• <figure class=" ob-pull-left ob-media-left ob-img-size-300 "> Méditer ou prier, une voie vers l’apaisement et la pleine conscience </figure>

    La schizophrénie est une maladie qui soumet les patients à un afflux d’émotions. Les patients, hypersensibles, sont la proie d’émotions violentes qu’ils ne peuvent pas contrôler. Ils arrivent à en perdre la raison, l’esprit étant absorbé par une lutte sans merci pour tenter de survivre.

    A ces périodes de crises aigues succède souvent une très longue période dominée par les symptômes négatifs, un repli sur soi, l’isolement. Les neuroleptiques aident à combattre les symptômes positifs (les hallucinations, les idées délirantes) mais ils agissent très peu sur les symptômes négatifs.

    La méditation est une voie explorée aujourd’hui pour reconquérir la maitrise du monde intérieur et s’ouvrir au monde extérieur. Quel rôle peut jouer la prière, est-ce la même chose que la méditation, peut-on en parler sans heurter ?

    Le philosophe Terestchenko nous parle d’Etty Hillesum, une Juive déportée qui a réussi à garder la joie malgré les conditions atroces dans laquelle elle a évolué grâce à la prière :

    "Elle s'était préparée de longue date au sort qui l'attendait et sur lequel elle ne se faisait aucune illusion. Et préparée par la prière, nous dit-elle. La prière, dont Etty Hillesum dit découvrir petit à petit la puissance "constructrice" et "émancipatrice" -elle qui n'avait rien ni d'une bigote ni d'une nonne- et qui, à mesure, qu'elle s'y adonne davantage, semble l'unir à un monde plus vaste et plus riche que son petit moi, qui la met en relation avec une force immensément positive, une force océanique, qu'elle nomme Dieu -mais qu'elle se garde bien, du reste, de rendre responsable de la cruauté et de la folie destructrice des hommes.

    La prière qui la fait sortir de son égotisme un peu maladif la concentre sur une espèce de foyer intérieur, source à la fois d'apaisement, d'accord avec soi et d'énergie, et, dans un mouvement paradoxal, ouverture à une transcendance qu'elle éprouve comme une immanence logée au plus intime d'elle-même.

    Cette foi en Dieu et la prière dont elle se nourrit ne la conduisent nullement à un repli sur soi. C'est même très exactement le contraire qui se produit: elles lui donnent la capacité d'affronter l'horreur environnante sans être détruite par elle, sans que la monstruosité, la bassesse, la vilenie alentour entament de façon définitive ce que les Stoïciens appelaient la "citadelle intérieure" et que je nomme pour ma part la "réserve".

    La réserve comme ce fonds immune d'une intériorité qui s'ouvre à la possibilité de la dépense altruiste de soi: "Chez moi, écrit-elle, tout va de l'intérieur vers l'extérieur, non en sens inverse. Généralement, les mesures les plus menaçantes -et elles ne manquent pas en ce moment- viennent se briser sur ma certitude intérieure et ma confiance et, ainsi filtrées perdent le plus clair de leur caractère intérieur."

    Voltaire était déiste : il aimait dieu et croyait en son existence, mais a toujours rejeté l’institution religieuse.

    Définition du déisme : Le déisme, du latin" deus" (dieu), est une croyance ou une doctrine qui affirme l'existence d'un DIEU et son influence dans la création de l'Univers, sans pour autant s'appuyer sur des textes sacrés ou dépendre d'une religion révélée.

    Pour la pensée déiste, certaines caractéristiques de Dieu peuvent être comprises par les facultés intellectuelles de l'homme. Le déisme prône une « religion naturelle » qui se vit par l'expérience individuelle et qui ne repose pas sur une tradition écrite. Pour certains déistes, on peut avoir une relation avec Dieu mais elle est directe (notamment par la contemplation). Il s'agit par conséquent d'une croyance individuelle et irréligieuse.

    De la prière à la méditation : une mystique plurireligieuse, Un livre du Prof. Dr. Carl-A. Keller :

    « Les termes de « prière » et de « méditation » renvoient à deux types d'activités ou d'attitudes religieuses ou spirituelles. On énonce souvent ces termes, prière et méditation, d'un seul souffle, comme deux choses jumelées, sans qu'on sache exactement comment les distinguer. On a vaguement l'impression que les deux forment un tout ou qu'elles sont très proches l'une de l'autre. On sent peut-être confusément que la prière est une sorte de méditation, comme d'autre part la méditation apparaît liée à une certaine manière de faire sa prière.

    Les deux notions semblent baigner dans un flou douillet qui les embrasse doucement et qui fait qu'il est difficile de s'entendre et de savoir exactement à laquelle des deux un interlocuteur pense. Nous verrons que cette imprécision dans l'emploi des deux termes est compréhensible, peut-être inévitable, parce que la prière passe imperceptiblement à la méditation et que la méditation est constamment stimulée et fécondée par la prière. Prière et méditation ne sont certes pas identiques, mais elles forment un continuum. »

    http://www.carl-a-keller.ch/de_la_priere_a_la_meditation.php?imprime=oui

    Aujourd’hui, les bienfaits de la méditation ont été prouvés chez les personnes souffrant de problèmes psychiques grâce à l'imagerie médicale. L’accès à un Etre supérieur, le dépassement de soi, l’accomplissement de soi sont des voies qui permettent de dépasser les limites et les souffrances du quotidien. La question de la religion est sensible : les croyants comme les non croyants peuvent être heurtés dès qu’on aborde le sujet. Il y a eu tant d’antagonisme et de perversité dans l’histoire que cela est compréhensible.

    Peut-être est-il temps d’aborder ces questions sous un angle moins sectaire et d'accorder une place au « spirituel » puisqu’il est salvateur (quel que soit le sens qu’on donne à cet adjectif).

    Bibliographie

    • TERESTCHENKO Michel, Un si fragile vernis d'humanité, p.281-282, Edition La découverte, Paris, 2005.
    • Prof. Dr. Carl-A. KELLER , De la prière à la méditation : une mystique plurireligieuse, Genève : Labor et Fides, 2004
    • ANDRE Christophe, psychiatre et psychothérapeute

    -La pleine conscience, une méthode pour vivre mieux (Ed. Odile Jacob, 2009),

    Imparfaits, libres et heureux -

    -Pratiques de l'estime de soi (Odile JAcob, 2009) et

    -Méditer, jour après jour - 25 leçons pour vivre en pleine conscience (Ed. Iconoclaste, 2011).

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  • Absence à toi Absence à moi

     

     

    Absence à toi, absence à moi

     

     

    En ce 28 février 2014,

    Je souffre de te sentir

    Si loin

    J’ai besoin

    De toi.

    *

    Absence à toi,

    Absence à moi.

    *

    Où es-tu ?

    Perdu, abattu ?

    Pourquoi la maladie

    T’a-t-elle emportée

    Et t’a fait oublier

    Notre amour de toujours ?

    *

    Quelle douleur est la tienne ?

    Quelle douleur est la mienne ?

    Puisque je t’accompagne

    Sur ce long chemin

    Aussi dur que le bagne.

    *

    Est-il possible d’oublier ta peine,

    De jouer l’Indifférente

    Quand tu m’obliges à me taire ?

    Censurée, asphyxiée, oubliée.

    *

    Quand je parle,

    Tu te sens blessé.

    Quand je me tais,

    Tu te terres dans le mutisme.

    ***

    Je voudrais tellement retrouver

    Ces moments de grâce

    Où ton cœur léger

    M’emportait sur les vagues

    De tes bras nus

    Aux milles vertus.

    *

    Oh, toi, mon cavalier

    Qui sut si bien

    M’accompagner,

    Me réchauffer, m’aimer.

    *

    Quand te reverrai-je ?

    Reviendras-tu à toi

    A moi

    A nous deux ?

    *

    Quand la destruction

    Laissera-t-elle place à la résolution

    A l’absolution

    Au pardon

    A l’absence de toute négation.

    *

    Reviens-moi.

    Que ma prière soit exaucée,

    Afin que je retrouve ta luminosité !

    Soleil de mon âme

    Source de sérénité.

     

     

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  •                                                     L’hôpital psychiatrique : une forme d’institution totalitaire ?

    Pour l’écriture de cet article, je tenais à rendre hommage à l’excellent ouvrage de Michel Terestchenko Un si fragile vernis d’humanité : banalité du mal, banalité du bien. L’auteur, professeur de philosophie et spécialiste de philosophie morale, tente d’expliquer ce qui conduit un individu à faire le bien ou le mal. Quelles en sont les causes ? Nous en trouvons les raisons dans son éducation, sa présence ou son absence à lui-même et dans le système à qui il a décidé ou non d’obéir au prix de sa vie. Mieux vaut-il mourir vivant ou vivre mort ? C’est à l’intérieur de cet ouvrage incontournable au niveau historique, psychologique et philosophique que j’ai trouvé la source de l’inspiration de cet article : l’hôpital psychiatrique pourrait-il s’apparenter à une forme d’institution totalitaire ?

    Michel Terestchenko répond que oui (p.141) : « Que certaines institutions, qu’il s’agisse des hôpitaux psychiatriques, des prisons, de l’armée, des camps de concentration, voire même des couvents, se caractérisent par le double mouvement d’une séparation, d’une mise à l’écart, d’une coupure radicale des individus d’avec le monde extérieur, et d’une prise en charge complète de leurs besoins (logement, nourriture, habillement etc…) justifient qu’on voit en elles des structures sociales « totalitaires », comme les nomme Erwing Goffman dans son célèbre ouvrage Asiles. »

    Si ce sujet me touche tant, c’est que j’ai vu mourir une jeune fille de 20 ans, souffrant d’une dépression endogène et tant angoissée à l’idée de devoir encore affronter une structure fermée qu’elle a préféré la mort : elle s’est pendue derrière les thuyas du jardin de ses parents. Certes, on ne peut mettre uniquement cette mort sur le dos de l’hôpital psychiatrique et de ses structures, mais elle doit être questionnée. En dehors de ce témoignage poignant, j’ai pu lire ici ou là que cette structure était source d’angoisses terribles par ceux qui l’ont vécue. On est en droit de se demander comment il se fait qu’alors qu’on est malade, qu’on souffre terriblement, il faille encore se battre pour sa dignité à tel point que ceux qui n’en ont plus la force préfèrent la mort à la vie. Je comprends effectivement que les personnes atteintes de troubles psychiatriques soient parfois violentes, dangereuses pour elles-mêmes, c’est souvent l’argument mis en avant pour défendre la camisole de force ou la camisole chimique. Mais ne peut-on pas essayer de porter des soins basés sur la confiance en l’autre ? Certes, on nous objectera que la personne peut mourir si elle n’est pas surveillée. Pourtant, une structure de soin ne doit-elle pas avant tout être chaleureuse, réconfortante et donner envie de vivre plutôt que nous interdire de mourir avec une surveillance accrue, digne des pires systèmes totalitaires ?

    Une ancienne patiente racontait sur le blog de Lana (taper : blogschizo dans google) que les toilettes, dans l’hôpital psychiatrique dans lequel elle se trouvait, étaient pourvues d’une fenêtre dans laquelle les gens extérieurs pouvaient la voir. Elle dénonçait cette pratique, lui retirant toute forme d’intimité. Et là encore on arguait que certains avaient tenté le suicide dans cet endroit, si bien qu’il fallait une surveillance décuplée, au mépris de toute dignité humaine. Est-ce acceptable ? La réponse est non, parce que les droits humains primordiaux ne sont pas respectés. J’évoquerai aussi un détail plus que surprenant. Lorsque je me suis rendue dans un hôpital psychiatrique pour aller voir mon ami, les fenêtres étaient fermées à clé si bien que les gens vivaient dans le confinement le plus complet. Ne nous dit-on pas à longueur de temps qu’il faut aérer notre espace vital ? Cette absence d’air symbolise bien l’absence d’oxygène, de liberté qui sont les fondements de ces systèmes qui prétendent soigner les gens.

    Je vous mets en lien l'excellent article de Lana ayant subi l'hôpital psychiatrique. Elle en parle dans ce récit personnel et cette analyse très fine, intitulée "le pouvoir absolu":

    http://blogschizo.wordpress.com/2013/12/20/le-pouvoir-absolu/

    Je citerai à nouveau Michel Terestchenko dont les paroles d’une grande justesse ne peuvent que nous convaincre de ce qui se passe psychologiquement lorsqu’on agit de cette façon. Nous comprendrons qu’au lieu de soigner, d’apaiser un esprit torturé par la vie et ses épreuves, on l’accable encore davantage : « L’aspect essentiel du « reclus » dans l’univers totalitaire est qu’il se trouve soudain pris dans un processus de dépossession de soi, de dépersonnalisation, de perte de son autonomie qui conduit à briser toute conscience de sa propre identité, de son moi intime, mais aussi à l’embrigader dans une institution rationnellement organisée selon les règles immuables mises en œuvre par ses personnels (médecins, gardiens etc…), lesquels, pour leur part, continuent d’entretenir des rapports « normaux » avec le monde extérieur, étant « de l’autre côté de la barrière » comme on dit. » Michel Terestchenko parle bien de pouvoir total que l’institution exerce sur le patient alors que les « soignants » sont eux soumis à un autre régime que celui infligé à ceux qui sont internés : tandis que les premiers sont enfermés et privés de liberté, les autres ont tous les droits et parfois aussi sournoisement celui de nuire par un système où la liberté n’est pas donnée à tous de la même façon. Certes, on répliquera que la personne recluse ne sait pas bien user de sa liberté : mais ne peut-on lui apprendre à l’exercer, lui faire confiance ? La confiance n’est-elle pas un meilleur remède à celui de la surveillance ? Elle demande cependant beaucoup plus de qualités humaines et d’efforts sur soi que la politique de Big Brother, dénoncée dans le célèbre apologue 1984 de George Orwell.

    Je pense que loin de ne toucher que ceux qui sont envoyés en camp de concentration ou en hôpital, le problème de la surveillance extrême, du pouvoir absolu se rencontre également dans notre vie quotidienne : tyrannie domestique, jalousie, harcèlement au travail. C’est donc un problème qui devrait être l’affaire de toute une société.

    Je suis très sensible au combat que mène Michel Terestchenko qui a écrit un ouvrage sur ce sujet et un autre sur la torture qu’il dénonce. Voici le lien de son blog qui se trouve aussi sur la page de droite de notre blog :

    http://michel-terestchenko.blogspot.fr/

    Et terminons sur cette belle citation extraite d’un opéra de Benjamin Britten « Peter Grimes » et se trouvant sur la sculpture située à la tête de cet article : « J’entends ces voix qui ne seront jamais noyées. » Espérons que ces voix soient celles de la justice et de la dignité un peu brisée parfois par les tempêtes d’émotions négatives, mais qui résistent malgré tout à ces assauts répétés et qui finissent par prendre le dessus sur les voix de la destruction, de l’anéantissement de soi et de l’autre. Espérons donc que ces voix soient celles de l’amour et de la fraternité.

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  • Depuis une trentaine d’années, le nombre de malades mentaux à la rue n’a cessé d’augmenter.

    Cela tient à deux tendances de fond : d’une part ce qu’on appelle la désinstitutionalisation, autrement dit la fermeture des lits dans les hôpitaux psychiatriques. Il y a trente ans, les malades étaient hébergés pendant de longues périodes à l’hôpital.

    Une volonté de réinsérer les malades dans « la communauté » et aussi, plus bassement, le souci de réduire les frais d’hospitalisation ont conduit à la fermeture des lits en psychiatrie. Aujourd’hui, il n’est pas rare que les séjours soient écourtés et que les malades pas encore remis soient mis dehors.

    Qui s’occupe de l’insertion sociale ? Les parents souvent. Mais que se passe-t-il quand les parents ne sont pas là ou qu’ils démissionnent ? Le résultat est que le nombre de sans-abris a augmenté de manière constante depuis une trentaine d’années et parmi eux la proportion de malades mentaux est très élevée.

    L’autre tendance est la cherté du logement et l’absence de solutions pour les malades mentaux. Trouver un logement est déjà difficile pour les personnes disposant d’un travail et en bonne santé, pour un malade déstructuré, ayant perdu ses papiers, sans ressources, cela relève de l’impossible.

    Sans intervention volontaire de la société, ces malades sont condamnés à errer puis à mourir à la rue. Société avancée ? Société humaine ?

    Certains essayent de lutter contre ce phénomène, comme le docteur Alain Mercuel, psychiatre à Ste Anne qui tente de venir en aide aux malades à la rue. Beaucoup de ses collègues tentent de le dissuader, « tu perds ton temps, c’est mission impossible », mais il ne se décourage pas, même bien seul, il se bat pour ce qui lui tient à cœur.

    http://www.franceculture.fr/personne-alain-mercuel

    Une expérience est en cours à Paris et dans quelques autres grandes villes pour définir une politique de relogement des sans-abris malades psychiatriques, elle est inspirée de ce qui s’est fait aux Etats-Unis : Housing first.

    http://aurore.asso.fr/category/housing-first

    Comme toujours, il faut attendre ce qui vient de l’autre côté de l’Atlantique, sommes-nous si peu inspirés dans ce pays ?

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  •                                                                              Une réflexion sur l’incestuel dans la maladie bipolaire

     

    Je tiens à préciser que j’ai découvert le terme « incestuel »dans l’autobiographie de Delphine de Vigan, intitulée « Rien ne s’oppose à la nuit ». Dans son roman, l’écrivaine tente d’expliquer comment la maladie bipolaire (ou maniaco-dépression) a fait surface pour amener Lucile, sa mère, au suicide. Delphine de Vigan explore deux pistes : celle des suicides des frères de Lucile (Jean-Marc et Milo), mais aussi celle de l’inceste. Elle dira dans ce roman : « Lucile était bipolaire et il semble que l’inceste figure parmi les facteurs déclenchants de la maladie. » Lorsque Lucile décide à 35 ans d’évoquer l’inceste et d’exprimer la douleur de ce qu’elle a vécu à cause de son père, personne ne réagit. Aucune conséquence dans la famille, c’est comme si rien n’avait été dit, alors que la révélation est grave. Peut-être en raison de l’absence de réaction, de cette indifférence insupportable, Lucile se rétracte : « elle parlait alors d’une relation incestuelle plutôt qu’incestueuse, réfutait le récit du passage à l’acte. »

     

    Mais qu’est-ce que la relation incestuelle ?

     

    C’est Jean-Paul Racamier, psychiatre et psychanalyste français, qui invente ce mot et son concept. Pour comprendre la relation incestuelle, il faut s’en référer aux mythes : celui d’Œdipe bien connu et celui de Périandre plus méconnu et pourtant essentiel. Si Œdipe et sa mère culpabilisent de leurs fautes et dépassent donc la relation incestuelle, Périandre subit lui l’étouffement d’une mère qui veut le posséder corps et âme sans aucune culpabilité.

    Ce qui différencie l’œdipe de l’inceste –histoire de Périandre- c’est qu’ici il y a un secret qui fait alliance avec un déni, le déni de la faute, le déni de la culpabilité. Si Périandre est aveugle c’est parce qu’il le veut bien : l’obscurité dans laquelle l’inceste a lieu symbolise son désir de ne pas voir. Tout inceste fait alliance avec le déni à travers une technique, celle du non-dit.

    À la différence de l’œdipe et de son cortège de rêves et de fantasmes, l’inceste s’effectue sur un fond de deuil impossible à faire ; il est une mise en acte, hors psyché qui vise à éviter toute souffrance psychique liée à la conflictualité. La mère de Périandre a recours à l’inceste, car elle est incapable de renoncer à la possession exclusive de son fils : ce deuil est impossible à faire. Ce qui est frappant dans l’incestuel c’est qu’il est tueur de fantasme.

    L’incestuel ne s’image pas, ne se représente pas, ne se fantasme pas. Il peut être repérable à partir d’un constat clinique, celui du vide de la pensée (pensée blanche du patient). C’est du sexuel non sexuel.

    Les objets incestuels : Parmi ces objets, l’argent occupe une place centrale, mais on peut également citer les vêtements, les bijoux, la nourriture : ces objets d’échange sont une façon d’entretenir une relation incestuelle à défaut d’entrer dans un inceste proprement dit ; mentionnons également le travail scolaire qui peut être utilisé comme prétexte d’un rapprochement physique ou d’une relation d’emprise entre un enfant et un parent.

    Relation mère-enfant: Enfermée dans son ego la mère incestuelle est en réalité inaffective, son enfant est élevé, choyé, encensé mais pas tendrement entouré. Cela n’est paradoxal qu’en apparence, la symbiose habituelle mère–enfant est amour et échange réciproque, séduire (se ducere), c’est conduire à soi l’autre pour le posséder. Une mère vraiment aimante n’éprouve pas à tout moment le besoin de théâtraliser son amour avec des gestes et des phrases. Si elle souffre de voir son enfant grandir et s’éloigner c’est en silence, cela ne l’empêche pas de s’en réjouir pour lui et l’aider dans cette démarche, elle se soumet ainsi au mouvement de la vie et peut s’ouvrir personnellement à d’autres désirs.

    La mère incestuelle veut l’enfant pour elle, rien que pour elle, elle le garde captif et s’enferme avec lui dans un hors monde, un hors vie où elle en jouit en secret, toute à sa pulsion de mort. L’incestuel baigne dans le secret. Le rôle du secret est d’occulter les origines de telle sorte que seule la séduction narcissique puisse emprisonner dans le silence l’enfant qui en est l’objet, on peut déjà dire, même en l’absence de tout abus physique, la victime. Tout se passe dans le non savoir, le non dit, le non à penser.

    Le cas Schreber peut être vu à la lumière de l’engrènement : un lien incestuel extrêmement puissant liait Schreber à son père. Non seulement le père avait la haute main sur tout ce qui concernait le corps de son fils (ceci avec la complicité maternelle), mais il avait également une prise directe sur son âme au point qu’il est possible d’avancer que le fils réalisait par son aliénation et son délire l’homosexualité complètement réprimée de son père. Ainsi, l’incestualité poussée dans ses derniers retranchements peut conduire un fils à agir ou à délirer en lieu et place de son père, lui épargnant ainsi la folie. Cette séduction entre la mère et l’enfant est nécessaire, voire vitale, dans les débuts de la vie ; réussie, elle doit conduire au deuil originaire où mère et enfant parviennent à se déprendre de leur lien. Il peut arriver que cette relation primaire n’ait pas été suffisamment satisfaisante, elle risque alors de déboucher sur un deuil impossible : voici les conditions propres à générer de l’incestualité. L’incestualité désigne un climat familial dans lequel l’enfant est amené contre son gré, mais par une violence encore plus pernicieuse que dans l’inceste, à accueillir les désirs sexuels d’un ou des deux parents abuseurs et à les satisfaire au prix de sa propre sexualité. Il constitue une forme de ce que l’on est en droit d’appeler un « meurtre psychique ». L’incestuel est un dysfonctionnement psychique et relationnel qui entraîne comme le dit Zweig, une incroyable « confusion des sentiments ».

    Quelles seraient les solutions à envisager pour sortir de l’incestuel ?

    Se dire, expliquer ce qui n’est pas normal, contraire à la loi morale, à la construction de soi. Se rebeller dans un premier temps et jouer son rôle d’enfant ensuite en refusant de porter le poids de ses parents, les renvoyer -avec des explications claires- à leurs propres névroses, refuser de prendre les leurs. En somme, bien se positionner et savoir ce qu’on veut et comment on peut y arriver en faisant preuve de discernement.

    Dessin en tête de l'article: "Brou de noir sur papier" de Pierre Soulages, cité en épigraphe de "Rien ne s'oppose à la nuit":

    "Un jour, je peignais, le noir avait envahi toute la surface de la toile, sans formes, sans constrastes, sans transparences.

    Dans cet extrême, j'ai vu en quelque sorte la négation du noir.

    Les différences de texture réfléchissaient plus ou moins faiblement la lumière et du sombre émanait une clarté, une lumière picturale, dont le pouvoir émotionnel particulier animait mon désir de peindre. Mon instrument n'était plus le noir, mais cette lumière secrète venue du noir."

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