• Les mécanismes de la dépendance et le cannabis

    Extraits de Ces dépendances qui nous gouvernent, comment s'en libérer? par le Docteur William Lowenstein.

    Le docteur est un ancien interne, chef de clinique et médecin des hôpitaux de Paris, William Lowenstein est addictologue. Il dirige la clinique Montevideo, spécialisé dans la recherche et le traitement de la dépendance.

    Extrait de deux chapitres du livre: "Les mécanismes de la dépendance", "Cannabis: usages durs d'une drogue douce".

     

    "Nous traversons tous, dans nos vies, des moments où nous nous sentons plus ou moins vulnérables. A la suite d'une rupture amoureuse, par exemple, d'un deuil ou d'un échec professionnel. Nous sommes prêts à beaucoup pour éviter la souffrance. Il suffit qu'à cet instant-là nous fassions la "rencontre" d'une substance ou d'un comportement (car il s'agit bien là d'une rencontre, au vrai sens du terme) susceptible de produire sur notre cerveau un effet apaisant, euphorisant, dopant ou désinhibant...pour que nous nous y jetions à corps et esprit perdus. Un jeu vidéo qui, quelques mois auparavant, ne représentait à nos yeux qu'un intérêt ludique, va soudain devenir LE moyen de détourner notre pensée et de la calmer. Chaque produit ou comportement aura donc une fonction bien précise, initialement autothérapeutique, adaptée à l'état de l'individu. [...].

    Il existe une autre caractéristique à l'addict potentiel: l'évitement face à la souffrance. L'incapacité de certains à supporter la douleur (physique ou psychique) les oblige à trouver, par le biais d'une substance ou d'un comportement, un remède rapide et efficace. En ce domaine, une fois de plus, nous sommes inégaux. La recherche de sensations fortes et le besoin constant de nouveautés peuvent également favoriser l'abus puis la dépendance. Certaines personnes se satisfont toute leur vie de ce qu'elles possèdent, sans jamais chercher à provoquer un changement dans leur existence. Cela va de la "saine" curiosité à la nécessite de "palpiter", voire de risquer sa vie. On ne peut aborder ce sujet sans évoquer le sportif de haut niveau qui, à lui seul, regroupe un certain nombre de critères particuliers à l'addiction: une résistance très importante à la souffrance, de faire toujours mieux et, enfin, la recherche de la fameuse montée d'adréline indispensable à sa passion. Le sportif est plus particulièrement vulnérable à cette maladie des émotions qu'est l'addiction. A l'arrêt de sa carrière, lorsqu'il ne peut plus exercer cette activité sportive, intensive, hyperémotionnelle, celle qui l'a fait vivre, vibrer pendant des années, que devient-il? Que fait-il? Quelles solution de substitution trouve-t-il? Il peut être tenté de  consommer de l'alcool ou des produits interdits pour compenser, pour essayer de retrouver les effets dopants ou euphorisants du sport intensif. Au-delà du talent et du travail, les champions ne le deviennent pas tous par hasard. Parmi eux se trouve une grande majorité de gens plus sensibles que d'autres aux sensations et...aux addictions. [...].

    Enfin, je voudrais évoquer une dernière source de vulnérabilité: l'hyperactivité psychique. Certains individus sont en hyperactivité cérébrale, c'est-à-dire qu'ils pensent sans arrêt à des milliers des choses en même temps. Quelles que soient les circonstances, ils sont incapables de "débrancher". Privés d'une pensée tranquille. Pour ces personnes, les comportements excessifs ou les substances vont avoir tendance la capacité de ralentir  cette hyperactivité, de réguler le trafic de la pensée ou même de l'anesthésier pendant un temps.[...].

    Le point commun à tous les patients addicts qui viennent me voir est, sans aucune hésitation, l'hypersensibilité.

    Ce sont des malades de l'émotion.

    La conséquence première de cette perte de l'émotion n'est autre que la perte de la tranquillité. Mes patients pensent, ruminent, cogitent. Chaque respiration cérébrale est une respiration de doute, d'hésitation, d'angoisse, d'extrême remise en question, de peur, de vie ou de mort. [...]

    *

    Toujours est-il que la dépendance au cannabis existe. J'en ai pour preuve les patients -de plus en plus nombreux-  qui se présentent  à la clinique pour une consultation (dans le meilleur des cas) ou pour une hospitalisation chez les plus accrocs. Rares sont ceux qui évaluent à sa juste mesure l'importance que cette substance occupe dans leur vie, la place de plus en plus grande  qu'elle prend et le rôle qu'elle joue. Ils viennent la plupart du temps, parce qu'ils "se sentent mal", ou parce qu'ils se disent qu'il "faut arrêter", espérant secrètement que "ce sera l'affaire d'une heure ou d'un médicament pour que tout rentre dans l'ordre." Après m'être renseigné sur la quantité consommée, ma première question repose toujours sur les effets que leur procure cette substance. Jamais je ne leur demande pourquoi ils fument. La réponse qu'ils me donnent ("parce que j'aime ça", "parce que ça m'aide à vivre") ne me fait jamais avancer.

    J'ai reçu récemment une femme dans mon bureau, consommatrice de cannabis depuis 15 ans, à raison d'un ou deux joints par jour, parfois trois. Une "superwoman" de 40 ans, partagée entre "un boulot qui la passionne, un mari qu'elle aime et sa fille de 3 ans." Une femme qui gère tout  et toute seule sans jamais se plaindre, une femme soucieuse de renvoyer une image d'elle-même proche de la perfection. Pourtant, à peine arrivée chez elle, elle se rue sur ses pétards. "J'en ai besoin, me confie-t-elle, parce que j'ai peur de m'ennuyer avec mon mari et dans la vie en général, parce que j'ai peur de me retrouver  seule face à moi-même. Seule ou accompagnée, j'ai besoin de m'assommer. Pour m'endormir très vite." Lorsqu'elle n'a pas de cannabis, elle remplace son joint par un verre d'alcool ou un médicament. Tout est bon pour ne pas penser.

    Après 10 minutes d'entretien, je lui demande d'imaginer une soirée sans cannabis: "En 15 ans, cela ne m'est jamais arrivé, me répond-elle. J'ai trop peur de ce qui pourrait advenir, trop peur de réaliser que, finalement, j'ai des faiblesses, des failles et que je ne vaux pas grand chose." Peur de vivre et de penser sans le filtre protecteur et apaisant du cannabis. J'ai fréquemment croisé ce genre d'individus, très à l'aise dans leur sphère professionnelle et sociale, mais incapables de fonctionner sereinement, sans stress et sans angoisse, dans leur vie intime.

    Quelques jours après cet entretien, cette femme prit le risque de ne pas fumer: "D'un seul coup, j'ai commencé à tout remettre en question, m'avoue-t-elle: l'amour que je porte à mon mari, les raisons qui me poussent à rester avec lui. Je me suis rendue compte que je me masquais la réalité." Puis elle continue et me dit: "J'ai compris que si je stoppais ma consommation de cannabis, je risquais de tout foutre en l'air dans ma vie, de comprendre certaines choses que je n'ai jamais voulu envisager, de me voir telle que je suis réellement."

    Je lui propose alors d'entamer une psychothérapie. Je ne sais pas quelle sera sa décision. Elle ne le sait pas elle-même. Elle aimerait sans doute continuer à "faire l'autruche", aidée par ses "pétards", avec le risque de s'écrouler au premier grain de sable qui viendrait enrayer le cours de sa vie (l'enfant qui grandit, le mari qui la trompe, un problème dans le travail...) et hésite à prendre la difficile décision d'affronter enfin la réalité.

    Comme le montre l'exemple de cette femme, la consommation chronique de cannabis concerne des individus se trouvant dans des situations où le niveau de satisfaction ressentie est diminuée (stress, anxiété, dépression...). Des situations anhédoniques où le cerveau essaye, grâce à la stimulation du circuit de récompense, de retrouver le plaisir d'être. Le cannabis devient alors la solution pour supporter une résignation personnelle inavouable."

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