• La schizophrénie et la perte de contact vital avec la réalité

     La schizophrénie et la perte de contact vital avec la réalit 

    Eugène Minkowski, célèbre psychiatre français, dans son ouvrage intitulé "La Schizophrénie" (1929) va plus loin que Bleuler, l'inventeur du terme, en expliquant que la schizophrénie repose dans son fondement psychopathologique sur la perte de contact vital avec la réalité. Mais qu'entend-il par là? Son discours est d'une grande précision et mérite d'être analysé et résumé. Il apporte des nuances indispensables à la compréhension de la maladie.

    Définition gobale de la schizophrénie

    Eugène Minkowski explique que la schizophrénie se développe à partir de traits de la personnalité schizoïde qu'on rencontre chez tout être humain (voir l'article sur la schizophrénie selon Minkowski) et chez les personnes dites "normales". La schizoïdie se transforme en schizophrénie lorsqu'un processus morbide intervient, c'est pourquoi on a regroupé plusieurs maladies sous ce nom général de schizophrénie (la paranoïa, l'hébéphrénie et la catatonie). La schizophrénie se caractérise par un émoussement affectif, par la perte de l'unité intérieure:

    -Kraepelin parle d'un "orchestre sans chef"

    -Chaslin d'une "machine sans combustible"

    -et Anglade d'"un livre sans reliure". Les pages sont mélangées et l'ensemble ne présente pas de cohérence.

    Eugène Minkowski insiste sur le fait que la schizophrénie se caractérise par un manque de but réel et d'idées directrices, par l'absence de contact affectif et surtout par la perte du contact vital avec la réalité.

    Perte du contact VITAL avec la réalité

    Voici ce qu'en dit Eugène Minkowski (p.106):

    "Le contact vital avec la réalité semble bien se rapporter aux facteurs irrationnels de la vie. Les concepts ordinaires, élaborés par la physiologie et la psychologie, tels que excitation, sensation, réflexe, réaction motrice etc...passent à côté, sans l'atteindre, sans même l'effleurer. Les aveugles, les mutilés, les paralysés peuvent vivre en contact bien plus intime avec l'ambiance que les individus dont la vue est intact et qui ont leurs quatre membres; les schizophrènes, d'autre part, perdent ce contact, sans que leur appareil sensitivo-moteur, sans que leur mémoire, sans que leur intelligence même soient altérés. Le contact vital avec la réalité vise bien davantage le fond même, l'essence de la personnalité vivante, dans ses rapports avec l'ambiance. (...) Cette ambiance est ce flot mouvant qui nous enveloppe de toutes parts et qui constitue le milieu sans lequel nous ne saurions vivre. Les "événements" en émergent comme des îlots, ils viennent ébranler les fibres les plus intimes de notre personnalité, la pénètrent. Et celle-ci de nouveau les fait siens, vibre, comme une corde tendue, à l'unisson avec eux, s'en pénètre à son tour et, en y joignant les facteurs dont se compose sa vie intime, réagit d'une façon personnelle, non par des contractions musculaires, mais par des actes, par des sentiments, par des rires ou des larmes, qui viennent se poser sur les flots du devenir ambiant, s'y perdent comme une goutte d'eau, s'en vont vers l'infini qui nous échappe. C'est ainsi que s'établit cette harmonie merveilleuse entre nous et la réalité, harmonie qui nous permet de suivre la marche du monde, tout en sauvegardant la notion de notre propre vie."

    La différence avec Bleuler, l'inventeur du terme de "schizophrénie" (p.109)

    "Nous retrouvons l'idée d'une perturbation profonde d'avec le monde extérieur d'un bout à l'autre du livre de Bleuler sur la schizophrénie. Bleuler cependant met au premier plan les symptômes cardinaux et élémentaires de cette affection, concernant l'idéation, l'affectivité et les volitions du malade, et tout en insistant sur la perte de contact avec la réalité (autisme), il ne fait pas cependant de cette perte le trouble générateur dont découleraient tous les autres. Le contact vital avec la réalité n'est pas pour lui un facteur régulateur essentiel de la vie auquel on pourrait subordonner les autres fonctions psychiques. Fidèle à l'associationnisme, il défend, dans sa théorie de la schizophrénie, l'opinion qu'un trouble particulier dans les associations des idées est le trouble premier de cette affection. Il cherche ensuite une base organique pour ce trouble."

    Pour conclure, la réflexion d'Eugène Minkowski a l'avantage d'aller plus loin que celle de son inventeur. Il fait partie des psychiatres qui croit profondément que la schizophrénie peut se soigner (cela fera l'objet d'un prochain article). Il dira: "Oui, en psychiatrie plus qu'ailleurs, il nous faut non seulement des connaissances, mais encore de l'enthousiasme et de la foi."

    Citation d'Eugène Minkowski

    "Oui, en psychiatrie plus qu'ailleurs, il nous faut non seulement des connaissances, mais encore de l'enthousiasme et de la foi."

    Eugène Minkowski-La Schizophrénie

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