. Des exercices comme la méditation peuvent aider à gérer ses émotions et son corps en général. Il faut aussi noter les signes annonciateurs des crises et savoir se protéger quand ils apparaissent, certains y arrivent assez bien. Cela tient beaucoup de l’expérience de chacun et s’acquiert avec l’âge, il est important de reconnaitre ses faiblesses et les transformer en forces. Au risque de choquer, on peut dire aussi que certains parviennent à se renforcer par des pratiques spirituelles, par la croyance, mais c’est une affaire très personnelle, c’est à chacun de trouver sa voie.

     

     

    Merci pour ces explications très claires et qui permettent de mettre des mots sur des phénomènes difficiles à comprendre.

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