• Voici le portrait d'un chercheur original qui fit des études de philosophie très poussées et  qui est devenu neuropsychiatre. Il s'oppose à l'idée de spécialités et pense que la pluridisciplinarité est essentielle au soin. Il s'agit de François Dagognet, interviewé par un journaliste, Philippe Garnier. Il cherche à sortir du dualisme âme et corps. Il se définit non comme un matérialiste, mais comme un matériologue, un observateur de la richesse de la matière et de ses mystères. Il voit une dimension spirituelle dans la matière qu'il tente d'analyser et de comprendre pour saisir les maladies.

    François Dagognet en 7 dates

    • 1924 Naissance à Langres
    • 1949 Reçu à l’agrégation de philosophie
    • 1958 Docteur en médecine
    • 1960 Enseigne à Lyon au lycée Ampère, puis à l’université Lyon-3
    • 1965 Publie son premier ouvrage, sur Gaston Bachelard
    • 1971 Préside le jury de l’agrégation de philosophie
    • 1985 Nommé professeur de philosophie à la Sorbonne

    Votre parcours est unique en son genre. Vous êtes à la fois philosophe et médecin, mais vous avez aussi étudié la chimie, la neurologie…

    Je viens d’un milieu on ne peut plus modeste, sans accès à la culture. À 12 ans, j’ai passé mon certificat d’études, mais je n’ai pas pu aller au lycée. Des années plus tard, j’ai été admis dans une école privée catholique à Dijon. Rétrospectivement, j’ai le sentiment d’années perdues, surtout pour les langues. J’ai souffert de ne pouvoir lire les auteurs étrangers ou anciens dans le texte. Les langues, si vous ne les apprenez pas très jeune, c’est irrattrapable. C’est une question d’oreille, une question phonétique et physiologique.

    Ensuite, j’ai étudié la philosophie, j’ai passé Capes et agrégation. Mais quelque chose m’a semblé frustrant dans le pur parcours universitaire. Il y a un échec sous-jacent dans le fait de consacrer sa vie à un auteur. Passer le reste de ses jours avec Helvétius ou Gassendi… cela risque de tourner à l’érudition la plus pauvre et la plus minimale. J’ai tout de même engagé un travail de thèse sur Spinoza, mais le long chemin de l’érudition et les échafaudages théoriques m’ont assez vite rebuté. J’ai eu hâte de retrouver la plénitude du réel. Pour échapper à l’impasse de la pure recherche en philosophie, j’ai passé un doctorat en médecine et je suis devenu neuropsychiatre.

    Philosophe et médecin, vous dites qu’on doit considérer chaque maladie, hors de tout dualisme âme-corps, comme un destin, une « courbure de l’être ».

    Quand j’étudiais la psychiatrie, au début des années 1960, il y avait un conflit entre les partisans de la pure chimie, avec les premiers neuroleptiques et antidépresseurs, et ceux qui personnalisaient la maladie dans la tradition d’Hippocrate, ou même qui l’abordaient de façon radicalement existentielle. On a un peu surmonté depuis, me semble-t-il, cette alternative. On a compris que si la chimie n’atteint que les symptômes, elle est souvent nécessaire, même si elle ne fait qu’apaiser le malade et le sortir de son isolement.

    Ce qui m’a intéressé avant tout, c’est la façon dont on déchiffre la maladie. Car c’est dans la visibilité qu’il faut définir l’acte médical majeur. La médecine n’a cessé de remplacer les symptômes indicatifs d’un malaise par des signes, des signes physiques, qui fondent vraiment le diagnostic, la vraie connaissance. C’est au début du XIXe siècle que s’instaure cette nouvelle relation au corps et à son extériorité. À partir de Laennec et de l’invention de l’auscultation par stétho­scope, vers 1820, un dedans corporel trouble, incertain, trompeur, va être projeté au dehors, extériorisé et susceptible d’être lu. Pensez à Babinski, qui dans les années 1890, identifiait avec une grande précision les pathologies du cerveau à partir de l’excitation de la plante des pieds. Le médecin doit faire parler une maladie qui ne s’extériorise pas forcément et qui excède cette extériorité.

    Qu’avez-vous cherché à atteindre à travers tant de domaines d’investigation ?

    J’ai cherché à creuser la notion d’objet, aussi bien à travers le remède pharmaceutique, capable de modifier le corps, qu’à travers le déchet, avec ses ressources cachées, ou encore la peau. L’art, c’est aussi de l’objet, car vos idées doivent avant tout être montrées. Des plasticiens comme Dubuffet, Arman, Buren sont d’extraordinaires sauveteurs de la matière. Ils nous la montrent dans sa beauté, ils en analysent les restes. Dans ma quête, les néo-objets, les matières plastiques ont été des alliés précieux. Je sais aussi que trop de directions peuvent mener à l’encyclopédisme, au mauvais sens du terme.

     

    Pourquoi avons-nous tant de réticence à donner sa dignité au support et au déchet ?

    Notre relation à l’excrément joue un rôle, bien sûr, c’est l’éclairage de Freud. Mais il faut surmonter cette répulsion, car un examen plus approfondi de l’excrémentiel amène à voir ses richesses. L’aniline qu’on trouve au fond des tuyaux, des tonneaux, a donné les couleurs artificielles les plus chatoyantes. Aujourd’hui, on arrive à collecter le plastique abandonné, le carton usagé. Tout est transformable, il ne peut plus y avoir de secteur de désaveu. Le travail du philosophe y est pour quelque chose, à côté de celui du scientifique. Tous deux sauvent la matière. Ils l’innocentent, quels que soient son stade ou sa forme.

    .................................

    Dans un autre article et un autre interview, François Dagognet critique l'hypertechnicité de la médecine spécialisée.

    La médecine générale est-elle une science ?

    Tout dépend de ce que l’on met sous le mot « générale » ! Toute maladie concerne l’ensemble de l’organisme, elle tend à influencer l’ensemble du corps vivant. Cela se remarque particulièrement dans certaines maladies qui s’expriment d’emblée dans plusieurs organes. Par exemple, dans la maladie de Bouillaud, il y a des symptômes articulaires et des symptômes cardiaques, mais il s’agit d’une maladie unique due à une seule cause, le streptocoque. Parler de médecine générale est tautologique, il n’y a pas de maladie ponctuelle, la médecine est générale ou elle n’est pas.

    Mais alors, que recouvre la différence entre médecins généralistes et médecins spécialistes ?

    La médecine a changé de statut depuis 20 ou 30 ans. Il y a aujourd’hui deux types de médecins. Celui qui est très attentif à la symptomatologie et proche du malade, celui qui fait une médecine très instrumentalisée, mais qui est très éloigné du malade. Le premier est dans le relationnel, il cherche surtout des symptômes et des troubles, il tient compte du contexte du malade ; c’est un interprète. Le second est dans le rationnel, il cherche la cause de la maladie, il se soucie peu du contexte du malade ; c’est un hypertechnicien, un causaliste. Il s’agit de deux chemins tout-à-fait différents, ne répondant pas aux mêmes objectifs, n’obtenant pas les mêmes résultats, ne demandant ni la même motivation, ni la même formation et tous les deux dangereux selon que l’un va trop loin et l’autre pas assez.

    La médecine générale serait de la psychiatrie ?

    Non plus. Le médecin généraliste est démuni devant un malade psychiatrique, il n’a pas appris la psychiatrie. Imaginez, par exemple, une situation que nous a révélée l’antipsychiatrie : une femme est hospitalisée pour délire aigü, rapidement asséché par un traitement neuroleptique ; elle sort au bout de deux semaines. Quelques jours après, il faut hospitaliser son mari, parce qu’il va bien quand sa femme est malade, mais qu’il plonge dès que sa femme est guérie. Il faut être très fort pour tenir pour malade celui qui est en bonne santé apparente et pour sain celui qui est en maladie aigue ! Le généraliste n’a pas les moyens de cette extraordinaire gymnastique.

    Il s’occupe de troubles et de dysfonctionnements. Le plus souvent, il fait de la psychopathologie, en tout cas, il est du côté du mental, de l’angoisse. Il s’occupe de recueillir des symptomes, de les regrouper et de les interpréter.

    La médecine générale est une science humaine, comme l’est la psychanalyse. Aujourd’hui, Freud est détesté, alors qu’il est un modèle pour les généralistes. On a oublié qu’il était avant tout un clinicien génial : il a inventé une discipline qui aide à repérer des signes que l’on n’avait pas l’habitude de retenir. Par exemple, à tenir éventuellement comme un symptome fondamental le retard d’un quart d’heure d’un patient. De plus, il a montré que le médecin lui-même est déjà un remède.

    Comment former les médecins généralistes ?

    L’enseignement doit comporter des sciences humaines, comme la sociologie, parce que les malades ne sont pas séparés de leur environnement. Surtout, il faut donner plus d’importance à la clinique. J’ai eu la chance de commencer mes études de médecine non pas dans une faculté, mais dans une école de médecine. L’essentiel de l’enseignement y était fait par des praticiens de ville, pas par les grands maîtres de la faculté, qui ne s’intéressent ni aux étudiants, ni aux malades. Pendant leurs deux premières années d’étude, les étudiants allaient tous les matins à l’hôpital. Les cours théoriques avaient lieu l’après-midi. Chaque étudiant prenait en charge trois ou quatre malades, quotidiennement. Il était plongé dans la pratique. Très régulièrement, le chef de service lui faisait expliquer ce qu’il avait cru remarquer et en discutait avec lui.

    Malheureusement, ce genre d’enseignement a complètement disparu. Dès la première année de médecine, les étudiants sont soumis à une masse invraisemblable de données physiques, chimiques, mathématiques, etc. Ils ne voient pas un seul malade, mais sont tout de suite normalisés à la médecine hypertechnicienne.

    Leurs examens sont d’une stupidité inénarrable. Ça ressemble aux jeux télévisés ! leur seul intérêt est de pouvoir noter les élèves rapidement, mais sans s’occuper de savoir s’ils sont sensibles aux nuances, aux circonstances. Leur formation est unilatérale, hypertechnicienne et, pire que ça ! terroriste ! Elle les conditionne pour toute leur vie de médecin.

    Ça n’est pas étonnant que les jeunes médecins ne choisissent pas la médecine générale : ils n’ont appris que l’autre ! Ils ont été élevés dans la scientificité. Ils savent bien qu’ils ne sont pas préparés à se débrouiller dans le pataquès astreignant d’une médecine qui est contraignante parce que, dépendant des malades et de leurs drames, elle leur offre moins de liberté.

     

    En conclusion, pour ce philosophe la vie sage est déjà un remède: trouver son équilibre intérieur, comprendre la matière, c'est aller mieux. Il invite aussi à se pencher sur la bioéthique pour concilier la médecine spécialisée et la médecine générale. Le relationnel est important. Il faudrait également instituer la médecine clinicienne (généraliste) comme une science humaine.

     

     

    Liens externes

    Lien vers l'article de philosophie magazine:

    http://www.philomag.com/les-idees/entretiens/francois-dagognet-a-lecole-de-la-matiere-7327

     

    Lien vers un autre article: la médecine générale est une science humaine

    http://www.carnetsdesante.fr/Dagognet-Francois

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  •  Tout le monde connaît de nom Hippocrate, le père de la médecine. Mais personne ne sait vraiment qui il fut et comment il fut connu. Celui qu'on appelle le père de la médecine et qui a traversé 20 siècles d'histoire est tout d'abord connu grâce à Platon qui en parle dans ses œuvres: "Protagoras" et "Phèdre". Rappelons au passage que les mots "médecine" et "méditation" ont la même étymologie: ils viennent tous les deux du latin "meditari" "donner des soins à...", "porter remède".

     

    Qui était Hippocrate de Cos? (460 environ à 370 avant Jésus Christ)

     Pourquoi Hippocrate de Cos fut-il connu à son époque?

    Les témoignages les plus anciens sur Hippocrate sont ceux de son jeune contemporain, le philosophe Platon, qui le mentionne deux fois dans son œuvre (Protagoras, Phèdre). D'après le Protagoras, Hippocrate, originaire de Cos et issu de la famille des Asclépiades, était un médecin contemporain de Socrate et des sophistes, qui enseignait la médecine moyennant salaire ; à la fin du ve siècle, il était déjà aussi célèbre comme médecin que Polyclète d'Argos ou Phidias d'Athènes en tant que sculpteurs. Cette célébrité est confirmée par le témoignage d'Aristote qui, dans sa Politique, mentionne Hippocrate avec éloge (quoique incidemment) en le choisissant comme exemple-type du grand médecin.

    En somme, le père de la médecine fut admiré par des philosophes comme si la sagesse, la méditation et la médecine allaient ensemble, rappelant l'étymologie med- qui relie les deux mots.

    La tradition des médecins: la transmission de père en fils

    Hippocrate, né en 460 avant J.-C. dans l'île dorienne de Cos, appartenait par descendance mâle à la branche de Cos du genos des Asclépiades, qui prétendaient descendre à la fois d'Héraclès et d'Asclépios (l'autre branche était installée à Cnide, sur le promontoire de l'Asie Mineure qui fait face à Cos). C'était une famille aristocratique, jalouse de ses origines et des privilèges religieux qui y étaient attachés. Elle joua un rôle politique de tout premier plan à Cos au moins à certaines époques, par exemple lors de la seconde guerre médique ; elle était surtout détentrice d'un savoir médical. Hippocrate, que l'on se plaît à qualifier de « père de la médecine », appartenait à une longue lignée de médecins qui se transmettaient le savoir de père en fils. Un de ses ancêtres, Nébros, fut un médecin célèbre qui participa avec son fils Chrysos à la première guerre sacrée (600-590 av. J.-C.). Son grand-père, qui portait déjà ce nom, était médecin, et son père, Héracleidès, médecin lui aussi, le forma à la science médicale. Lui-même ne fit que continuer une tradition en enseignant la médecine à ses deux fils Thessalos et Dracon. Le mérite d'Hippocrate n'est pas d'avoir fondé l'école de Cos, mais de lui avoir donné par sa personnalité une large audience et un éclat exceptionnel.

    Pour les services rendus à la Grèce, Hippocrate aurait reçu une couronne d'or au théâtre de Dionysos à Athènes et aurait été initié aux mystères d'Éleusis. Il se disait descendant d'Heraklès.

    Qui était Hippocrate de Cos? (460 environ à 370 avant Jésus Christ)

    Il mourut à Larissa (Thessalie) à un âge avancé (entre 85 et 109 ans selon les biographes). Son tombeau était situé entre Larissa et Gyrton.

    La pensée hippocratique

    -L'importance de l'observation pour soigner, de voir des signes

    L'une des caractéristiques de la pensée hippocratique est le souci de l'observation. Tout ce qu'il est possible de percevoir par les sens est consigné avec minutie, car le moindre détail peut avoir la valeur d'un signe ; le pronostic, comme le diagnostic, ne peuvent résulter que d'un ensemble de signes. Certaines observations cliniques sont restées justement célèbres, comme le « faciès hippocratique » ou encore l'incurvation des ongles dans certaines pneumopathies (« doigt hippocratique » avec ongle « en verre de montre »).

    -Une approche rationnelle

    L'unité de la Collection hippocratique vient surtout de ce que les médecins ont abordé les problèmes de la maladie avec une pensée rationnelle. Même si l'on peut déceler çà et là dans le vocabulaire employé un héritage d'une pensée archaïque où la maladie était une force démoniaque qui pénétrait de l'extérieur dans le malade pour s'emparer de lui, et où la thérapeutique consistait à l'écarter, la pensée hippocratique ignore ou refuse toute intervention particulière d'une divinité dans le processus de la maladie et toute thérapeutique magique par les prières, les incantations ou les purifications. La chose est d'autant plus remarquable qu'une grande partie de la littérature contemporaine (les Histoires d'Hérodote, la tragédie et la comédie) reflète des conceptions plus populaires où la maladie est souvent envoyée par les dieux, et que la médecine religieuse, notamment dans les temples d'Asclépios à Corinthe, Athènes, Épidaure et Cos, la patrie d'Hippocrate, connut, au moment même où exerçaient les médecins hippocratiques, un essor sans précédent avec des guérisons miraculeuses par l'intervention du dieu. Sans doute le rationalisme hippocratique n'est-il pas un athéisme. Il n'y a pas incompatibilité entre la médecine rationnelle des Asclépiades et la pratique de la religion traditionnelle : le Serment est prononcé en invoquant les divinités guérisseuses Apollon, Asclépios, Hygie et Panacée ; les Asclépiades de Cos et de Cnide jouissaient de privilèges religieux au sanctuaire de Delphes.

    -L'importance de la nature

    Le concept de nature (physis) est central. Chaque chose, comme chaque individu, possède une nature propre qui se définit par des propriétés constantes ou plus exactement par des forces qui agissent ou subissent ; aussi les processus biologiques, normaux ou pathologiques, se définissent-ils en termes de lutte. La loi du plus fort est aussi vraie dans le monde d'Hippocrate que dans celui de Thucydide. Le rôle du médecin hippocratique est d'aider la nature humaine à vaincre la maladie par une thérapeutique simple et naturelle.

    Les qualités du médecin

    Les médecins hippocratiques avaient enfin une haute idée de leur mission et des exigences de leur profession. Le but de la médecine est d'être utile au malade, ou du moins de ne pas lui nuire. Pour atteindre ce but, le médecin doit posséder, outre des qualités naturelles, une formation commencée dès l'enfance, qui soit non seulement théorique, mais aussi pratique. Au jugement et à l'habileté, le médecin doit joindre des qualités morales : d'abord l'abnégation (« le médecin, à l'occasion des malheurs d'autrui, récolte pour lui les peines »), ensuite le refus d'une vaine gloire par des procédés inutilement spectaculaires, enfin une conduite décente et la discrétion sur ce qu'il aura entendu ou vu pendant ses visites.

    Les médecins ont aussi réfléchi sur leurs rapports avec les malades, rapports sans doute délicats, car les malades manquent de constance et sont portés à la désobéissance, mais les médecins recherchent la collaboration du malade et cherchent à lui être agréables dans la mesure où cela n'est pas contraire à son intérêt (medicus gratiosus). La douceur paraissait déjà à Hérodote une caractéristique de la médecine grecque.

    En somme, bien qu'elle soit scientifiquement dépassée, l'œuvre hippocratique reste l'un des monuments les plus riches et les plus impressionnants de l'éveil de l'esprit scientifique en Grèce. Il serait bon que les médecins ou médecins spécialistes tels que les psychiatres se rappellent des enseignements d'Hippocrate et des qualités morales qu'ils exigent, comme l'abnégation, l'écoute, le refus d'une vaine gloire. Il suffit de voir ce que font parfois les futurs médecins en année de préparation -songeons au bizutage- pour en douter...Hippocrate prenait racine dans la philosophie de son époque et il ne faudrait pas l'oublier.

    Sources

    Résumé de l'article de l'encyclopédie universalis sur Hippocrate de Cos.

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  •  

    Il y a un écart chez l'homme entre la conscience de ce qu'il est (être pour soi selon Sartre), ce qu'il cherche à s'expliquer rationnellement et ce qu'il est réellement, ce qui constitue son essence (être en soi). Or, cette dichotomie, cet écart est constitutif de sa mauvaise foi, de cette malhonnêteté parfois qu'il a à se définir autre que ce qu'il est. Il se ment à lui-même, il surjoue, il s'invente un rôle ou un monde qui serait le sien et auquel il croit, mais il s'illusionne, il est de mauvaise foi. Cette illusion, poussée à l'extrême, peut devenir « folie », à savoir « excès » et conduire à des troubles plus ou moins graves, en fonction du degré où est poussée cette illusion. L'être peut alors vivre dans un ailleurs, un monde parallèle complètement coupé du réel et surtout, il se coupe de son essence, de cette énergie qui peut lui permettre d'exister et de vivre bien.

     

    S'inventer autre que ce que l'on est et ne pas reconnaître la réalité, c'est s'illusionner, se tromper, être de mauvaise foi. Cela conduit évidemment à bien des souffrances, puisque le corps n'a d'autres moyens de crier son malheur qu'en souffrant, un peu comme un nourrisson qui n'a pas la parole et qui ne s'exprime que par des pleurs. Le corps crie, mais la conscience n'écoute pas toujours : c'est la mauvaise foi qui conduit parfois au pire, à une souffrance terrible liée au fait d'être coupé de son être, de son essence, seule source de bien-être et d'énergie bienfaitrice.

     

    Voilà comment Sartre définit la mauvaise foi (voir ci-dessous). Il ne la pousse pas à un degré de folie maximale, mais il montre combien cette attitude est peu philosophique et donc peu sage, puisque la philosophie est l'amie de la sagesse. La mauvaise foi est une forme de malhonnêteté envers soi-même et envers les autres qui peut engendrer une forme de duplicité et de mensonges qui ont des conséquences extrêmement néfastes sur l'entourage et plus largement sur le bon fonctionnement de la société si l'on en croit l'effet papillon. Le simple battement d'ailes d'un papillon peut engendrer des conséquences terribles dans le monde. Dans la nouvelle de science-fiction de Ray Bradbury « Un coup de tonnerre », un voyageur du temps écrase un papillon au Jurassique et cette négligence entraîne des conséquences dramatiques 60 millions d'années plus tard. Ne pourrait-on pas transposer cet exemple à notre mauvaise foi individuelle qui engendre bien des dégâts dans le monde ?

     

     

     

     

     

                                                                                                      

                                            La mauvaise foi, selon Sartre

     

     

     

     

    Article de Philomag (23/06/2006)

     

     

     

     

    Derrière le verre épais de ses lunettes, Sartre considère  le garçon de café qui joue un rôle: « Il a le geste vif et appuyé, un peu trop précis, un peu trop rapide, il vient vers les consommateurs d’un pas un peu trop vif, il s’incline avec un peu trop d’empressement, sa voix, ses yeux expriment un intérêt un peu trop plein de sollicitude pour la commande du client, enfin le voilà qui revient, en essayant d’imiter dans sa démarche la rigueur inflexible d’on ne sait quel automate, tout en portant son plateau avec une sorte de témérité de funambule [...]. Toute sa conduite nous semble un jeu [...]. Il joue, il s’amuse. Mais à quoi joue-t-il ? Il ne faut pas l’observer longtemps pour s’en rendre compte : il joue à être garçon de café. »

    On l’aura compris : ce bonhomme en fait trop, il « en rajoute ». Son comportement est redondant. Il cherche à se persuader lui-même qu’il se confond si parfaitement avec sa fonction qu’il est sa fonction. Or il n’est pas, par essence, garçon de café. En fait, son essence lui échappe. Il ne peut avoir conscience que de son existence, ce surgissement contingent et aléatoire dans le monde des vivants.

    En revanche, le plateau que porte si lestement notre serveur est, lui, bel et bien un plateau, un être-en-soi. Sa réalité est massive, univoque, incontestable, sans intériorité ni devenir. Il est fermé sur lui-même ; sa forme et sa fonction sont déterminées. Ce plateau est en lui-même ce qu’il est, rien que ce qu’il est et tout ce qu’il est.

    Si le plateau est, le serveur, lui, existe. Il est un être-pour-soi, une conscience. La conscience n’a ni forme, ni contenu, ni fonction : elle est pur néant et pure liberté. Une ouverture béante sur le monde, un gouffre vertigineux et angoissant. Elle n’existe que par le mouvement constant qui la porte, au-delà d’elle-même, à se projeter dans le réel pour en intérioriser quelques bribes décousues. L’homme, parce qu’il est un être conscient, n’a donc pas d’essence, pas de stabilité, pas de pérennité. Il est condamné à n’être jamais ce qu’il est. Mais qui peut se résigner à n’être rien ?

    Le rêve de toute conscience est de coïncider avec elle-même, de se donner la consistance indubitable d’une chose et d’abolir ainsi son angoissante liberté. C’est ce que Sartre appelle la mauvaise foi. Par sa conduite exagérément stéréotypée, le serveur veut s’arroger une essence pour échapper à son propre néant. Il « se la joue » garçon de café, comme d’autres jouent au policier irréprochable ou à l’employé modèle, pour se consoler du sentiment de leur propre vacuité.

    Mais voilà que Jean-Paul se lève pour saluer Simone. Ensemble, ils vont jouer à être Sartre et Beauvoir au Flore ou à la Coupole. 

     

    Trois notions-clés

    Etre-en-soi
    C’est l’essence même d’une chose. Dans le cas du verre ou du plateau, l’être-en-soi est facile à définir, c’est l’objet lui-même. Cependant, l’être-en-soi d’un homme, ce qu’il est vraiment, n’apparaît… qu’à sa mort.
     Etre-pour-soi
    C’est la capacité à se connaître soi-même. Les objets n’ont pas d’être-pour-soi. Dans le cas d’un homme, on pourrait dire que son être-pour-soi, c’est sa conscience de lui-même.
     La mauvaise foi
    Pour Jean-Paul Sartre, c’est le propre de l’homme que d’être capable de mauvaise foi, c’est-à-dire de se mentir à lui-même sur ce qu’il est vraiment. La conscience (l’être-pour-soi) peut être en décalage avec l’essence (l’être-en-soi).

    Par Olivia Gazalé

     

    Lien externe

     

    http://www.philomag.com/les-idees/exemples/jean-paul-sartre-et-le-garcon-de-cafe-5708

     

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  • La philosophie dans son sens étymologique est l'amie de la sagesse. Elle est donc ce qui s'oppose à la folie définit dans son sens négatif comme un excès. Elle propose donc une réflexion sur la façon dont nous pouvons trouver notre équilibre intérieur et le bonheur, en cultivant des sentiments justes et modérés. Aristote, élève de Platon et précepteur d'Alexandre Le Grand, a rédigé un petit ouvrage portant sur l'idée de courage dans "Ethique à Eudème."

    Comment être courageux?

    Selon Aristote le courage est un équilibre à trouver en soi pour s'accomplir et devenir vertueux. Il repose donc davantage sur la mise en pratique d'actes courageux plutôt que sur la capacité à le définir. C'est en étant vertueux que chacun réalise pleinement sa nature. Le courage, ce n'est pas agir sans peur: donc, être téméraire (= excès de courage). Le courage, ce n'est pas non plus avoir trop peur, ce qu'on appellerait lâcheté qui se définirait par un manque de courage. L'excellence éthique dont le courage fait partie, se trouve dans cet entre-deux. Il est donc considéré comme un juste milieu entre la lâcheté et la témérité.

    De l'importance de l'éducation pour s'épanouir, grandir solidement et en bonne santé

    Pour Aristote, l'excellence vertueuse naît grâce à l'éducation, ce qui est une des raisons pour lesquelles Aristote inclut l'éthique dans la politique. L'éducation permet de mettre en place un processus d'acquisition de bonnes habitudes qui donnent de la force à chacun, en le mettant sur les rails et en cultivant ce qu'il a de meilleur. Eduquer, c'est cultiver l'être, le nourrir et l'aider à grandir.

    L'excellence comme juste milieu entre deux excès

    Voici un tableau qui permettra de voir ce qu'il est important de cultiver au quotidien par une exigence permanente de travail sur soi si l'on veut garder une bonne santé mentale et avoir beaucoup d'énergie pour faire front aux difficultés de la vie:

     

    Excès

    Manque

    Juste milieu, équilibre, sagesse

    Témérité (excès de courage)

    Lâcheté (=manque de courage)

    Courage

    Colère

    Indifférence

    Douceur

    Impudence

    Timidité

    Pudeur

    Dérèglement

    Insensibilité

    Tempérance (=modération, sobriété, mesure, retenue. Vertu cardinale qui règle désirs et passion.)

    Prodigalité (=dépenser sans compter)

    Avarice

    Générosité

    Vantardise

    Fausse modestie

    Sincérité

    Flatterie

    Malveillance

    Amitié

    Vanité

    Pusillanimité (=manque de courage, absence d'action)

    Grandeur d'âme

    En un mot, la philosophie invite à cultiver l'état médian en tout, à progresser en sagesse et en justesse afin d'être crédible aux yeux des autres, plus charismatique et plus heureux. Ce n'est pas un plaisir éphémère qu'elle vise, mais un plaisir durable: le bonheur.

     

     

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    Introduction

    La philosophie, médecine de l'âme,

       Si le médecin soigne le corps, le philosophe s’occupe de l’âme… Tel est le partage des tâches esquissé dans les dialogues de Platon. Aujourd’hui, avec l’essor de la psychanalyse et de la psychiatrie, le développement d’un secteur entier de la médecine traitant des troubles psychiques, une telle répartition des rôles n’est plus valable. Que reste-t-il à la philosophie ? Nombreux sont ceux qui effectuent, à travers la fréquentation de cette discipline, un authentique travail sur eux-mêmes. Si la philosophie ne prétend pas guérir les psychoses ni les névroses graves, elle peut être utile à tous ceux qui vont bien, c’est-à-dire normalement mal. Mais attention ! S’il est des idées qui sauvent, il en est d’autres qui inquiètent, voire qui peuvent vous jeter dans un profond désarroi. Avec des témoignages vécus, des interventions de nombreux philosophes dont Pierre Hadot, Alexandre Jollien, Frédéric Schiffter, André Comte-Sponville, Richard Shusterman, ce dossier peut se lire comme un mode d’emploi. Il aide à s’y retrouver dans le maniement des remèdes, des poisons et des vaccins que recèlent les œuvres philosophiques.

    La philosophie peut-elle être une médecine de l'âme? (Pierre Hadot)

    Certaines philosophies de l’Antiquité se sont présentées comme des thérapeutiques pour les maladies de l’âme. Ainsi, l’épicurisme voulait guérir les hommes de la crainte des dieux et de la peur de la mort. Pour Plotin, cette fonction thérapeutique n’a qu’un rôle inférieur : elle purifie l’âme en vue du vrai but de la philosophie qui est une expérience d’union avec l’Un. La philosophie moderne, depuis Rousseau, Schelling, Nietzsche, Bergson et l’existentialisme, s’est aussi présentée comme un élargissement de la conscience, une transformation de la vision du monde qui fait accéder à l’expérience de l’existence, à l’énigme de l’être-au-monde qui provoque l’émerveillement, mais qui peut aussi engendrer l’angoisse. Une angoisse que, selon Goethe, Schelling, Nietzsche ou Heidegger, l’homme doit avoir le courage d’assumer. Comme dit Goethe, le frisson est la meilleure part de l’homme. C’est dans le saisissement qu’il éprouve au plus profond de lui-même l’aspect terrifiant de l’existence. Mais déjà Lucrèce, en parlant de la nouvelle vision du monde apportée par Épicure, avait dit qu’elle provoquait dans l’âme à la fois horreur et volupté divine. La philosophie n’apporte donc pas seulement la sérénité…

    Les exercices spirituels

    La cure d’Épicure

    « Le plaisir est le principe et la fin de la vie bienheureuse », proclame Épicure dans sa Lettre à Ménécée. Vous avez le sentiment de ne pas savoir jouir de votre existence ? Cette maxime est pour vous. Mais ne vous réjouissez pas trop vite : avant de vous précipiter sur le foie gras, il vous faut méditer les principes de l’ascèse épicurienne, seule méthode brevetée au Jardin du plaisir philosophique. Loin de se vautrer dans l’hédonisme et la débauche, le sage épicurien se contente de peu, privilégiant certains plaisirs. « Parmi les désirs nécessaires, les uns le sont pour le bonheur, les autres pour l’absence de souffrances du corps, les autres pour la vie même. » Éviter la douleur, se conserver en bonne santé, manger à sa faim : telles sont les priorités d’une existence bienheureuse, construite non pas sur une accumulation de richesses mais sur une simplicité naturelle. La détresse de l’homme naît de son incapacité à réguler ses désirs, et sa douleur provient souvent du manque créé par des désirs vains, artificiels et illimités. Enfant, vous voulez un vélo, plus tard une mobylette, puis un break… Et ainsi de suite jusqu’à ce que vous vous lassiez de votre avion privé. Rien de tel qu’une bonne hygiène de vie pour éviter cela : avec le calcul des plaisirs épicuriens, c’est au pain et à l’eau que vous atteindrez le comble de la satisfaction.

    Indications : À prendre une fois passés les excès de la jeunesse.

    Effets secondaires : Ennui, sévérité. À force de tergiverser avant de commander un mojito, vous passerez pour un rabat-joie.

     

    Plaisir sur ordonnance

    Jouis ! Tel est l’impératif catégorique de l’hédonisme antique. Aristippe (Ve-IVe siècle av. J.-C.) et ses disciples les cyrénaïques pensent que les hommes vivent dans l’erreur et poursuivent de vaines aspirations, religieuses ou sociales, qui les dépossèdent d’eux-mêmes. Pour les guérir, ils soutiennent que la vérité ne réside pas dans le ciel platonicien des Idées, mais dans les sensations. Quant au souverain bien qui procure le bonheur, il se confond avec le plaisir. Non pas un plaisir négatif, conçu à la manière d’Épicure comme une absence de douleur, mais une volupté de tous les sens et tous les instants. Jouir, cela signifie magnifier le corps en tant qu’il perçoit, mange, fait l’amour et rit. Les anecdotes sur Aristippe nous le montrent se parfumer, s’habiller en femme et danser à la cour du tyran Denys, enchaîner les banquets et les visites chez les courtisanes. En outre, il ne cesse de provoquer ses semblables en usant d’une ironie féroce. Pour autant, l’hédonisme ne prône pas la débauche permanente, mais la constitution d’un soi autonome dans le jeu et la subversion. Une éthique et une esthétique de l’existence qui supposent de « maîtriser les plaisirs et de ne pas être subjugué par eux » (propos d’Aristippe rapportés par Diogène Laërce dans ses Vies et doctrines des philosophes illustres).

    Indications : Convient aux ambitieux ainsi qu’aux idéalistes gagnés par l’esprit de sérieux.

    Contre-indications : Déconseillé aux sujets de faible constitution.

    Effets secondaires : Réprobation sociale possible et réveils difficiles éventuels. Risques d’addiction pouvant mener à l’amollissement dans la luxure.

     

    Martin Duru

     

    Méditation sur l’Autre

    À force de croire en son pouvoir illimité sur les êtres et les choses, la conscience finit par être gangrenée par le solipsisme, l’idée selon laquelle rien n’existe en dehors d’elle. Le remède prescrit par Levinas consiste en un renversement total de perspective : le moi n’est pas premier et souverain, au contraire il est originellement exposé à une altérité radicale. Il s’éprouve dans la relation éthique, c’est-à-dire dans la rencontre avec autrui. Cette extériorité absolue doit être reconnue, comme nous y invitent certains rapports : dans le rapport érotique, l’autre se dérobe sans cesse à la fusion, d’où l’éloge lévinassien de la caresse qui ne vise « ni une personne ni une chose » et « ne sait pas ce qu’elle cherche ». De même, dans le rapport père/fils, le fils est nécessairement « unique », lié et en même temps détaché de son père, qui ne le possède pas. Ainsi, c’est l’effacement de soi devant l’altérité de l’autre qui définit la subjectivité. Levinas va plus loin encore : d’autrui je suis entièrement responsable, et c’est lui qui me l’ordonne. Par sa présence même, l’autre m’enjoint à répondre de lui, à en prendre soin jusqu’à renoncer à toutes mes prétentions égoïstes.

    Indications : Recommandé pour toute personne manifestement renfermée sur elle-même, effet d’un orgueil démesuré ou d’une solitude obsédante.

    Contre-indications : Déconseillé aux sujets trop sensibles, la rencontre avec l’Autre pouvant se révéler traumatisante dans certains cas.

    Effets secondaires : Une prise continue peut conduire à un excès dans l’abnégation, voire à des troubles paranoïaques qui se traduisent par le sentiment d’être persécuté ou pris en otage par autrui.

     

    Séance de rééducation à la liberté

    Vous n’avez pas le courage d’être libre et de réaliser vos aspirations les plus personnelles. Avant de renoncer à agir, vous vous persuadez que vous n’avez pas « les qualités » requises pour réussir. Sentant monter le regret, vous vous rassurez en répétant que ce n’est pas votre faute, mais celle des circonstances, de votre inconscient, de votre classe sociale… Bref, vous souffrez de ce que Sartre nomme la « mauvaise foi ». À lire d’urgence : L’existentialisme est un humanisme, où il reprend sous une forme plus directe certaines idées force de L’Être et le Néant. Avant tout, vous devez comprendre que vous êtes le Néant. Attention : le Néant, ça n’est pas rien, puisqu’il peut tout devenir. Vous êtes un champ de possibles ouvert à l’infini. C’est ce qui vous distingue de la pierre, ou même du cheval : la pierre est une pierre, c’est son destin. De même le cheval : déterminé par la nature à être ce qu’il est. Vous, en tant qu’humain, êtes liberté : vous n’êtes que ce vous vous ferez être, toujours au-devant de vous-mêmes, vous projetant dans l’avenir par votre action et elle seule. La pierre est une pierre, elle n’a pas le choix. Vous, vous pouvez être jardinier ou pianiste, marié ou célibataire, et même colérique ou posé. Ce que vous appelez déterminisme n’est qu’une somme de « situations » : à vous d’inventer, à partir d’elles, votre vie, ce chemin que vous réorienterez sans cesse, jusqu’à la mort. Parvenu à ce terme -la mort-, vous cesserez de vous projeter, perdrez en même temps la vie et la liberté, et tomberez enfin dans le destin.

    Posologie : Les séances ne conviennent pas à ceux qui ont goûté de près ou de loin aux sciences humaines (sociologie, psychanalyse…). Exercices particulièrement recommandés aux adolescents et aux jeunes adultes.

    Effets secondaires : Angoisse, inconstance, troubles identitaires, peut entraîner l’agressivité à l’égard de tout ce qui touche de près ou de loin à la psychanalyse.

     

    Dissiper les confusions, être clair. "Ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement", disait Boileau.

    Selon Wittgenstein, « le philosophe traite une question comme on traite une maladie ». L’esprit est trop souvent embrouillé, il s’empêtre dans de faux problèmes qui lui donnent des crampes. L’origine de l’embarras réside, pour cet auteur, dans une mauvaise formulation des pensées. La philosophie est donc une activité de clarification de nos concepts et, pour ce faire, elle propose d’opérer à la racine du mal en décrivant le fonctionnement correct du langage. La signification d’un mot n’est pas idéale, elle tient à l’usage qui en est fait dans des situations concrètes d’échange (les « jeux de langage »). On obtient ainsi un mode d’emploi qui détermine ce qui « marche » et ce qui, à l’inverse, ne peut être ni énoncé ni compris. Tracer les frontières de l’intelligible est l’antidote qui doit permettre à l’esprit de dissiper ses confusions. Cependant, l’homme aura toujours tendance à « s’élancer contre les frontières du langage », à vouloir dire l’indicible pour exprimer ses interrogations métaphysiques. Wittgenstein ne nie pas un tel besoin – qui correspond au domaine de l’éthique – il nous enseigne qu’il relève de l’incommunicable. Pour tout ce qui est des tourments existentiels, ce philosophe exigeant, voire tyrannique, se garde bien de donner des leçons et laisse chacun les affronter… en silence.

    Posologie : À porter en cas de maux de tête persistants, liés à une intense activité spéculative ou à une trop grande consommation de bla-bla médiatique.

    Effets secondaires : Risque d’isolement dans le mutisme et le rigorisme moral. Peut même dans certains cas entraîner des pulsions suicidaires.

     

    Une bonne dose de détachement

    Votre train a du retard ? Votre lave-linge est en panne ? Adoptez la position stoïcienne : ces événements ne dépendant pas de vous, rien ne sert de vous en préoccuper. « Ne demande pas que les choses arrivent comme tu les désires, mais désire qu’elles arrivent comme elles arrivent, et tu prospéreras toujours » : c’est le remède aux vicissitudes de l’existence que prône Épictète dans son Manuel. À haute dose, ce régime d’autopersuasion fera de vous un être invincible, jusqu’à vous libérer de tout attachement superflu. « Si tu aimes un pot de terre, dis-toi que tu aimes un pot de terre ; et s’il se casse, tu n’en seras point troublé. Si tu aimes ton fils ou ta femme, dis-toi à toi-même que tu aimes un être mortel ; et s’il vient à mourir, tu n’en seras point troublé. » Dans le monde stoïcien, conçu comme un être vivant où la nécessité s’impose aux hommes, le bonheur consiste, selon Cicéron, à « vivre en accord et en harmonie avec la nature ». Fort de cet ordre cosmique, le sage doit acquiescer aux événements de l’Univers. Un bon antidote à la souffrance, hélas plus efficace dans les transports en commun que pour le décès de vos proches.

    Indications : Il est recommandé de bien vous en imprégner dès la mort de votre premier cochon d’Inde.

    Effets secondaires : Peut entraîner une forme d’insensibilité, d’égoïsme, voire de cruauté.

     

    Désensibilisation à la peur de mourir

    Vous avez le vertige quand vous approchez d’un précipice et vous redoutez de tomber gravement malade. Rien de grave : vous souffrez d’une affection courante parmi les hommes, la peur de la mort. Diagnostiqué par Lucrèce dans la Nature des choses, ce trouble, souvent accompagné de la crainte des dieux, provoque des souffrances terribles et injustifiées. C’est pourquoi le philosophe, à la suite d’Épicure, s’attache à montrer que la mort n’est rien. Les Enfers ne sont qu’une invention humaine. Pur néant, « privation de sensation », le simple arrêt de la vie n’est qu’absence de douleur et ne saurait vous impressionner. À quoi bon s’effrayer de la mort alors que vous ne serez plus là pour en souffrir ? Profitez plutôt du moment présent pour jouir de votre existence : comme le rappelle Épicure, « on ne peut naître deux fois, et il faut n’être plus pour l’éternité : toi qui n’es pas de demain, tu ajournes la joie ; la vie périt par le délai, et chacun de nous meurt affairé ». Se libérer de cette angoisse est un premier pas vers le bonheur. Si vous n’êtes pas convaincu, rappelez-vous, en bon stoïcien, que la vie ne vous appartient pas et ne dépend pas de vous. Apprêtez-vous donc à pouvoir la rendre à tout moment… Contentez-vous, avec Marc-Aurèle, « d’attendre la mort d’un cœur paisible, et de n’y voir qu’une dissolution des éléments dont chaque être est composé ».

    Posologie : À appliquer en cas de crise, ou suite à un carambolage, face à une attaque de sanglier ou si vous êtes pris en otage. Un usage quotidien est recommandé dès la retraite.

    Effets secondaires : Témérité, imprudence. En cas de réaction aiguë (excès de vitesse, pratique de sports extrêmes), consulter un épicurien.

    En conclusion, les exercices spirituels sont une bonne leçon de philothérapie, comme relation apaisée au monde, aux autres et à soi.

     

     

    Bibliographie

    Philosophie magazine N°25 du 4/12/2008

     

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