• <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> Avenue des Géants-Marc Dugain </figure>

    Le 8ème roman de Marc Dugain "Avenue des Géants" interroge à nouveau sur la question de la folie comme dans "L'Insomnie des étoiles", mais là il s'agit d'expliquer les actes monstrueux d'un criminel en série: Edmund Kemper qui prend les trait d'Al Kenner sous la plume de l'écrivain. La question de la folie est amenée avec complexité. En effet, on s'interroge sur la question qui reste ambiguë jusqu'au bout: cet homme est-il fou?

    On peut regretter cependant que ce soit souvent la folie criminelle qui soit traitée de façon fictive, car elle engendre un certain nombre de préjugés chez les gens et sur la schizophrénie notamment. On finit par croire que tous sont criminels ou susceptibles d'être dangereux, ce qui est évidemment faux. Mais l'aspect sensationnel de ces gens qui ont franchi toutes les limites du raisonnable -parfois en toute conscience- attire les journalistes, les écrivains ou les cinéastes et font porter de lourds préjugés sur ceux qui vivent paisiblement et souffrent de troubles psychiques avec le regard de gens souvent assez peu bienveillants qui ne connaissent que les fictions. On apprend d'ailleurs à travers l'histoire d'Edmund Kemper que les termes psychiatriques pour désigner le mal sont flous. D'abord diagnostiqué schizophrène paranoïde, Edmund Kemper a ensuite été jugé psychopathe.

    Marc Dugain a cependant la finesse de montrer que même si de tels actes ne sont pas acceptables, ils trouvent leur origine dans la maltraitance et prennent racine dans notre société qui se tait ou ne fait rien. La plupart des criminels en série ont subi des sévices durant leur enfance, mais les coupables adultes n'ont jamais été condamnés.

    I-Une histoire qui prend racine dans la réalité: qui est Edmund Kemper?

    Edmund Kemper est un criminel en série américain, appelé aussi "l'ogre de Santa Cruz" car il s'est livré à des actes cannibaliques sur certaines de ses victimes. Il aurait servi de modèle au terrifiant "Hannibal" du "Silence des agneaux". Né en 1948 en Californie et emprisonné à perpétuité à Folsom, Edmund Kemper a la particularité de s'être livré à la police après avoir commis ses crimes. Il a assassiné ses grands-parents à l'âge de 14 ans et a été enfermé en hôpital psychiatrique, alors qu'il ne semble jamais- à ses dires- avoir eu de troubles psychiques.

    Lien pour aller plus loin sur ce criminel : http://www.tueursenserie.org/spip.php?article13

    II-Un diagnostic très imprécis

    Edmund Kemper semble avoir fait l'objet d'avis contradictoires de la part des psychiatres. Après plusieurs années sans histoire apparente, son casier va être effacé.

    Voici ce que dit un psychiatre:

    "Si j’avais ignoré le passé de cet homme, je dirais que je me trouve face à un jeune homme intelligent, équilibré et qui ne manque pas d’esprit d’initiative. Bref, quelqu’un dépourvu de troubles psychiatriques (...) En fait, l’adolescent de 15 ans qui a commis cet acte atroce et le jeune homme de 23 ans que j’ai rencontré dans mon cabinet sont deux personnes totalement différentes (...) Cela prouve l’efficacité du traitement qu’il a reçu à Atascadero ; d’un point de vue psychiatrique, Edmund Emil Kemper ne représente aucun danger pour lui-même ou la société" : rapport d’un des psychiatres qui a demandé que le casier judiciaire de Kemper soit effacé. (Kemper avait déjà tué Mary Ann Pesce, Anita Luchessa et Aiko Koo, à ce moment-là).

    III-Quelles sont les causes de ses pulsions de mort

    -La famille: "La famille est le principal terrain de fermentation de la criminalité". (p.362, du livre de poche)

    -Et en particulier sa mère: Sa mère est maltraitante, alcoolique et dénigre son fils en permanence. Avant même qu'il tue, elle lui prédit un avenir funeste et pense qu'elle a engendré un monstre, un tueur. Une de ses sœurs le bat et elle la laisse faire traitant son fils comme un moins que rien. Elle le laisse dormir dans la cave dès son plus jeune âge. Son père fuit cette femme et son fils par la même occasion, alors qu'Al Kenner semblait apprécier son père. Le sentiment d'abandon et la maltraitance brise l'affect d'un homme qui peut devenir un monstre. Envoyé chez sa grand-mère, car ses parents ne veulent plus s'occuper de lui, il trouve qu'elle ressemble terriblement à sa mère et la tue tant sa voix de crécelle l'indispose.

    IV-Cet homme était-il fou?

    Malgré l'horreur de ses actes, Ed Kemper n'a jamais vraiment déliré, son jugement ne semblant pas altéré. Il a toujours été très lucide sur ce qu'il faisait sans pourtant être capable de maîtriser ses pulsions destructrices qui ont pris racine dans une enfance malheureuse. Il a toujours su et pu expliquer ses actes. Marc Dugain va dans ce sens lorsqu'il évoque cet homme à travers son personnage -qui prend le nom d'Al Kenner dans le roman-, capable de porter des jugements très justes sur l'hôpital psychiatrique et le lien qu'on peut faire avec la prison: "Je me suis souvenu d'histoires qui circulaient sur des gens normaux internés pour des broutilles et qui en étaient sortis le cerveau lavé comme le pont d'un bateau." (p.88). Al Kenner regarde ceux qui sont dans cet hôpital où on l'envoie alors qu'il ne s'estime pas fou : "Ils étaient ailleurs, un ailleurs dont j'avais le sentiment qu'on ne revient jamais." Dans cet hôpital, il avait peur de devenir dingue pour de bon.

    Son problème (selon l'auteur), il n'a jamais aimé personne (p.208), il manque totalement d'empathie, lui dira un des psychiatres qui le suit après qu'il a tué ses grands-parents: "Tu ne fais pas la différence entre le bien et le mal parce que certainement personne ne t'a fait assez de bien, ni ne te l'a enseigné."

    Voici ce qu'Al Kenner comprend de lui-même: "Si un jour je devais m'en expliquer, je savais ce que je devrais dire. Non, je ne suis pas fou. Non, je n'ai pas de psychose. Je n'ai pas eu d'autres choix que d'exercer des défenses perverses pour ne pas sombrer dans la folie. Je me suis toujours arrêté au seuil de la folie car j'étais assez fort pour cela."

    Quelle différence peut-il y avoir entre la schizophrénie et la psychopathie?

    De nombreuses personnes font la confusion entre la schizophrénie et la psychopathie...Pas étonnant puisque même les psychiatres s'y trompent. L'exemple d'Ed Kemper en est la preuve qui fut d'abord diagnostiqué schizophrène paranoïde pour être ensuite désigné comme un psychopathe. La schizophrénie entraîne parfois des délires dans lesquels les émotions sont incontrôlables, la personne ne maîtrise plus rien et n'est pas responsable de ses actes. Le soin est la seule façon d'échapper à ces délires. En revanche, la psychopathie est un phénomène différent. La personne se maîtrise totalement et sait ce qu'elle fait, mais elle n'éprouve aucune empathie pour l'autre, c'est une forme de mort des affects en certaines circonstances. On voit bien d'ailleurs qu'Ed Kemper s'en prend exclusivement à des filles bourgeoises qui rappellent les filles que sa mère lui a dit qu'il n'aurait jamais. Les psychopathes n'ont pas la notion du bien et du mal.

    Pour conclure, "Avenue des Géants" propose une réflexion sur la psychiatrie, ses impuissances et son manque de rigueur dans la pose des diagnostics: Ed Kemper est finalement vu aujourd'hui comme un psychopathe, même si son comportement en prison, -une fois ses démons chassés et notamment celui de sa mère- est exemplaire. A nouveau, on se dit que bien des choses de l'esprit humain échappe àla raison et qu'il faut rester humble. Il est parfois bien facile de mettre tous ceux dont le comportement nous échappe dans la catégorie des fous, en s'en débarrassant sans chercher à résoudre les problèmes.

    Cet ouvrage nous offre une bonne leçon d'humilité et une réflexion, à travers cette histoire -à mi-chemin entre réel et imaginaire-, sur le fonctionnement de notre société et sur notre raison parfois bien fragile et vacillante face au mystère de l'être humain. Laissons le dernier mot à l'auteur: "Romancer un personnage, c'est le trahir pour mieux servir ce que l'on pressent de sa réalité."

    Ils ont carbonisé mon cerveau affectif, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. Mais je sais encore raisonner par moi-même. (Al Kenner)

    Avenue des Géants-Marc Dugain (p.384)

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  • <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> La folie chez Ionesco et en particulier dans Rhinocéros </figure>

    Ionesco, dans ses œuvres, et en particulier dans "Rhinocéros" parle de la folie destructrice des hommes, se référant plus particulièrement au nazisme. Dans cette pièce, appartenant au théâtre de l'Absurde, seul Bérenger, assez humble pour cela, peu regardant de son apparence physique, alcoolique, lutte contre le conformisme, appelée aussi folie générale.

    Le seul espoir pour l'homme d'échapper à la rhinocérite, à ce retour à l'antimorale et à l'état sauvage -que contient le mot "folie" dans son sens étymologique, puisqu'il vient de "folium" en latin qui veut dire "feuille"-, son seul espoir, c'est de RESISTER. Bérenger dira dans son monologue final: "Eh bien tant pis ! Je me défendrai contre tout le monde ! Ma carabine, ma carabine ! (Il se retourne face au mur du fond où sont fixées les têtes des rhinocéros, tout en criant :) Contre tout le monde, je me défendrai ! Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas !"

    Il est le seul à vouloir rester un homme, parce qu'il accepte de se laisser guider par son intuition et par son instinct, refusant la logique qui assèche et sépare les hommes les uns des autres, les faisant sombrer dans la folie. Il prend conscience du poids de sa responsabilité et de sa solitaire liberté d'être. Il est seul contre tous, mais il est resté humain.

    I-La folie dans Rhinocéros

    a)L'errance

    "Nos personnages sont dans l'errance, mais pas toujours." Ionesco

    Dans "L'homme valise" du même auteur, on parle d'errance pure. Rappelons que le verbe "errer" vient du latin "errare" qui signifie "aller à l'aventure", "se tromper" d'où "erroneus" "vagabond, qui est dans l'erreur". L'homme s'illusionne, s'aveugle si bien qu'il peut sombrer parfois dans la folie, la divagation, l'illusion du monde. Seuls la clarté, la résistance et le courage peuvent venir à bout de cette folie destructrice. "Courage" vient du latin "cor, cordis" qui signifie "cœur". Etre courageux, c'est trouver la force de se battre avec son cœur, en puisant l'énergie dans le siège de ses émotions positives, de ses désirs les plus profonds. Ce n'est qu'en écoutant son cœur qu'on parvient à bout de toutes les manipulations de la raison, de toutes ses dérives et divagations.

    b)La rhinocérite: un accès de folie

    Tous les personnages qui se transforment en rhinocéros sont très attirés par la logique, par la Raison. Ils écoutent les raisonnements qu'on leur fait, en les récitant sans demander l'adhésion de leur coeur. L'équilibre entre sentiment et raison n'est pas présent. Prenons pour exemple le personnage de Dudard, sous-chef de bureau, universitaire, juriste qui emploie le raisonnement de façon a priori positive. Pourtant, de sympathisant passif, il devient sympathisant actif des rhinocéros. Il adhère peu à peu à la fascination que l'idéologie de masse exerce sur lui. Son problème, c'est qu'il s'aveugle, qu'il refuse d'agir, qu'il ne veut pas reconnaître le danger que présentent les rhinocéros. Dudard, peu à peu, n'a plus la force de leur résister, leur nombre écrasant l'attire. Il refuse d'être un extravagant, d'être dans le camp minoritaire si bien qu'il se métamorphosera en rhinocéros.

    Bérenger se questionne sur la transformation de Jean en Rhinocéros. Il en parle à Dudard qui ne s'inquiète pas. La rhinocérite est un accès de folie, un mal nerveux, celui de la fascination pour la masse. On retourne à l'état sauvage, à "l'antimorale" comme l'explique Jean lors de sa métamorphose, mais on oublie de rester un homme.

    II-La vie: une farce tragique

    Plusieurs citations d'Ionesco

    Ionesco dans une interview qu'il a donnée affirme: "La seule consolation au malheur d'être né, c'est quand même l'amitié.'

    • "La création est peut-être une farce que Dieu a jouée à l'homme."
    • "Le monde ne peut plus exprimer son angoisse: ni action, ni intrigue, car nos personnages sont des personnages dérisoires."
    • "Nos personnages sont dans l'errance. Mais pas toujours. Un espace sans espace. Un temps sans temps."

    On peut donc rire du dérèglement de notre langage et de nos actions, mais on rit jaune. Ionesco aimait qu'on rie un peu de ses pièces, mais pas trop, car c'est de lui qu'il parlait et il avait le sentiment alors qu'on se moquait de lui. L'homme est dérisoire, car il vit dans l'illusoire. Le théâtre permet une prise de conscience réaliste du monde. Ce dernier est absurde, incohérent et étrange, surtout lors de l'émergence des totalitarismes. Le langage est quant à lui bizarre, insolite et banal. Il mime les bavardages qui représentent des mots qui ne disent rien, qui sont du silence bruyant. Le langage est éclaté, la raison s'est égarée, c'est la folie qui envahit l'espace humain. Elle est souvent le résultat d'actions sociales déviantes. Elle ne concerne pas seulement l'individu qui en est touché, mais la majorité.

    En conclusion, on peut reprendre la phrase de Jacques Lemarchand qui dit que "[ce théâtre viole constamment "la règle du jeu". Il est pourtant le contraire d'un théâtre de tricheur." Tous les préjugés, les certitudes sont remises en cause. L'évidence est questionnée et semble source de confusion. Dans cette pièce, Ionesco refuse le grégaire social qui a conduit aux deux folies totalitaires que sont le nazisme et le communisme. Laissons le mot de la fin à l'auteur lui-même: "Rhinocéros est une fable où les hommes abdiquent leur humanité et se transforment en rhinocéros. Les hommes n'ayant plus de croyances et n'ayant plus d'idéologies sont la proie des fanatismes collectivistes ou autre qui remplacent une philosophie ou une métaphysique."

    Photo représentant la transformation d'un homme en rhinocéros, extraite de la mise en scène d'Emmanuel Demarcy-Mota.

    La création est peut-être une farce que Dieu a jouée à l'homme.

    Ionesco

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  • <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> Obscure clarté </figure>

    Témoignage d'un écrivain ayant souffert de schizophrénie et travaillant actuellement comme aide soignant. Il est tombé malade à l'âge de treize ans et a été hospitalisé pour la première fois à l'âge de vingt ans : une voix lui commandait de s'en prendre à son père car elle lui disait qu'il trompait sa mère. Il est aujourd'hui remis et a écrit sa biographie : http://www.babillote.com/

    Florent Babillote, l'écrivain a aujourd'hui 33 ans, il est marié, et toujours aide-soignant. Il témoigne dans des conférences et souhaite continuer à intervenir régulièrement. Son éditrice, Frédérique Labalette de LAIUS EDITIONS y travaille avec lui et est engagée à ses côtés pour soutenir la cause qu'il défend. Ils espérent avoir une télé prochainement, sur France 2. On peut trouver la video de son premier passage dans "Toute une histoire" sur You tube. Sophie Davant réinvite certains témoins un an après et leur a proposé un second passage.

    On peut trouver le livre dans toute librairie, il faut peut être le commander :

    "Obsure Clarté, schizophrenia" Florent Babillote Réédition.

    360 pages, format 14 x 21 cm, broché

    Prix 22 Euros

    Editions LAIUS. ISBN 978-2-35380-022-3 . Première édition 2011.

    Une vidéo de son passage sur France3 Alpes :

    http://alpes.france3.fr/2014/03/21/rencontre-avec-florent-babillote-ecrivain-schizophrene-437835.html

    Témoignage de Florent Babillote à l'émission Toute une Histoire sur France2

    Présentation du livre

    Présentation du livre

    Page de couverture

    Page de couverture

    Verso

    Verso

     
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  • <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> Hamlet: peut-on ne pas devenir fou dans un monde fou? </figure>

    La tragédie d’Hamlet de Shakespeare : une histoire de la folie

    La tragédie d’Hamlet, une des pièces les plus célèbres de l’éminent dramaturge élisabéthain, pose la question suivante : comment peut-on être raisonnable dans un monde fou ? Et non seulement il pose cette question, mais il y répond.

    Voilà ce qu’il nous dit de façon détournée, par la fiction : La raison est brisée par la folie des hommes. Mais défions-nous des apparences, ceux qui sont devenus fous comme la pure Ophélie ou ceux qui feignent de l’être comme le personnage éponyme –Hamlet- sont les êtres les plus purs et les plus justes qui soient dans le royaume. Ils sont ceux qui subissent la folie des puissants et notamment de Claudius, le roi ayant commis un double crime en tuant son frère : régicide et fratricide confondus.

    Claudius est adulé de tous, il est acclamé par le peuple. Personne ne connait la vérité et pourtant, celui qui se cache derrière le masque de la raison suprême est bien le plus fou, le plus dangereux. Il est l’Hypocrisie de la raison incarnée, le monstre humain qui dissimule ses crimes, car il ne s’arrêtera pas à un crime comme souvent, chez Shakespeare. Quand on a baigné ses mains dans le sang une fois, on recommence. Je dirai qu’il est celui qui entraîne tout le monde dans la tragédie, car il avance masqué, dissimulant son affreux crime.

    Le pouvoir corrompu est un vrai fléau, c’est le danger suprême, nous explique Shakespeare ! Hamlet, puis Ophélie en seront les principales victimes. Hamlet qui entend des voix. Hamlet qui serait montré du doigt aujourd’hui comme ayant des hallucinations, Hamlet que plus personne ne comprend, qui s’isole de tous : de l’amour, du monde, des autres. Hamlet la victime au cœur pur. On oublie cela souvent dans la folie : ceux qui ont sombré dans la déraison ne sont pas les plus criminels ! Alors, pourquoi les soigne-t-on parfois si mal aujourd’hui? Pourquoi la psychiatrie est-elle le dernier carrosse de la médecine ? Peut-être parce que les fous sont ceux qui nous renvoient au pire de nous-mêmes, à ce que nous voulons dissimuler au plus profond de nous, parce qu’ils dérangent. Ils parlent de la déréliction humaine, de la mort, du désastre d'une raison sacrifiée à l'autel de l'ambition, de l'orgueil et de tous nos défauts. Mais les délaisser, c’est perdre notre humanité, c’est se mentir à soi-même, être sale, refuser de voir ce qui fonctionne mal en nous, chez nous.

    Dans Macbeth cependant, ce sont les deux criminels (Macbeth et Lady Macbeth) qui deviennent fous. La folie des hommes traverse les pièces de Shakespeare, elle n’est pas dissimulée et c’est ce qui fait toute la force de son théâtre, toute son énergie et tout son charme. Souvent, nous feignons de voir –et les médias en premier lieu- que ceux qu’on nomme fous, sont les victimes d’une société qui déraille. On ne se focalise presque que sur les fous dangereux, à l’image de Macbeth et de sa femme. On oublie les Hamlet et les Ophélie.

    Terminons sur un passage commenté de la pièce d’Hamlet, extrait du dossier du théâtre de l’Odéon : « Cependant, la folie de Hamlet n’a pas pour seul effet de déranger ses proches, elle lui donne également la liberté d’enfreindre les règles de bienséance et d’obéissance de la cour sans encourir de punition immédiate. C’est ainsi que Hamlet, sous le couvert de la folie, s’approprie un rôle de commentateur critique et sardonique sur les agissements des autres personnages. Il succède ainsi à Yorick, ancien fou du roi dont le destin fait l’objet d’une conversation entière lors du cinquième et dernier acte de la pièce. Parmi ses principales cibles : l’infidélité de sa mère, la servilité de Rosencrantz et l’ambition dévorante de son oncle à qui il rappelle, par l’intermédiaire d’une devinette, que tous les hommes sont égaux devant la mort :

    HAMLET N’importe qui peut pêcher avec le ver qui a mangé un roi et manger le poisson qui a mangé le ver.

    LE ROI Que veux-tu dire par là ?

    HAMLET Rien, rien. Sauf vous montrer comment un roi peut processionner dans les boyaux d’un mendiant.

    Ceux qui souffrent dans la rue, ne sont-ils pas les victimes d’un pouvoir corrompu ? De nos propres carences humaines ? Voilà ce que nous dit Hamlet…Le mal fait, se retrouve partout : « dans les boyaux d’un mendiant. », dans toute l’humanité, dans les fous que nous méprisons et qui subissent nos pires crimes parce que ce sont parfois des hypersensibles, les éponges du mal qui nous ronge. Le voir, ce serait reconnaître nos fautes. Mieux vaut pour certains les fuir et les montrer du doigt.

    Ce n'est pas un signe de bonne santé que d'être bien adapté à une société profondément malade.

    Jiddu Krishnamurti

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